Défense orthodoxe

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
La position après 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6

La défense orthodoxe du gambit dame refusé est une ouverture du jeu d'échecs. Ce nom désigne aussi bien la position sur l'échiquier après les coups

1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6[1],

qu'après la suite de coups

1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7 6. Cf3 0-0[2]

ou, par transposition,

1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3 0-0.

Orthodoxe désigne en fait ce qui est conforme à la tradition, au classicisme. Le terme a été lancé par Siegbert Tarrasch pour se moquer d'un certain conformisme[1] (cette façon de jouer était presque jugée la seule valable à tel point que lors du Championnat du monde d'échecs 1927 entre José Raúl Capablanca et Alexandre Alekhine, quasiment toutes les parties ont été des « défenses orthodoxes »). Tarrasch promouvait sa défense qui se distinguait par le coup 3... c5 (la « défense Tarrasch »)[3].

Principales continuations après 3. Cc3 Cf6

Après 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6, 4. Fg5 est le coup le plus agressif à la disposition des Blancs. Ce coup est joué avec l'idée 5. cxd5 exd5 6. Fxf6 forçant la reprise avec le pion g, car sur 6...Dxf6, il suit 7. Cxd5[4].

4. Cf3

4. Cf3 donne aux Noirs l'occasion de bifurquer :

4. Fg5

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
La position après 1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Cbd7

Après 4. Fg5,

  • 4... Cbd7 donne l'impression que les Blancs gagnent un pion par 5. cxd5 exd5 6. Cxd5?. Mais les Noirs gagnent en fait une pièce pour un pion par le pseudo-sacrifice de dame 6... Cxd5 7. Fxd8 Fb4+! 8. Dd2 Fxd2+ 9. Rxd2 Rxd8[5]. C'est le piège de l'éléphant. 4...Cbd7 renforce donc bien le pion d5 et défend la poussée e2-e4 (si 5. e4 alors 5...dxe4 6. Cxe4 Fb4+ 7. Cd2 c5!).
  • 4... c5 5. cxd5 Db6 est le gambit Canal-Prins[6].
  • 4... Fe7 sans ...Cbd7 conduit, après ...h6, à des déviations de la défense orthodoxe, les variantes appelées « néo-orthodoxes[7] » (variante Lasker et variante Tartakover).

Après 4... Cbd7, les Blancs jouent le plus souvent 5. e3 (5. cxd5 et 5. Cf3 sont les autres possibilités) et les Noirs ont le choix entre :

Après 5... c6, une variante est 5...c6 6. a3 Fe7 7. Cf3 0-0 8. Fd3 dxc4 9. Fxc4. Dans cette variante, les Noirs prennent en c4 uniquement après que les Blancs ont déjà joué leur fou f1, faisant ainsi perdre un tempo à ce fou qui doit reprendre en c4. La variante 6. a3 est appelée variante anti Cambridge-Springs, ou Cambridge Springs refusée, de Capablanca[8]. 6. Dc2 est une autre variante anti-Cambridge Springs utilisée par Réti[8].

La « position didactique » (après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3 0-0)

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
La position « didactique » après 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7 6. Cf3 0-0

Après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 (ou 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7), les Blancs jouent 6. Cf3 et non 6. Fd3, car sur 6...dxc4, ils perdent un tempo.

Après 4. Fg5 Cbd7 5. e3 Fe7 6. Cf3, les Noirs peuvent jouer 6... 0-0.

La position après 6. Cf3 0-0 est appelée « position didactique » par Le Lionnais qui écrit : « Longtemps — des environs de 1890 à la seconde guerre mondiale — ce début a fait figure d'aboutissement normal de la partie Dame, et pour certains, même, du jeu d'échecs. Il a constitué le thème principal du match Alekhine-Capablanca de 1927. Considéré toujours comme très solide, il a cependant passé peu à peu au second plan[9]. »

Dans l'Encyclopédie des ouvertures d'échecs, la variante principale de la défense orthodoxe obtenue après 4. Fg5 Fe7 5. e3 Cbd7 6. Cf3 0-0 occupe les codes D60 à D69, soit autant de numéros que la défense semi-Tarrasch et la défense semi-slave (codes ECO D40 à D49)[10].

7. Fd3 et 7. Dc2

Après 6. Cf3 0-0, 7. Fd3 a été beaucoup pratiqué par Mikhail Botvinnik durant les années 1930[11] ; 7. Dc2 est l'attaque Rubinstein[12], où Xavier Tartakover recommande 7...c5 8. cxd5 Cxd5[13], mais le coup principal est 7. Tc1, par lequel les Blancs cherchent toujours à ne pas perdre de tempo avec leur fou.

7. Tc1

7.Tc1 rend délicate l'avance du pion c7 en c5 car les Blancs pourront ouvrir à leur guise la colonne c, qu'ils contrôlent par ce coup de tour. 7...b6 8. cxd5 exd5 9. Da4 est la variante Duras, qui a pour but d'exploiter la faiblesse des cases blanches de l'aile-dame noire. La variante Pillsbury 9. Ce5 Fb7 10. f4, afin de déclencher une attaque directe, est plus énergique, mais aussi plus compliquée[14].

Une grande ligne est 7. Tc1 a6, qui peut se poursuivre par 8. cxd5 exd5 9. Db3, 8. a3, 8. b3, 8.c5 ou 8. Dc2, ce dernier coup donnant ce qu'on appelle la variante de Carlsbad après 8. Dc2 c6. La variante de Carlsbad peut déboucher sur 9. a3, 9. a4, 9. cxd5 ou 9. c5. Il n'y a donc pas une mais des « variantes orthodoxes ».

abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
Variante classique après 6. Cf3 O-O 7. Tc1 c6

7...c6 (après 7. Tc1) prépare les coups libératoires ...dxc4 et ...Cd5, et constitue la ligne principale. Si les Blancs veulent poursuivre la « lutte pour le tempo », ils jouent 8. Dc2, et sinon 8. Fd3. Les Blancs ne voient aucun inconvénient à jouer 8. Fd3 car le temps perdu à jouer deux fois le fou sera regagné quand les Noirs devront jouer ...c6-c5 après ...c7-c6. Après 7. Tc1 c6 8. Fd3, il peut suivre 8...dxc4 (« première manœuvre de libération de Capablanca »), dont le but est la libération du fou c8, puis 9. Fxc4 Cd5 (« seconde manœuvre de libération de Capablanca », les échanges de pièces atténuant le désavantage du camp noir en manque d'espace) et 10. Fxe7 Dxe7, dernier coup par lequel la dame noire soutiendra l'avance ...e6-e5, ce qui permettra de dégager la diagonale c8-h3 pour le fou c8[15].

Exemples de parties (variante principale)

1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cc3 Cf6 4. Fg5 Cbd7 5. Cf3 Fe7 6. e3 0-0 7. Tc1 b6 8. cxd5 exd5 9. Ce5 Fb7 10. f4 (l'attaque Pillsbury) 10...a6 11. Fd3 c5 12. 0-0 c4? 13. Ff5 b5 14. Tf3 Te8 15. Th3 g6 16. Fb1 Cxe5 17. fxe5 Cd7? (17...Ce4[17]) 18. Fxe7 Txe7 19. Df3 Cf8 20. Tf1 Dd7 21. Df6 b4 22. Ca4 Dc7 23. Cc5 Fc8 24. Th6 a5 25. Tf4 Tb8? 26. Fxg6! Tb6 (26...Cxg6 27. Txg6+ hxg6 28. Th4) 27. Dxb6 Alors que le coup de la partie assure l'avantage matériel, les Blancs auraient pu mater avec 27. e6!!, par exemple après 27...Cxg6 28. Txg6+ hxg6 29. Th4 fxe6 30. Th8 Mat, ou après 27...Fxe6 28. Fxh7+ Cxh7 29. Txh7 Txh7 30. Th4 Rg8 31. Th8 Mat.
abcdefgh
8
8
77
66
55
44
33
22
11
abcdefgh
Position après 26. Fxg6! Tb6 27. Ce6!! : les Blancs matent.

L'échec et mat peut aussi être forcé après 27. Ce6!! :

  • 27...Texe6 28. Fxf7+ Dxf7 29. Dxf7+ Rh8 30. Dxf8 Mat
  • 27...Tbxe6 28. Fxh7+ Cxh7 29. Txh7 Rxh7 30. Th4+ Rg8 31. Th8 Mat
  • 27...Fxe6 28. Fxh7+ Cxh7 29. Txh7 Rxh7 30. Th4+ Rg8 31. Th8 Mat.

27...Cxg6?

  • 27...Dxb6? 28. Fxh7+ Cxh7 29. Txb6
  • 27...fxg6! 28. Df6

28. Df6 Te8 29. Tf1 Fe6 30. Dg5 Rh8? (30...Fc8 31. Dh5 Txe5 32. Txg6+ fxg6 33. Dxe5 Dxe5 34. dxe5) 31. Dh5 Cf8 32. Cxe6 Txe6 33. Txe6 1-0 (33...Cxe6 34. Txf7).

  • L'exemple suivant fut joué sur un échiquier vivant (les pièces étant représentées par des individus) en 1924 à Berlin lors d'une partie d'exhibition (sans enjeu sportif) entre Akiba Rubinstein (Blancs) et Emanuel Lasker, soit deux des meilleurs joueurs du début du XXe siècle[18] :
1. d4 d5 2. c4 e6 3. Cf3 Cf6 4. Cc3 Fe7 5. Fg5 Cbd7 6. e3 0-0 (la défense orthodoxe est obtenue après une interversion de coups.) 7. Tc1 c6 8. Fd3 dxc4 9. Fxc4 Cd5 10. Fxe7 Dxe7 11. 0-0 Cxc3 12. Txc3 e5 13. Cxe5 Cxe5 14. dxe5 Dxe5 (la manœuvre de libération de Capablanca) 15. f4 (l'attaque Rubinstein[15]) 15... De7 16. f5 Fd7 17. e4 Tad8 18. Dh5 Dxe4 19. Tg3 Dd4+ 20. Tf2 Fxf5 21. Dxf5 Dxc4 22. Txg7+ Rxg7 23. Df6+ Rg8 24. Dg5+ ½-½ (échec perpétuel).

Bibliographie

  • André Chéron, Nouveau manuel d'échecs du débutant, Éd. Payot, 1964.
  • John Shaw, Le Gambit Dame : Initiation, Éd. Bornemann, 2006, (ISBN 978-2-85182-674-9).
  • (nl) Max Euwe, Theorie der schaakopeningen N°1, Damegambiet I: Orthodox Damegambiet en wat daarmee samenhangt, 1938.
  • (es) Luděk Pachman, Gambito de Dama, Ediciones Martínez Roca, 1972.
  • (en) Matthew Sadler, Queen's Gambit Declined, Everyman Chess, 2000, (ISBN 1-85744-256-3).
  • (en) Yasser Seirawan, Winning Chess Openings, Everyman Chess, 2003, (ISBN 1-85744-349-7).
  • (en) Neil McDonald, Starting Out: Queen's Gambit Declined, Everyman Chess, 2006, (ISBN 1-85744-426-4).

Notes et références

  1. François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Éd. PUF, 1967, p. 279.
  2. Gabor Kállai, Traité Moderne des Ouvertures Tome II, Caïssa Chess Books, 1997, page 11.
  3. Reuben Fine, Les idées cachées dans les ouvertures d'échecs, Éd. Payot, section sur la défense Tarrasch)
  4. Michel Benoit (Champion de France), Les Échecs, Éd. Solar, 1978, (ISBN 2-263-00209-X), page 108.
  5. (en) Leonard Barden, Play Better Chess, Revised Edition, Treasure Press 1987, p.  24.
  6. Larousse des échecs : Découvrir, approfondir, maîtriser (préf. Joël Lautier), Paris, Éditions Larousse, , 480 p. (ISBN 978-2-03-518207-4, lire en ligne), p. 249.
  7. François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 269
  8.  ;Richard Réti, Les Grands Maîtres de l'Échiquier
  9. François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 115
  10. Encyclopédie des ouvertures d'échecs, volume D, Belgrade, 1977 à 2004.
  11. La partie Botvinnik - Vidmar jouée à Nottingham en 1936 est restée célèbre.
  12. François Le Lionnais et Ernst Maget, Dictionnaire des échecs, Paris, Presses universitaires de France, , 432 p., p. 341
  13. (es) Max Euwe & Reuben Fine, Clave de las aperturas, Editorial Grabo (Buenos Aires), 1944, p. 27.
  14. Victor Kahn, La conduite de la partie d'échecs - La stratégie moderne, Le Triboulet, Monaco, 1952, p. 73.
  15. Larousse des échecs : Découvrir, approfondir, maîtriser (préf. Joël Lautier), Paris, Éditions Larousse, , 480 p. (ISBN 978-2-03-518207-4), p. 250
  16. Partie commentée sous Chessgames.com.
  17. Les annotations de cette partie sont tirées de l'ouvrage suivant : Georges Renaud et Victor Kahn, L'Art de faire mat, Payot, , 202 p. (ISBN 978-2-228-89097-7).
  18. Partie modèle N° 68 dans le Bréviaire des échecs de Xavier Tartakover, Éd. Le Livre de Poche.
  • Portail des échecs