Diocèse du Bas-Rhin
Le diocèse du Bas-Rhin est un ancien diocèse de l’Église constitutionnelle en France, créé par la constitution civile du clergé de 1790 et supprimé par le concordat de 1801. Son territoire correspond à celui du département du Bas-Rhin, le siège épiscopal, situé à Strasbourg, étant occupé par François-Antoine Brendel de 1791 à sa démission en 1797. Aucun évêque n’est nommé après lui, l’administration étant assurée par l’évêque du Haut-Rhin Marc-Antoine Berdolet jusqu’en 1801.
Tout au long de son existence, le diocèse est confronté à une importante pénurie de prêtres, liée au faible nombre de prêtres jureurs — moins de 10 % du clergé prête serment et à l’obligation d’avoir des prêtres germanophones. S’ajoute à cela une forte hostilité de la population locale à l’Église constitutionnelle et la proximité de la frontière, qui permet au cardinal Louis-René de Rohan et au clergé réfractaire d’agir contre celle-ci et d’occuper les paroisses qu’elle est incapable de pourvoir en curés. Peu solide, l’administration du diocèse ne survit pas à la Terreur et aux campagnes de déchristianisation de 1793 et 1794 et l’Église constitutionnelle se trouve ainsi largement inopérante dans le diocèse du Bas-Rhin dès 1795.
Histoire
L’adoption le de la constitution civile du clergé met fin unilatéralement au Concordat de Bologne et met en place la réorganisation de l’Église de France pour en faire une Église nationale sous tutelle du pouvoir civil et sans lien de subordination avec la papauté. Parmi les mesures prises, la carte des diocèses est entièrement revue afin de faire correspondre leurs limites à celles des départements. Deux diocèses sont ainsi créés en Alsace : le diocèse du Haut-Rhin et celui du Bas-Rhin. Pensée à Paris, la loi prend toutefois mal en compte les particularité régionales, et notamment celles de l’Alsace. Celle-ci se distingue en effet d’abord par sa dimension multiconfessionnelle, avec 440 000 catholiques, 220 000 protestants et 20 000 juifs, alors que le reste de la France est très majoritairement catholique. Par ailleurs, l’immense majorité de la population ne parle pas français, ce qui ne permet pas de transférer facilement dans la région du personnel non germanophone[1].
Les décrets du et du imposent au clergé de prêter serment sans réserves à l’État. Cette décision a pour conséquence d’entraîner un rejet massif de la constitution civile du clergé au sein du clergé établi, d’autant renforcé par la condamnation de celle-ci par Pie VI le . Dans l’intervalle, le , François-Antoine Brendel est élu évêque du Bas-Rhin, mais son élection est contestée. La loi n’ayant en effet pas envisagé la dimension multiconfessionnelle, elle permet à tout les citoyens de voter quelle que soit sa confession : les catholiques ayant boycotté le vote, l’évêque catholique est ainsi plus ou moins élu par les protestants[1].
La situation se dégrade ainsi rapidement dans le diocèse : moins de 10 % du clergé existant ayant prêté serment, il y a un fort déficit de ministres du culte, qui ne peuvent être remplacés facilement. La légitimité de l’évêque constitutionnel est également faible, tandis que l’évêque catholique romain, Louis-René de Rohan, replié de l’autre côté du Rhin, et le clergé réfractaire luttent contre l’Église constitutionnelle avec tous les moyens qu’ils peuvent employer. Dans l’ensemble, la population est hostile et les prêtres jureurs sont souvent accueillis par des insultes, voient leurs messes boycottées voire sont chassés à coup de pierre[1].
Afin de rétablir la situation, l’Assemblée nationale autorise à partir du l’élection dans les deux diocèses d’Alsace de curés étrangers, ce qui permet de faire venir des prêtres allemands pour combler le manque de curés. Ceux-ci, motivés par un militantisme politique radical, se révèlent toutefois souvent peu fiables et nombre, tel Euloge Schneider, quittent leurs fonctions religieuses pour faire de la politique. L’Assemblée essaye également de réduire les troubles en ordonnant le l’éloignement à plus de trente lieues des frontières du diocèse des prêtres réfractaires puis par la loi du 26 août 1792 bannissant les membres du clergé réfractaire. Là aussi l’effet de ces mesures est limité et la population catholique du diocèse reste majoritairement hostile au clergé constitutionnel[1].
Mal établie dans le diocèse, l’Église constitutionnelle est achevée par la Terreur et les campagnes de déchristianisation de 1793 et 1794. La suppression de la rémunération des ministres du culte le entraîne le départ de la majorité des prêtres constitutionnels restants. L’évêque François Antoine Brendel, ne pouvant plus administrer son diocèse faute de clergé, démissionne en . Le diocèse du Bas-Rhin est administré à partir de cette date par l’évêque du Haut-Rhin Marc-Antoine Berdolet jusqu’à la signature du Concordat de 1801, qui fusionne les diocèses du Haut-Rhin et du Bas-Rhin pour former le diocèse de Strasbourg[1].
Organisation
Découpage territorial
Lors de la création des départements en , il n’y a pas de correspondance entre les limites de ceux-ci et celles des diocèses. Le Bas-Rhin est ainsi en partie situé dans le diocèse de Metz et dans le diocèse de Strasbourg, ce dernier débordant également dans le pays de Bade. Le nouveau diocèse du Bas-Rhin correspond en revanche exactement aux limites du département[1].
La subdivision du diocèse en paroisses est aussi totalement revue. La carte des paroisses est établie par les directoires des districts et du département et non directement par l’évêché. L’administration élabore la carte sur une simple base arithmétique d’une paroisse pour six mille fidèles. La réforme territoriale des paroisses n’est toutefois pas achevée et le flou subsiste durant toute la période sur leur délimitation. En effet, outre le problème d’appliquer à la réalité un modèle arithmétique, la volonté de l’évêché d’avoir moins de paroisses pour pallier le manque de prêtre d’un côté, et l’opposition de la population à la suppression de paroisses de l’autre rend le dialogue difficile[1].
Organisation hiérarchique
Le diocèse est dirigé par un évêque élu par le corps électoral du département, sans distinction de confession, ce qui permet aux protestants et juifs de voter. L’évêque ne peut toutefois prendre seul aucun acte de juridiction concernant le diocèse et le séminaire, de telles décisions ne pouvant être prises que par le conseil épiscopal, formé de l’évêque et d’un maximum de seize vicaire. En pratique, François Auguste Brendel a d’importante difficultés à trouver des volontaires pour siéger à son conseil et celui-ci reste disfonctionnel jusqu’à la suppression des vicaires épiscopaux par mesure d’économie en [1].
Le même principe de nomination est utilisé pour les curés, qui sont élus par le corps électoral du district. Les premières élections ont lieu en , avec des résultats peu concluants : beaucoup d’électeurs ne se présentent pas, certains curé, élus sans leur consentement, refusent, tandis que dans les districts de Wissembourg et de Benfels les élections ne peuvent avoir lieu faute de candidats. Afin de pouvoir quand même faire fonctionner une partie des paroisses, l’évêque obtient par la suite le droit d’y nommer des administrateurs provisoires[1].
Clergé
En 1789, l’Alsace compte environ 1 200 prêtres séculiers en exercice. S’y ajoutent les membres des ordres religieux, environ 1 065 dans les ordres masculins, dont un peu plus des deux tiers sont dans des ordres mendiants, et 665 dans les ordres féminins, dont environ un tiers sont soignantes ou enseignantes. Les religieux sont touchés par l’abolition des vœux monastiques et la suppression des ordres religieux le 13 février 1790, avant même la constitution civile du clergé[1].
En , seuls quarante-et-un prêtres ont prêté serment dans le diocèse, soit 9,6 % du nombre requis. Ce taux, le plus faible de France, est plus élevé dans le Sud du diocèse et plus faible dans le Nord, le minimum étant de 7,4 % dans le district de Wissembourg. En faisant appel aux anciens religieux, l’évêque parvient à trouver quarante prêtres supplémentaires, auxquels s’ajoutent une quinzaine de prêtres venant du reste de la France. L’ouverture du recrutement aux étrangers permet d’en trouver une centaine d’autres entre 1791 et 1792, tandis que l’évêque ordonne quarante nouveaux prêtres en 1792 après une formation accélérée. À l’inverse, il y a une perte de plusieurs dizaines de prêtres en raison des décès, démissions ou rétractation de serments, de sorte qu’en 1793 il n’y a que cent soixante prêtres, dont la moitié sont allemands. La conséquence de cette situation est que soixante-deux paroisses ne sont jamais desservies, et de nombreuses autres ne le sont que de manière irrégulières[1].
Références
Annexes
Bibliographie
- Claude Betzinger, « Clergé (Constitution civile du) », dans François Igersheim et Marcel Thomann, Dictionnaire historique des institutions de l'Alsace du Moyen Âge à 1815, vol. 3, Strasbourg, Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace, (lire en ligne ).
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