Coup d'État de 2003 en Centrafrique
| Date | 15 mars 2003 | 
|---|---|
| Lieu | République centrafricaine | 
| Issue | Le président Patassé renversé, le général Bozizé suspend la constitution et décrète le couvre-feu | 
|  Partisans de François Bozizé Soutien présumé : Tchad (refusé par le Tchad)  | 
 République centrafricaine Soutien : CEMAC : République démocratique du Congo  | 
| François Bozizé Abakar Sabone  | 
Président Ange-Félix Patassé | 
Le coup d'État de 2003 en République centrafricaine était un événement duquelle les forces du général François Bozizé ont marché sur Bangui, la capitale du pays, alors que le président Ange-Félix Patassé participait à un sommet régional des dirigeants de la Communauté des États sahélo-sahariens au Niger[1].
Contexte
En 2001, un coup d'État manqué a lieu contre le gouvernement Patassé. Des officiers, dont André Kolingba et peut-être Bozizé, sont impliqués dans cette tentative de coup d'État[2]'[3]. Après un long procès, la Cour pénale centrafricaine condamne à mort Kolingba (alors en exil en Ouganda) et 21 autres putschistes en octobre 2002[4]. Les charges contre Bozizé sont abandonnées fin 2001, bien qu'il soit démis de ses fonctions de chef de l'armée[3].
Dans la période qui suit la tentative de coup d'État, les tensions politiques et ethniques s'intensifient. Les milices fidèles à Bozizé (qui bénéficient du soutien du peuple Gbaya[5]) affrontent les troupes libyennes et les rebelles congolais du MLC, tous deux déployés par Patassé. Les troupes du MLC commettent des crimes de guerre contre des civils[6]. Des centaines de civils non armés, pour la plupart des Yakoma, sont exécutés de manière extrajudiciaire[7].
Le , les forces locales de Bozizé envahissent Bangui (en). Elles se retirent après six jours de combats[8]. Le , les forces armées reprennent Bossembélé, tuant cinq rebelles et rouvrant la route vers Bouar[9], le 7 décembre, elles reprennent Damara aux rebelles[10], puis le 20 décembre, les forces armées reprennent enfin Bozoum. Le , Bouar serait toujours sous contrôle rebelle[11].
Déroulement
Le jeudi , le président Ange-Félix Patassé quitte Bangui pour participer à un sommet régional de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD) à Niamey, au Niger. Il est accompagné d'une délégation d'une vingtaine de personnes, dont la Première dame Angèle Patassé, le ministre des Affaires étrangères Martial Beti Marace (en) et le conseiller présidentiel Prosper Ndouba, libéré de captivité par les rebelles deux mois auparavant[1]. La délégation présidentielle s'envole de Bangui pour Niamey à bord d'un Douglas DC-8 libyen, prêté à Patassé par le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pour ce voyage[1]. Avant son départ, le chef d'état-major du président, le colonel Antoine Gambi, assure à Patassé que les milices de François Bozizé sont contenues au nord du pays et ne constituent pas une menace pour Bangui pendant le voyage[1].
Pendant l'absence de Patassé, Bozizé mène 1 000 combattants vers la capitale, Bangui. Le vendredi , les rebelles prennent les villes de Bossembélé et de Bouali, où le président Patassé possède une petite ferme, sur la route vers Bangui. Pendant ce temps, alors que les rebelles marchent sur Bangui, le président Patassé est à Niamey pour rencontrer Kadhafi et le président tchadien Idriss Déby[1].
Bozizé et ses rebelles entrent à Bangui le , alors que le président Patassé est toujours hors du pays[1]. Ils prennent l'aéroport international et le palais présidentiel. Les troupes gouvernementales, dont beaucoup n'ont pas été payées depuis des mois, n'opposent que peu de résistance. Les 370 soldats de la paix de la CEMAC préfèrent abandonner leurs postes plutôt que de combattre.
Le président Ange-Félix Patassé et sa délégation ont prévu de retourner en République centrafricaine le 15 mars, le jour même où les rebelles s'emparent de Bangui. Cependant, le vol ramenant le président Patassé à Bangui est retardé au départ du Niger, la Première dame Angèle Patassé étant en retard à la suite d'une séance de shopping à Niamey. Si personne à bord de l'avion présidentiel n'est au courant du coup d'État à ce moment-là, la longue séance de shopping de la Première dame à Niamey "a probablement sauvé la vie du couple", selon le journaliste François Soudan de Jeune Afrique[1].
Bozizé et ses rebelles occupent l'aéroport international de Bangui M'Poko au moment même où l'avion de Patassé, retardé, est en approche. S'ils avaient tenté d'atterrir plus tôt, Patassé et son entourage présidentiel auraient probablement été capturés ou abattus. Les rebelles tirent sur l'avion de Patassé à l'approche de Bangui, le forçant à se dérouter vers l'aéroport international de Yaoundé Nsimalen, au Cameroun. La délégation présidentielle destituée est conduite à l'hôtel Hilton de Yaoundé, où Angèle et Ange-Félix Patassé apprennent que leurs deux jeunes enfants, Salomon et Providence, ont été mis en sécurité à l'ambassade de France à Bangui. Les enfants sont rapidement évacués par un avion de transport militaire C-160 Transall vers Libreville, au Gabon, avec d'autres membres de la famille Patassé et leurs domestiques togolais. Au moins quinze personnes sont tuées lors du coup d'État[1].
Un couvre-feu est ensuite imposé par Bozizé et la constitution est suspendue. Le dimanche , au lendemain de sa prise de pouvoir, François Bozizé s'autoproclame président de la République centrafricaine[1]. Il forme ensuite un gouvernement d'union avec Abel Goumba comme Premier ministre, qui dirige le pays jusqu'aux élections de 2005[12]. La France déploie un certain nombre de troupes dans le pays pour la première fois en quatre ans afin de protéger les ressortissants étrangers[13]. Après le coup d'État, Bozizé créé une nouvelle division au sein des Forces armées centrafricaines, composée de "patriotes" ayant participé au coup d'État avec lui, appelée la Garde républicaine. Ces derniers commettent de nombreux crimes contre les civils de la capitale[14].
Le lundi , le soutien international africain à Ange-Félix Patassé s'estompe. Le président camerounais Paul Biya refuse de le saluer, même si la Première dame du Cameroun, Chantal Biya, a rencontré son ancienne homologue, Angèle Patassé, et a envoyé à sa famille des plats africains en guise de condoléances pour le coup d'État. Le président gabonais Omar Bongo fait marche arrière par rapport à son soutien initial à l'intervention française en République centrafricaine, que Patassé qualifiait de "trahison"[1].
Le mardi , deux responsables camerounais, le ministre d'État chargé de l'Administration territoriale, Hamidou Marafa Yaya, et le secrétaire général de la présidence, Jean-Marie Atangana Mebarao, rencontrent Patassé et lui demandent de quitter le Cameroun dans les 48 heures. Le président camerounais Paul Biya s'envole pour les États-Unis le lendemain, sans avoir jamais appelé ni rencontré Patassé[1].
Patassé envisage de se rendre en Afrique du Sud ou en Libye, avant de s'installer au Togo, où il a déjà vécu en exil dans les années 1980 et rencontré sa seconde épouse togolaise, Angèle Patassé. Le président togolais Gnassingbé Eyadema accueille les Patassé dans son pays. Le président malien Amadou Toumani Touré et le président sénégalais Abdoulaye Wade invitent également Patassé à venir dans leurs pays respectifs[1].
La famille Patassé s'envole de Yaoundé pour Lomé, au Togo, le , pour commencer son exil de la République centrafricaine[1].
Implication présumée du Tchad
Des militants tchadiens sont repérés parmi les combattants rebelles. Cependant, le président tchadien, Idriss Déby, nie avoir fourni un quelconque soutien militaire à Bozizé[15]. Peu après le coup d’État, Patassé accuse ouvertement Déby, qu’il a rencontré à Niamey pendant le coup d’État, de soutenir Bozizé, alors que les forces tchadiennes et d’autres groupes pillaient apparemment certaines parties de Bangui[1]. Patassé déclare que le Tchad a un intérêt économique à prendre le contrôle des champs pétroliers centrafricains et que Déby espère annexer le nord de la RCA à cette fin[16]. À la suite de ces accusations, l'USIP déclare que "la RCA et le Tchad ont l'habitude d'abriter les groupes insurgés de l'autre"[17]. Les mercenaires étrangers ont joué un rôle important dans la lutte de pouvoir entre Patassé et Bozizé, le premier s’appuyant sur des combattants libyens et congolais et le second sur des combattants tchadiens[18].
Après l'arrivée au pouvoir de Bozizé, Déby et lui ont établi une relation politique forte, visant ainsi à "empêcher une coopération plus étroite entre les groupes rebelles des deux côtés de la frontière"[18].
Réponse internationale
- République du Congo et Gabon: Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont rendu visite au général Bozizé après le coup d'État, affirmant qu'ils négocieraient avec lui.
 
Voir aussi
- Tentative de coup d'État de 2001 en Centrafrique
 - Première guerre civile centrafricaine
 - Deuxième guerre civile centrafricaine
 
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 2003 Central African Republic coup d'état » (voir la liste des auteurs).
 
- François Soudan, « La chute de l'Ange », Jeune Afrique, (lire en ligne [archive du ], consulté le )
 - ↑ « Third report of the Secretary-General to the Security Council on the situation in the Central African Republic and on the activities of the United Nations Peace-building Support Office in the Central African Republic (BONUCA) », sur United Nations Digital Library, United Nations Security Council, (consulté le ), p. 1-2
 - « Central African Republic: Refugees flee amid ethnic discrimination as perpetrators go unpunished », sur Amnesty International, (consulté le )
 - ↑ « Kolingba seeking temporary asylum in Uganda », sur The New Humanitarian, (consulté le )
 - ↑ Oscar Leaba, « La crise centrafricaine de l'été 2001 », Politique africaine, no 84, , p. 172 (DOI 10.3917/polaf.084.0163, lire en ligne, consulté le )
 - ↑ « Situation In The Central African Republic In The Case Of The Prosecutor V. Jean-Pierre Bemba Gombo — Under Seal Urgent Warrant Of Arrest For Jean-Pierre Bemba Gombo » [archive du ], International Criminal Court, (consulté le )
 - ↑ « Central African Republic: Government should stop all extra-judicial executions », sur Amnesty International, (consulté le )
 - ↑ (en) « The New Humanitarian | Calm returns to Bangui as rebels retreat », sur www.thenewhumanitarian.org, (consulté le )
 - ↑ (en) « Central African Republic: Rebels routed from northern city - Central African Republic | ReliefWeb », sur reliefweb.int, (consulté le )
 - ↑ (en) « Central Africa Republic: Chronology of 2002 - Central African Republic | ReliefWeb », sur reliefweb.int, (consulté le )
 - ↑ Central African Republic: Government sends reinforcements to Bozoum, 16 January 2003
 - ↑ Richard Bradshaw et Juan Fandos-Rius, Historical Dictionary of the Central African Republic, Lanham, Rowman & Littlefield, (ISBN 9780810879911), p. 143
 - ↑ (en-US) Mollie Zapata, « Central African Republic: Mutinies, Civil Wars, and a Coup, 1993-2003 », sur The Enough Project, (consulté le )
 - ↑ – UNDP: Fiche Pays: République centrafricaine (2005)
 - ↑ "CAR: A popular coup", The Economist, 20 March 2003.
 - ↑ « République Centrafricaine : anatomie d’un État fantôme », sur International Crisis Group, (consulté le ), p. 15
 - ↑ Kelly Campbell, « Central African Republic, Chad, and Sudan: Triangle of Instability? » [archive du ], sur USIP, (consulté le )
 - Robert Kłosowicz, « Central African Republic: Portrait of a collapsed state after the last rebellion », African Studies, no 42, , p. 33-52 (lire en ligne, consulté le )
 
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