Charles de Bourbon (1788-1855)

Charles de Bourbon
Charles V
Carlos V

Portrait de l’infant Charles, dit Charles V, par Francisco Lacoma.
Fonctions
Prétendant carliste au trône d’Espagne

(11 ans, 7 mois et 19 jours)
Prédécesseur Ferdinand VII
Successeur Charles de Bourbon,
comte de Montemolín
Roi d’Espagne
(contesté, seulement en Navarre)

(5 ans et 11 mois)
Prédécesseur Ferdinand VII
Successeur Isabelle II (reine légitime)
Héritier présomptif du trône d’Espagne

(16 ans, 9 mois et 29 jours)
Prédécesseur Zénaïde Bonaparte
Successeur Isabelle (princesse des Asturies)

(1 mois et 17 jours)
Prédécesseur Ferdinand (prince des Asturies)
Successeur Zénaïde Bonaparte
Biographie
Titre complet Infant d’Espagne
Duc d’Elizondo
Comte de Molina
Dynastie Maison de Bourbon (branche d’Espagne)
Nom de naissance Carlos María Isidro Benito de Borbón y Borbón-Parma,
infant d’Espagne
Date de naissance
Lieu de naissance Aranjuez (Espagne)
Date de décès (à 66 ans)
Lieu de décès Trieste (Autriche)
Sépulture Cathédrale de Trieste (Trieste)
Père Charles IV d’Espagne
Mère Marie-Louise de Parme
Fratrie Charlotte-Joachime d'Espagne
Marie-Amélie d'Espagne
Marie-Louise d'Espagne
Ferdinand VII
Marie-Isabelle d'Espagne
François d’Espagne,
duc de Cadix
Conjoint Marie Françoise de Bragance
(1800-1834)
Marie-Thérèse de Portugal
(1838-1855)
Enfants Charles VI
Jean
Ferdinand
Héritier Charles,
comte de Montemolín


Monarques d’Espagne
Prétendants au trône d’Espagne

Charles Marie Isidore Benoît de Bourbon (en espagnol : Carlos María Isidro Benito de Borbón y Borbón-Parma) également connu sous le nom de Charles V (ou Carlos V en espagnol), né le à Aranjuez et mort le à Trieste, est un infant d'Espagne, second fils du roi Charles IV et frère de Ferdinand VII. Il accompagne ce dernier lors de sa détention en France par l'empereur Napoléon Ier, qui les a forcé à renoncer à la couronne espagnole. Il rentre en Espagne à la chute de Napoléon, et devient le point de ralliement des ultraroyalistes lorsque l'absolutisme de Ferdinand VII leur semble faiblir.

Proclamé roi d’Espagne à la mort de son frère en 1833 par les partisans de la loi salique, en opposition à sa nièce, la jeune Isabelle II, il prend le nom de « Charles V ». Soutenu par une partie du peuple espagnol, appelés carlistes, c'est-à-dire les partisans de Carlos, il rentre en Espagne et provoque la première guerre civile pour la succession royale. Dès 1833, Charles reçoit le soutien des provinces basques, ainsi d'une grande partie de la Catalogne, mais ne parvient pas à se faire reconnaître comme souverain légitime par la totalité des provinces espagnoles, et perd la guerre.

Durant le conflit, il s’installe dans le Nord de l’Espagne et règne en tant que roi en Haute-Navarre jusqu’à la défaite finale de ses partisans, en 1839. Il se réfugie en France, où il est assigné à résidence à Bourges, à l'hôtel de Panette. Le , il renonce officiellement à ses droits au trône en faveur de son fils aîné Charles de Bourbon, et prend le titre de « comte de Molina ». De ce moment, il est appelé « roi père » (« rey padre ») par les carlistes. Ses héritiers poursuivent la cause traditionaliste, et combattent contre l’autorité royale durant deux autres guerres carlistes (de 1846 à 1849, puis de 1872 à 1876), demeurant actifs jusqu'au milieu du XXe siècle, sans jamais obtenir le trône d’Espagne.

Jeunesse (1788-1814)

Naissance et famille

Fils cadet du futur roi Charles IV d'Espagne et de son épouse Marie Louise de Bourbon-Parme, Charles est né au Palais royal d'Aranjuez[1] le 29 mars 1788 et titré infant le même jour, à la cour de son grand-père, le roi Charles III, qui s’éteint la même année[2].

Second fils et cinquième enfant d’une fratrie de sept enfants, Charles, second dans l’ordre de succession, reçoit la même éducation que son frère aîné, Ferdinand, prince des Asturies.

Membre de la branche royale espagnole des Bourbons, Charles est également, par sa mère, l’arrière-petit-fils du roi Louis XV de France et de la reine Marie Leszczynska, ainsi que du roi Philippe V d'Espagne, dont il est doublement le descendant, du côté maternel comme du côté paternel.

L’infant Charles et la crise de la monarchie

L’enfance de Charles est marquée par les débuts difficiles du règne de son père, qui doit faire face à la répercussion des conséquences de la Révolution française de 1789 en Espagne, et son déroulement ultérieur, plus particulièrement la prise de pouvoir en France par Napoléon Bonaparte en novembre 1799. La crise qui menace la monarchie espagnole culmine après le complot de l'Escurial (es) de et le soulèvement d'Aranjuez de , à la suite duquel le Premier ministre Manuel Godoy perd définitivement le pouvoir, tandis que Charles IV se voit contraint d’abdiquer en faveur de son fils Ferdinand VII. Deux mois plus tard, tous deux paraphent les abdications de Bayonne, par lesquelles ils cèdent, chacun de leur côté, leurs droits à la Couronne d’Espagne à Napoléon Ier. En tant que second dans l’ordre de succession, Charles est également contraint de renoncer à ses droits sur le trône au profit de l'empereur français lors de l'entrevue de Bayonne. Ce dernier y renonce à son tour au profit de son frère Joseph Bonaparte.

L’occupation française et le premier exil

Beaucoup d’Espagnols ne veulent pas reconnaître les abdications et, continuant à considérer Ferdinand VII comme leur roi, déclenchent en son nom la guerre d'indépendance espagnole, cependant que d’autres, appelés de façon dépréciative les francisés (afrancesados), appuyaient l’Espagne napoléonienne et le nouveau roi Joseph-Napoléon 1er ; ce conflit donne lieu à la première guerre civile de l’histoire contemporaine de l’Espagne[3].

Comme son frère, Charles est détenu au château de Valençay pendant l'occupation de l'Espagne.

Retour en Espagne (1814-1833)

Restauration absolutiste des Bourbons

Après la défaite de Napoléon et la restauration de Ferdinand VII sur le trône, Charles rentre à Madrid, avec le reste de sa famille, en 1814 et devient bientôt l'appui principal du parti réactionnaire, face aux partisans de la Constitution libérale espagnole, proclamée en 1812 par les Cortes de Cadix. Ferdinand VII, dont le régime absolutiste est restauré, renie ses engagements de conserver la Constitution — qui instaurait une monarchie parlementaire —, et en persécute les défenseurs.

Souhaitant paraître comme un héritier crédible, Charles épouse en septembre 1816, sa propre nièce, l'infante Françoise de Portugal, fille du roi Jean VI et sœur de la reine Marie-Isabelle.

Règne consitutionnaliste de Ferdinand VII

Entre 1814 et 1820 ont lieu six tentatives de renversement du gouvernement, la plupart à travers des pronunciamientos, dont les cinq premiers échouent, jusqu’au succès de celui de Riego. Après le triomphe de la révolution de 1820 commencée avec le pronunciamiento de Riego le 1er janvier, Ferdinand VII promulgue le 7 mars un décret royal affirmant : « [ceci] étant la volonté du peuple, je me suis décidé à jurer la Constitution promulguée par les Cortes générales et extraordinaires en l'an 1812 »[4],[5]. C’est ainsi que commence la deuxième expérience libérale en Espagne[6],[7]. Ferdinand a néanmoins bien l'intention que cette expérience soit la plus courte possible : il organise la « contre-révolution » dès le 9 mars 1820, lorsqu'il jure pour la première fois sur la Constitution de 1812. À partir du printemps 1822, le soulèvement royaliste, appuyé en Espagne par un dense réseau contre-révolutionnaire, et au sommet duquel se trouvait le roi, s’étend : les royalistes parviennent à former une armée qui compte entre 25 000 et 30 000 hommes[8], mais le coup d'État de juillet 1822 échoue à permettre au roi de remettre en place une monarchie absolue. Le roi de France Louis XVIII, appelé à l'aide par Ferdinand VII[9], et son gouvernement décident d'une expédition militaire en Espagne pour soutenir l'absolutisme[10], avec l'accord plus ou moins explicite ou la neutralité des autres puissances de la Quintuple Alliance[11]. Une bonne part des libéraux qui se trouvent à Cadix fuirent en Angleterre via Gibraltar. Dès que Ferdinand retrouve la liberté, il promulgue un décret dans lequel il déroge l’ensemble de la législation du Triennat libéral[12],[13],[14],[15],[16],[17],[18],[19].

Dès que Ferdinand VII récupère ses pouvoirs absolus le 1er octobre, à l’encontre de sa promesse de pardon et des conseils du duc d’Angoulême, il engage une répression féroce et arbitraire. Toutefois, dès qu'il est confirmé que l’Inquisition ne sera pas restaurée et qu'est approuvée en mai 1824 une amnistie envers les libéraux, et bien que cette dernière soit extrêmement limitée, les ultras commencent à s’organiser et à conspirer contre le gouvernement[20],[21], avec le ferme soutien de l’Église espagnole[22] et des Volontaires royalistes, devenus le bras armé du royalisme ultra[23],[24]. Grâce au soutien de l’infant Charles, de son épouse Marie Françoise de Bragance et de sa belle-sœur la princesse de Beira, leurs chambres au palais constituent le centre du « parti apostolique »[25]. Le 28 août, des opposants au roi forment à Manresa une Junte supérieure provisoire du gouvernement de la Principauté présidée par le colonel Agustín Saperes « Caragol »[26], qui dans un arrêté du 9 septembre insiste sur la fidélité envers le roi Ferdinand VII[27]. Pour légitimer la rébellion, les « Malcontents » affirment que leur objectif est de « soutenir la souveraineté de notre roi aimé Fernando » qu'ils disent « séquestré » par le gouvernement. Mais il leur arrive également d'exalter « Charles V », frère du roi et héritier du trône, qui partage leur idéologie[28],[27].

Succession contestée et début du carlisme

Le roi n'ayant pas eu d'enfant de ses trois mariages, l'infant Charles semble destiné à régner. Mais le roi épouse en quatrièmes noces sa nièce Marie-Christine des Deux-Siciles en décembre 1829, qui tombe enceinte au début de l'année suivante. S'appuyant sur un édit datant de 1789 que son père n'avait pu publier, Ferdinand VII, par la Pragmatique Sanction du 29 mars 1830, abolit la loi salique de 1713 par laquelle Philippe V, en contradiction avec la coutume espagnole, avait autrefois exclu les femmes du trône. Il appelle ainsi son enfant à naître, quel que soit son sexe, à lui succéder après son décès ; l’infant Charles se voit ainsi privé de la succession qui jusque là lui incombait, à la grande consternation de ses partisans ultra-absolutistes, déjà désignés comme « carlistes »[29],[30],[31]. C'est bien une fille, la future Isabelle II, qui naît en octobre 1830, suivie de sa sœur Louise-Fernande en janvier 1832.

Les ultras sont pris par surprise par la publication du décret[32], mais ne se résignent toutefois pas à ce que la très jeune Isabelle puisse devenir la future reine ; ils tentent de profiter de l’occasion de l’aggravation de l'état de santé de Ferdinand VII — qui se trouve convalescent au palais royal de la Granja de San Ildefonso (province de Ségovie) le 16 septembre 1832 —[33]. Son épouse la reine Marie-Christine est soumise à la pression des ministres « ultras » — le comte de La Alcudia (es) et Calomarde — et de l’ambassadeur du royaume de Naples — soutenu par l'ambassadeur autrichien —[34]. Ces derniers lui assurent que l'armée ne l'appuiera pas dans sa régence lorsque mourra le roi. Marie-Christine assure postérieurement qu'elle chercha à éviter une guerre civile, en influençant son époux afin qu’il révoque la Pragmatique Sanction de 1830. Le 18 septembre, le roi signe son annulation[35],[36]. Contre les espoirs des ultras, le roi retrouve ensuite la santé et destitue son gouvernement le 1er octobre. Le 31 décembre il annule dans un acte solennel le décret dérogatoire qui n’a pas encore été publié — le roi l’ayant signé à condition qu'il n’apparaisse pas dans le bulletin officiel La Gaceta de Madrid avant sa mort — mais que les carlistes se sont chargés de divulguer. Ainsi, la princesse Isabelle, âgée de deux ans, devient à nouveau héritière au trône[35],[36],[37],[38],[39].

La rupture avec les carlistes se produit à la suite de la décision prise par le gouvernement le 3 février 1833 d’expulser de la cour la princesse de Beria en raison de son implication directe dans les conspirations ultras et de l’influence qu’elle exerce sur son beau-frère Charles, l'encourageant notamment à défendre ses prétentions à la succession à l'encontre de la fille du roi[40],[41]. Afin de sauver les apparences, on dit qu’elle avait été appelée auprès de son frère, le roi Michel Ier de Portugal[40],[41]. Celui-ci est alors aux prises avec une situation similaire à celle que va connaître l'Espagne, à savoir la crise de succession portugaise (1826-1834).

De façon inattendue, Charles informe son frère le roi que, avec son épouse Marie Françoise de Bragance et ses enfants, il accompagne sa belle-sœur dans son voyage au Portugal. Ils quittent Madrid le 16 mars et arrivent à Lisbonne le 29. Ce faisant, Charles évite de reconnaître Isabelle en tant que princesse des Asturies et héritière du trône, titre et statut qui lui sont définitivement octroyés en juin de la même année[42],[43]. Au cours des semaines suivantes, Ferdinand VII et son frère Charles échangent une abondante correspondance dans laquelle il apparait clairement que ce dernier refuse de reconnaître Isabelle, scellant la rupture définitive entre eux. Le roi finit par lui ordonner de s'installer dans les États pontificaux et de ne jamais revenir en Espagne, mettant une frégate à sa disposition ; Charles ne se soumet pas à l'ordre, donnant des excuses de tout type[42],[44]. Le 20 juin 1833, les Cortès se réunissent dans l'église Saint-Jérôme-le-Royal, comme en 1789, pour le serment envers la princesse Isabelle (es), la reconnaissant officiellement comme héritière de la couronne[45],[46]. Trois mois plus tard, le dimanche 29 septembre 1833, le roi Ferdinand VII meurt. La première guerre carliste commence, entre les partisans d’Isabelle et de la régente Marie-Christine d'une part, et d'autre part les « carlistes », partisans de leur oncle et beau-frère Charles[47],[48],[49],[50],[51].

Guerre de succession d’Espagne (1833-1839)

Début des troubles et prises de position

Des affiches appelant « les armes carlistes » apparaissent à Bilbao ; d’autres, qualifiant Isabelle de « petite princesse étrangère » (« princesita extranjera »), et accusant son parti de vouloir imposer « les assassins constitutionnels ennemis de la religion et de l’autel » comme à Santoña. Des algarades en faveur de Charles se produisent à Madrid (avec la participation de la Garde royale, d'où était déjà parti le coup d'état de 1822). Un projet d’insurrection organisé depuis León par l'évêque Joaquín Abarca, qui fait partie des cercles de Charles de Bourbon, avorte en janvier 1833 — Abarca se réfugie au Portugal —. Des partidas realistas, qui s'étaient elles-aussi déjà soulevés en faveur de l'absolutisme, sont formées pour soutenir « Charles V ».

La noblesse absolutiste soutient Charles, plus conservateur, contre les libéraux qui prennent le parti de la régente, Marie-Christine, mère de la nouvelle reine. Selon les partisans de Charles, Ferdinand VII a promulgué « illégalement » la Pragmatique sanction de 1789 car, bien qu’elle fût approuvée par les Cortès le 30 septembre 1789, aux temps de Charles IV, elle n’était pas devenue alors effective. Selon les carlistes, l’ex-roi Charles IV a tenté de déroger la loi salique (imposée par la Pragmatique Sanction de 1713 de Philippe V) sur la base de l’approbation mentionnée, mais la disposition n'a alors pas été promulguée, si bien qu’elle n'est pas entrée en vigueur et qu’il lui manque un élément juridique fondamental pour assurer sa validité, suivant le raisonnement suivant : un accord conclu entre le roi et les Cortès ne peut être dérogé que par le roi et les Cortès[52].

Avènement du « carlisme » et de « Charles V »

À la mort de Ferdinand VII, Charles publie le manifeste des Abrantes le 1er octobre, dans lequel il déclare son ascension au trône sous le nom de Charles V. Le 6 octobre, le général Santos Ladrón de Cegama proclame l'infant Charles comme nouveau roi d’Espagne dans la ville de Tricio (La Rioja), date du début de la Première Guerre carliste.

Après la défaite du miguelisme et de Michel Ier lors de la guerre civile portugaise en mai 1834, Charles perd un allié. Harcelé par les troupes d'Isabelle II qui, sous le commandement du commandant général d'Estrémadure José Ramón Rodil y Campillo ont pénétré au Portugal, il embarque sur le navire de guerre britannique HMS Donegal (en), arrivant en Grande-Bretagne le 18 juin. Début juillet, il quitte l'île, traverse la France et retourne en Espagne le 9 juillet.

Il reste en Navarre et dans les provinces basques jusqu'en 1839, maintenant une cour itinérante à Oñate, Estella, Tolosa, Azpeitia et Durango. Par la suite, il accompagne son armée mais sans montrer de compétences militaires. Religieux aux mœurs simples, il est très bien accueilli par la population rurale. Tandis qu'à Madrid une régence libérale se met en place sous l'égide de la reine douairière Marie-Christine, dans les régions du Nord de l'Espagne, comme la Navarre ou la Catalogne, nombreux sont ceux qui redoutent le centralisme et l'anticléricalisme affichés par le nouveau pouvoir. C'est donc naturellement dans ces régions que Charles trouve l'essentiel de ses soutiens.

Guerre civile et défaite des carlistes

Cette guerre civile fait sentir ses conséquences surtout dans le nord du pays, les carlistes étant particulièrement forts dans les provinces basques et en Navarre, qui défendent également leurs privilèges (fors) contre les libéraux centralisateurs. Sous la conduite du général Zumalacárregui, une armée de 13 000 carlistes remporte une suite de victoires, mais l'armée fidèle à Isabelle II établit une ligne de défense (Bilbao-Vitoria-vallée de l'Èbre) que les carlistes ne parviennent pas à briser.

Les troupes isabellistes vont alors bénéficier d'une aide extérieure : en 1834, la France, le Portugal et le Royaume-Uni signent avec le gouvernement espagnol le traité de la Quadruple-Alliance. La situation n'est plus celle de 1823 : la France vit également dans une monarchie constitutionnelle, qui vient également de s'instaurer au Portugal. Le Royaume-Uni envoie un groupe de volontaires (la Légion britannique) ; le roi Louis-Philippe cède à l'Espagne la Légion étrangère, qui combat alors en Algérie et qui arrive en Espagne en (la Légion devient officiellement une partie de l'armée espagnole).

Au cours de l'été 1837, la position des carlistes s'épuise. Cependant, Charles, toujours considéré comme roi par de nombreux partisans, organise une expédition. À la tête d'une grande partie de ses bataillons basque, castillan et navarrais, il traverse la Catalogne et marche jusqu'aux portes de Madrid, apparemment à la suite de fausses nouvelles concernant un possible mariage entre l'un de ses fils avec Isabelle II. Ses attentes ne sont pas satisfaites ; en retraite, harcelé par Baldomero Espartero, il retourne avec ses troupes en Biscaye.

Face à la frustration causée par cette tentative infructueuse de résoudre le problème de la succession, ainsi que par son retrait désastreux, il prend des mesures drastiques sur les contrôles de son armée et de son administration. Les officiers et les civils qui l'ont servi depuis la mort de Ferdinand VII sont dépossédés de leurs commandements et offices, emprisonnés, poursuivis, voire tués. Sa cour finit par être composée de conseillers peu compétents et sans initiative ; Joaquin Abarca y Blaque en reste le plus influent en tant que chef de cabinet. Ces conseillers sont appelés « ojalateros », car on dit alors qu'ils ne cessent de se plaindre de ce qui s'est passé pendant l'expédition royale, avec des phrases qui commencent toujours par « Ojalá... » (c'est-à-dire « J'espère... »).

L'attitude pessimiste de la Cour de Charles face aux problèmes civils et militaires provoque un grand mécontentement chez ses soutiens, tant parmi la troupe que dans son encadrement. La méfiance mutuelle entre les bataillons des trois provinces basques et navarraises augmente également – refusant notamment de combattre à l'extérieur de l'étendue géographique de leurs provinces, ainsi qu'avec les bataillons castillans. En octobre 1837, après la mort de sa première femme, Charles épouse sa belle-sœur la princesse de Beira, qui l'a toujours soutenu dans ses prétentions.

En juin 1838, il nomme Rafael Maroto, commandant en chef, et le charge de la réorganisation de l'armée, bien qu'il ait été confronté à peu d'actions guerrières. En février 1839, Charles ordonne de tirer sur trois généraux, soupçonnés d'avoir organisé un complot contre lui. Maroto commence alors des négociations secrètes avec les isabellistes. La guerre prend fin avec la signature de la convention d'Ognate (ou convention de Vergara) le par laquelle les carlistes reconnaissent leur défaite. Avec ce traité, Charles perd le contrôle de ses provinces et se voit contraint de quitter l'Espagne. La résistance du chef militaire Ramón Cabrera se poursuit toutefois dans le Maestrazgo jusqu'en . Bénéficiant du soutien des petits paysans pyrénéens et de leurs curés, le mouvement carliste reste néanmoins vivace au nord.

Exil et fin de vie

Le 14 septembre 1839, Charles franchit la frontière française ; le gouvernement français décide de l'installer à Bourges avec sa femme et ses enfants. Là, le 18 mai 1845, il abdique en faveur de son fils Charles de Bourbon. Après son abdication, il utilise le titre de comte de Molina. Retiré à Trieste, il y meurt le . Il est enterré avec ses descendants dans la chapelle Saint-Charles Borromée de la cathédrale Saint-Juste de la ville.

Descendance

En 1816, il épouse sa nièce l'infante Françoise de Portugal (1800-1834), fille du roi Jean VI et sœur de la reine Marie-Isabelle d'Espagne, épouse de Ferdinand VII. En secondes noces, il s'allie en 1838 avec une autre de ses nièces, l'infante Marie-Thérèse de Portugal (1793-1874), princesse de Beira et sœur aînée de sa défunte épouse.

Trois enfants naissent du premier lit :

Ses deux premiers fils se succèdent dans la prétention carliste entre 1845 et 1868.

Ascendance

Dans les arts

Dans Le Comte de Monte-Cristo, écrit à partir de 1844, le personnage principal fait courir le bruit que le comte de Montemolin, fils de Charles, est entré triomphalement en Catalogne, provoquant une chute des cours de la Bourse de Paris ; l'Europe reste alors très attentive aux mouvements des prétendants carlistes[53].

L'écrivain français Pierre Benoit évoque le carlisme dans son roman Pour don Carlos (1920), dont l'action se déroule quarante ans plus tôt, lors de la dernière guerre carliste. L'œuvre a par ailleurs été adaptée au cinéma sous le même titre par Musidora en 1921.

Notes et références

  1. Gaceta de Madrid, 1 de abril de 1788, p. 215. https://www.boe.es/datos/pdfs/BOE//1788/027/A00215-00216.pdf
  2. (es) D. Carlos Maria Isidro de Borbon: Historia de su vida militar y politica, Eserita por un incognito. Edicion de lujo, , 5 p. (lire en ligne)
  3. R. Capel Martínez et J. Cepeda Gómez (2006), p. 294-297.
  4. La Parra López 2018, p. 376-377; 379.
  5. Buldain Jaca 1998, p. 10-11.
  6. La Parra López 2018, p. 379.
  7. Gil Novales 2020, p. 9.
  8. Arnabat 2020, p. 299.
  9. Rújula 2020, p. 23. « Ruego a vuestra majestad considere el estado de mi peligrosa situación y real familia para que sin pérdida de tiempo vengan auxilios suficientes como mejor se pueda a ponernos a salvo »
  10. La Parra López 2018, p. 428.
  11. Torre del Río 2020, p. 534-536. Con el zar Alejandro neutralizado por el rechazo generalizado a que sus ejércitos cruzaran el continente; con Metternich que, sin el apoyo británico, había optado por permitir la intervención de Francia; y con Canning dispuesto a permanecer neutral si Francia no cruzaba determinadas ‘líneas rojas’, el Gobierno de París, bajo el poderoso impulso de Chateaubriand, contaba con la seguridad de que su intervención militar en España no provocaría ningún conflicto internacional
  12. Fontana 1979, p. 164-165.
  13. Gil Novales 2020, p. 60. Lejos quedaba la Monarquía moderada, que buscaban los franceses y parte de sus amigos españoles
  14. Rújula 2020, p. 34-35. El rey español había conseguido, una vez más, salirse con la suya, sin reformar la constitución, como le pedían las potencias europeas, ni recortar su poder
  15. Butrón Prida 2020, p. 567-568. Al margen de su enorme coste económico, el precio pagado [por los franceses] por la culminación de su empresa [la 'liberación' de Fernando VII] incluyó la renuncia a la mayor parte de los argumentos políticos y las expectativas geoestratégicas barajados por el gobierno francés antes de su ejército cruzara el Bidasoa, entre ellos la ida del establecimiento de un régimen representativo moderado en España. La frustración de las previsiones francesas se debió en gran medida a su plan de desistimiento del ejercicio del poder político en los territorios que fueran sucesivamente arrebatados a la autoridad liberal
  16. Fontana 2006, p. 81.
  17. La Parra López 2018, p. 475. Venía a ser una recreación del Manifiesto del 4 de mayo de 1814
  18. Rújula et Chust 2020. Un decreto arrogante y vengativo, redactado en un tono soberbio que resulta casi obsceno por su exhibición de retórica anticonstitucional... en medio de términos de resonancias teocráticas y absolutistas
  19. « Son nulos y de ningún valor todos los actos del gobierno llamado constitucional, de cualquier clase y condición que sean, que ha dominado a mis pueblos desde el día 7 de marzo de 1820 hasta hoy, día 1º de octubre de 1823, declarando, como declaro, que en toda esta época he carecido de libertad, obligado a sancionar leyes y a expedir las órdenes, decretos y reglamentos que contra mi voluntad se meditaban y expedían por el mismo gobierno. »
  20. Fuentes 2007, p. 82-83.
  21. Fontana 1979, p. 183.
  22. Fontana 2007, p. 119. Enfrentada al liberalismo desde la etapa constitucional de Cádiz, la Iglesia española fue el más firme apoyo de las fuerzas que querían volver a la restauración total de los controles sociales del Antiguo Régimen
  23. Fuentes 2007, p. 73-75.
  24. La Parra López 2018, p. 504.
  25. Fontana 1979, p. 45. Si bien el infante [don Carlos] deja hacer a los demás, sin comprometerse, su esposa Francisca y su cuñada, la princesa de Beira, no vacilan en alentar abiertamente la rebeldía [ultra]
  26. Fontana 2006, p. 227. Reunió una banda durante el trienio; hombre de mucha influencia en Barcelona y sus alrededores, se le suponía en estrecha relación con los frailes de Montserrat
  27. Bahamonde et Martínez 2011, p. 165.
  28. Fuentes 2007, p. 86. Las consignas de los rebeldes se movieron dentro de un repertorio ya conocido: la reivindicación de Carlos V y de la Inquisición, el exterminio de los ‘negros’ [los liberales], la defensa de la religión y, en algunos casos, la supresión de la policía, que se había convertido en la bestia negra de los ultras
  29. Fuentes 2007, p. 88-89.
  30. Fontana 1979, p. 43-44; 180-181.
  31. La Parra López 2018, p. 578-581.
  32. Fontana 1979, p. 180-181. Cuando se publicó oficialmente, el 31 de marzo de 1830, no hubo ninguna protesta en el país: el propio Carlos calló y siguió acudiendo al consejo de Estado, como si nada hubiese ocurrido. En la sombra, sin embargo, el partido carlista preparaba sus intentonas
  33. Fontana 2007, p. 137. Mientras la familia real veraneaba en La Granja, Fernando padeció entonces una sucesión de ataques de gota que se complicaron gravemente a mediados de septiembre, hasta el punto de hacer pensar en su próxima muerte
  34. Fontana 1979, p. 193-194.
  35. Fuentes 2007, p. 89-90.
  36. Bahamonde et Martínez 2011, p. 178.
  37. Fontana 1979, p. 44-45; 193-197. El parcial restablecimiento del rey y la aparición de las 'fuerzas vivas' de la corte en el real sitio, dando muestras evidentes de que ni la vieja aristocracia feudal ni la burguesía querían un gobierno ultra, devolvieron a Fernando la confianza suficiente para derogar la derogación y echar del gobierno a Alcudia y Calomarde, más bien cómplices que protagonistas del episodio
  38. La Parra López 2018, p. 588-589.
  39. Fontana 2006, p. 325-326.
  40. La Parra López 2018, p. 593-594.
  41. Fontana 2006, p. 328-332.
  42. La Parra López 2018, p. 594.
  43. Fontana 2006, p. 332.
  44. Fontana 2006, p. 332-334. Se iban sucediendo las órdenes terminantes del rey y las excusas del príncipe, hasta que el 18 de agosto encontró el argumento supremo: se embarcaría en Lisboa, que había caído en manos de las tropas de Pedro, 'cuando aquella ciudad fuese restituida al poder legítimo del rey (Miguel)... cosa que no había de ocurrir nunca
  45. La Parra López 2018, p. 594-595.
  46. Fontana 2006, p. 328; 332-333. El 4 de abril se ordenaba que la jura de la princesa se hiciese el 20 de junio, y se convocaba a 'las ciudades y villas de voto en las cortes' para que acudiesen, y el 10 de mayo se daba la lista de los obispos y nobles que estaban obligados a asistir
  47. Fuentes 2007, p. 90.
  48. Bahamonde et Martínez 2011, p. 180.
  49. Fontana 1979, p. 198-200.
  50. Fontana 2007, p. 131; 138.139.
  51. La Parra López 2018, p. 596-597.
  52. Oyarzun 2008, p. 11.
  53. Emmanuel Tronco, « Chapitre II. La lente extinction d’une émigration contre-révolutionnaire en France et dans l’Ouest interdit : entre amnisties, tolérance, prohibition et expulsions », dans Les carlistes espagnols dans l'Ouest de la France, 1833-1883, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 179–216 p. (ISBN 978-2-7535-6740-5, lire en ligne)

Annexes

Bibliographie

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