Denys Affre

Denys Affre

Denys Affre par Auguste-Hyacinthe Debay.
Biographie
Naissance
Saint-Rome-de-Tarn (Royaume de France)
Père Jean Louis Affre (d)
Ordination sacerdotale
Décès (à 54 ans)
Paris (France)
Évêque de l'Église catholique
Ordination épiscopale par Card. Hugues de La Tour d'Auvergne-Lauraguais
Archevêque de Paris
Évêque titulaire de Pompéiopolis-en-Cilicie (de)
Coadjuteur de Strasbourg

In Virtute Vis
(en) Notice sur catholic-hierarchy.org

Denys Auguste Affre, né à Saint-Rome-de-Tarn (Aveyron), le , et mort à Paris, le , est le 126e archevêque de Paris.

Biographie

Denys-Auguste Affre est né le 28 septembre 1793, à Saint-Rome-de-Tarn, en Aveyron. Son père était avocat au Parlement de Toulouse. Il est le deuxième d’une famille de sept enfants. Il est baptisé dans la maison paternelle par un prêtre réfractaire[1]. A l’aube de la période impériale, entre 1804 et 1807, il réalise ses études au Collège de Saint-Affrique. Il poursuit son cursus au séminaire Saint-Sulpice à Paris (alors sous la direction de son oncle Pierre-Denis Boyer), jusqu’en 1815. Son parcours académique achevé, le 16 novembre 1816, il est admis dans la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Dans le prolongement, il est envoyé à Nantes, où il enseigne la philosophie, en attendant de pouvoir satisfaire à la condition d’âge requis pour l’ordination sacerdotale. Le 16 mai 1818, il est ordonné prêtre par Monseigneur de Quélen, alors auxiliaire du cardinal-archevêque de Paris. Il décide l’archevêque à confier la chaire de Notre-Dame à Lacordaire[1].

Établi à Paris, il est nommé professeur de Dogme, au séminaire d’Issy. En 1820, il part se reposer en famille, avant de revenir à Paris, où il devient aumônier de l’hospice des Enfants trouvés. A cette même époque, il fonde un hebdomadaire, La France chrétienne, Journal religieux, politique et littéraire. Très tôt, il réfute les thèses de Lamenais, 1822, il est nommé chanoine et vicaire général du diocèse de Luçon. De 1823 à 1834 il est vicaire général du diocèse d’Amiens, office qu’il poursuit dans le diocèse de Paris, de 1834 à 1839. Il soutient fermement les fondateurs, libéraux et sociaux et républicains, de l’Ere Nouvelle[1].

Le 4 décembre 1839, il est évêque coadjuteur nommé du diocèse de Strasbourg. Néanmoins, la mort de Hyacinthe-Louis de Quélen le 31 décembre 1839, ne lui permet pas de partir, nommé premier vicaire capitulaire de Paris et chargé de l’administration du diocèse. Le 26 mai 1840, alors que se déploie le régime de la Monarchie de Juillet, il est nommé archevêque de Paris et sacré, le , en la cathédrale Notre-Dame.

Expert en droit canonique, intellectuellement porté vers le droit public et de manière particulière très enclin à l’étude des relations Église Etat, son fort caractère, ses convictions ancrées et son « tempérament de combattant »[2] le conduisent, à l’époque où s’appliquent les Articles organiques, à toujours défendre l’indépendance de l’Église à l’encontre des ambitions politiques promues par les autorités instituées. Sa position forte se manifeste à l’égard notamment des biens temporels de l’Église, dont il n’a de cesse de revendiquer la propriété au profit de l’Église face aux constants assauts de l’Etat.

Vis-à-vis de l’Église, il se montre attaché aux principes gallicans, en ce sens qu’il veut affirmer l’autorité épiscopale. Ainsi, il souhaite renouveler la collégialité épiscopale ou encore maintenir la volonté de conserver la liturgie propre au diocèse de Paris[3]. Ces ambitions lui valent la critique de la nonciature, en la personne de Raffaele Fornari. Pour autant, l’archevêque de Paris demeure en pleine communion avec le Saint-Siège. Denys Affre s’emploie aussi à réorganiser dans son diocèse l’administration, la justice, les finances et surtout, sans doute, la formation du clergé, pour laquelle il manifeste un très grand intérêt. Encore, il se montre très attentif à l’éducation religieuse des laïcs. Sa grande activité pastorale se manifeste notamment par l’ampleur de sa bibliographie.

Dans l’exercice de cette charge, Denys Affre se signale par l’amélioration des études ecclésiastiques et pour la liberté de l'enseignement. On lui doit la création de l’école des Carmes et de l’école de théologie de la Sorbonne[Note 1]. Soucieux de l'évangélisation du prolétariat, il ouvre de nombreuses paroisses ouvrières, comme celles de Ménilmontant, Plaisance, Petit-Montrouge, Maison-Blanche, Petit-Gentilly, Notre-Dame de la Gare, Billancourt, Gros-Caillou ou encore Sainte-Clotilde.

Pendant les insurrections de juin 1848, il croit que sa présence près des barricades peut être un moyen de ramener la paix. Il en fait part au général Louis Eugène Cavaignac, qui le met en garde contre les dangers qu’il court. « Ma vie, répond-il, a peu de valeur, je la risquerai volontiers. » Le , les tirs ayant cessé à sa demande, il apparaît sur la barricade à l’entrée du faubourg Saint-Antoine, accompagné par M. Albert, de la Garde nationale, habillé comme un ouvrier et arborant une branche verte en signe de paix, et par Pierre Sellier, un domestique qui lui est dévoué. Ses deux vicaires généraux, Antoine Jaquemet et Jules Ravinet, futurs évêques de Nantes et de Troyes, sont également présents sur les lieux mais auraient été séparés de lui dans la confusion générale[4]. Dans le tableau de Jean-Jacques Champin La place de la Bastille et la barricade à l'entrée du faubourg Saint-Antoine, le 25 juin 1848, conservé au musée Carnavalet, le peintre a représenté Affre s'avançant fatalement vers la barricade.

Il est accueilli dans la stupeur, mais à peine a-t-il prononcé quelques mots que les hostilités reprennent et qu’il est atteint par un coup de feu. On le conduit au presbytère de Saint-Antoine et il est ramené le lendemain à l'hôtel Chenizot au 51 rue Saint-Louis-en-l'Île, devenu sa résidence depuis 1846, où il meurt le , vers h 30 du matin.

L'archevêque a vraisemblablement été touché par une balle perdue, sans qu'on sache avec certitude de quel côté celle-ci provenait : « on a tout lieu de croire qu'il a été victime d'un accident, et non d'un assassinat », écrit ainsi Le National[5]. Prudent, le Journal des Débats publia ces lignes : « On dirait que par pitié pour l'humanité, Dieu a voulu cacher dans les ténèbres la main qui avait commis ou cet épouvantable crime ou cet affreux malheur. »

Dans son édition des Choses vues, de Victor Hugo, Hubert Juin cite, en une note de bas de page, le témoignage suivant : « Je soussigné, Jacquemet, vicaire général de l'archevêque de Paris, qui avais l'honneur de l'accompagner dans la mission de paix et de charité qu'il avait entreprise, atteste, autant qu'il a été possible d'en juger au milieu d'une grande confusion, qu'il n'a pas été frappé par ceux qui défendaient les barricades. - 26 juin 1848 . » Ce sont les insurgés qui portent le blessé aux Quinze-Vingts sur un brancard de fusils entrecroisés[6].

Il est transporté blessé jusqu'à la chapelle de l'hôpital des Quinze-Vingts. Ses dernières paroles sont une citation de l'évangile de Jean suivie d'un appel à la paix : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis, que mon sang soit le dernier versé »[7]. Le lendemain, l'Assemblée nationale vote l'hommage suivant : « L'Assemblée nationale regarde comme un devoir de proclamer sa religieuse reconnaissance et sa profonde douleur pour le dévouement et la mort saintement héroïque de Monseigneur l'archevêque de Paris. »

Les obsèques officielles, le , sont un spectacle émouvant. Certaines biographies parlent de 200 000 personnes qui suivent le cortège.[réf. nécessaire] Le cœur de l'archevêque est placé dans une urne pour être gardé dans la chapelle des Carmes.

Distinction

Toponymie

En , le village colonial de Oued Rehan (sud de Miliana), en Algérie, est nommé Affreville en l’honneur du prélat[9].

À Paris, il existe depuis 1864 une rue Affre, dans le 18e arrondissement.

À Nantes, la rue Affre longe la basilique Saint-Nicolas.

On trouve également une rue Affre à Toulouse, une rue Denis-Affre à Saint-Affrique une rue Denis-Affre à Millau et à Rodez, et une avenue Denis-Affre à Saint-Rome-de-Tarn.

Hommages et iconographie

À l'occasion des jubilés de la mort de Denys Affre, des commémorations ont lieu à Saint-Rome-de-Tarn, en présence d'autorités civiles et religieuses et de la famille Affre. Les cent-cinquante ans ont été célébrés le , entre autres, par le cardinal Jean-Marie Lustiger[10].

De très nombreuses médailles ont été frappées en 1848 et 1849 pour commémorer la mort tragique de l'archevêque de Paris. Le musée Carnavalet en conserve plusieurs dizaines.

Le tombeau de Denys Affre est toujours visible à la cathédrale Notre-Dame de Paris, dans la chapelle Saint-Denis, située au Sud du chœur. Le gisant, œuvre du sculpteur Auguste-Hyacinthe Debay, représente Denys Affre au sol, mortellement blessé[11].

À Affreville, une statue due au sculpteur algérois André Greck est inaugurée en . Elle représente Affre au moment où il est frappé par la balle. Cette statue est démontée en 1964 pour être installée à Saint-Rome-de-Tarn, sa ville natale. Une plaque est d'ailleurs apposée sur sa maison natale.

La ville de Rodez abrite également, depuis la fin du XIXe siècle, une statue similaire, due au sculpteur Jean-Auguste Barre (Thiébaut fondeur).

Au séminaire des Carmes, une stèle rend hommage à Denys Affre, son fondateur.

Un vitrail représentant Affre est visible à l'église Saint-Roch de Paris, dans la chapelle de l'Adoration[12]. Il est à noter qu'il n'est pas représenté dans l'action de sa mort, mais « en majesté », ce qui est rare. Dans l'église Sainte-Marguerite, un vitrail commémore sa mort, sans le représenter.

Le , pour le centenaire de sa mort, un timbre postal d'une valeur faciale de 20 francs (avec supplément de 8 francs) est émis, le représentant[13].

Robert-Victor, poète, reçoit en 1857 une médaille en argent à l'effigie de Napoléon III de l'Académie universelle des arts et manufactures, sciences, musique, belles-lettres et beaux-arts de Paris, pour un poème à la mémoire de Denys Affre[14].

Publications

Pour approfondir

Bibliographie

  • Abbé Lucien Alazard, Denis-Auguste Affre,
    Ouvrage couronné par le Prix Montyon de l'Académie française
  • Philippe Aymes, Biographie de monseigneur Sibour (Marie-Dominique-Auguste), archevêque de Paris, précédée d’une notice sur la vie, (les travaux et la mort) de Mgr Denis-Auguste Affre, son prédécesseur, Paris, impr. de A. Lacour, .
  • Fernand de Barrau, Mgr Affre, archevêque de Paris (1793-1848),
  • Alfred Baudrillart (Cal), Eloge de Monseigneur Affre prononcé en l’église Saint-Antoine des Quinze-Vingts, le 1er juillet 1923, à l’occasion du 75e anniversaire de sa mort, Paris, Gabriel Beauchesne, .
  • Jean-Alexis Belliol, La Mort de l'archevêque de Paris Denis-Auguste Affre : poème, A. Leclère et G. A. Dentu,
  • Anne Bernet, La Vie cachée de Catherine Labouré, Paris, Perrin, .
  • Émile Blanchet, Un archevêque sur les barricades. Mgr Affre, archevêque de Paris et son temps, Discours pour le centenaire de la mort de Mgr Affre, Poitiers, SFIL et Texier, .
  • Emile Castan, Histoire de la vie et de la mort de monseigneur Denis-Auguste Affre, archevêque de Paris, Paris, Louis Vivès, .
  • Cayol (Dr.), Relation de la blesure et de la mort de Mgr l’archevêque de Paris: suivie du procès-verbal de l’embaumement du corps et de l’examen médico-légal de la plaie, extrait de la “Revue médicale française et étrangère”, juin 1848, Paris, Ad. Le Clerc et Cie, Imprimeur-Libraires, .
  • Jean Collot, L'Archevêque des barricades : Monseigneur Affre (1793-1848), Le Chevron d'or, 1948
  • Abbé Patrice-François-Marie Cruice, Notice sur l’Ecole des hautes-études fondée dans l’ancien couvent des Carmes par M. Affre, archevêque de Paris, et sur les visites et les entretiens du prélat dans cette maison, fragment de la vie de M. Affre, Paris, Perisse frères, 1849.
  • Abbé Patrice-François-Marie Cruice, Vie de Denis-Auguste Affre, archevêque de Paris [archive], Périsse frères, 1849.
  • Jean-Michel Fabre, Mgr Affre : un archevêque de Paris au pied des barricades, Les Plans-sur-Bex; Paris : Parole et silence, Cahiers de l’Ecole cathédrale, n° 84, 2009.
  • W. et A. Fauchery, Biographie de Mgr Denis-Auguste Affre, contenant une lettre inédite de M. Villemain, Paris, A. Saintin, 1848.
  • Chrétien-Siméon Le Prévost d’Iray, Dévouement de Mgr Denis-Auguste Affre: archevêque de Paris, poème dédié à l’Académie française, Paris, Pillet fils aîné, 1849.
  • Roger Limouzin-Lamothe, Un archevêque aux barricades Monseigneur Affre, conférence donnée à l’hôpital des Quinze-Vingts, le 25 juin 1948, Paris, Centre catholique des intellectuel français, Issoudin, Laboureur et Cie, 1948.
  • Roger Limouzin-Lamothe et J. Leflon (préf. G. le Bras), Mgr Denys-Auguste Affre : archevêque de Paris (1793-1848), Paris, J. Vrin, 1971
  • A. Parménie et C. Bonnier de la Chapelle, P. J. Hetzel (Stahl): histoire d’un éditeur et de ses auteurs : Mgr Affre, Nodier, Balzac, A de Musset, G. Sand..., Paris, Albin Michel, 1953.
  • Marie Pierchon, Le régime concordataire dans l’oeuvre de Denis-Auguste Affre (1793-1848), archevêque de Paris et administrativiste, sous la dir. De M. Anthony Mergey, Université Paris Panthjéon Assas, 2017.
  • Constant Portelette, La mort de l’archevêque de Paris, Besançon, impr. de J. Bonvalot, 1848.
  • René Poudard, Un Apôtre du socialisme en Creuse : Pierre Leroux à Broussac (1844 à 1850): Monseigneur Affre a-t-il été tué par un émigrant creusois ? Guéret, Imp. Lecante, 1952.
  • Antoine Ricard, Les grands évêques de l’Église au XIXe siècle, Lille, Desclée de Brouwer, 3 vol. 1890-1893.
  • Abbé Taillefumière, Détails curieux et jusqu’alors inconnus sur la mort de Mgr l’archevêque de Paris, Paris, Librairie nationale, 1848.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Cette école de théologie sera fermée sur ordre de Jules Ferry en 1885

Références

  1. Ernest Pezet, Chrétiens au service de la cité. De Léon XIII au Sillon et au M.R.P. 1891-1965, Paris, Nouvelles Editions Latines, (1re éd. 1965), « Affre », p. 205.
  2. Lustiger (J.-M.-A.), Introduction, in p. 6
  3. Jacques-Olivier Boudon, Mgr Affre, l’Église et l’État de 1840 à 1848. Commémoration du 150e anniversaire de la mort de Mgr Affre, archevêque de Paris, Saint-Affrique, Imp. du Progrès, , 62 p..
  4. Voir partie Documents Annexes dans R. Limouzin-Lamothe et J. Leflon, Mgr Denys-Auguste Affre, Archevêque de Paris (1793-1848), Libraire philosophique J. Vrin, , 380 p. (lire en ligne), p. 369-374
  5. Le National du , cité dans Roger Limouzin-Lamothe et Jean Leflon, Monseigneur Denys-Auguste Affre, archevêque de Paris (1793-1848), Librairie J. Vrin, , p. 348.
  6. Victor Hugo, Choses vues, Quarto / Gallimard, , p. 168.
  7. Monseigneur Affre sur lagouttedor.net
  8. « Cote LH//9/49 », base Léonore, ministère français de la Culture.
  9. Hommage à Monseigneur Affre sur alger-roi.fr.
  10. « Jean-Marie Lustiger à Saint-Rome de Tarn : Le jour du Monseigneur », La Dépêche du Midi,‎ (lire en ligne).
  11. Photographie du tombeau de Mgr Affre à Notre-Dame de Paris, 1908.
  12. Revue d'archéologie moderne et générale, no 3, p. 32 ; [1]
  13. Timbre français de Mgr Affre, 1848 sur wikitimbres.fr. Consulté le 5 décembre 2015.
  14. Le martyr des barricades
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