Château de Juvisy

Château de Juvisy

Château de Juvisy, par Pierre-Denis Martin (1663-1742)
Type Château
Architecte inconnu
Propriétaire initial inconnu
Destination initiale Habitation
Destination actuelle détruit en 1944
Coordonnées 48° 41′ 27″ nord, 2° 22′ 21″ est
Pays France
Région historique Hurepoix
Région Île-de-France
Département Essonne
Commune Juvisy-sur-Orge
Géolocalisation sur la carte : France

Le château de Juvisy est un château français situé dans la commune de Juvisy-sur-Orge, en pays Hurepoix, dans le département de l'Essonne et la région Île-de-France, à dix-huit kilomètres au sud-est de Paris.

Situation

Localisation du château de Juvisy dans l'Essonne.

Le château de Juvisy est situé sur le coteau surplombant la rive gauche de la Seine, en bordure droite de l'ancienne route royale de Fontainebleau devenue la route nationale 7.

Le château est situé en contrebas de la coline, tandis que les jardins étaient aménagés sur le côteau, depuis le niveau de la Seine jusqu'à la hauteur de la route royale entre Paris et Fontainebleau. La vue depuis les hauteurs de Juvisy était spectaculaire : la Seine en faisant tout l'ornement, et le fleuve partait ensuite de part et d'autre dans le lointain.

Cette situation et la disposition des lieux offraient des avantages incomparables : c'était la vue depuis Juvisy qui constituait le principal spectacle : le fleuve, la campagne, les aller et venues des bateaux sur le fleuve, tout était fait pour magnifier la Nature dans sa noble simplicité.

Histoire

Le château et le parc ne figurent sur aucune carte ancienne. On ignore sa date de construction exacte et son architecte, mais le château, qui est construit à l'emplacement d'un ancien monastère, daterait du XVIIe siècle.

XVIIe siècle : Juvisy à son apogée, chef-d'oeuvre d'André Le Nôtre

En 1632, Michel Le Masle, chanoine de Notre-Dame de Paris et intendant du cardinal de Richelieu, acquiert une grande partie des terres de Juvisy, pour bénéficier d'une résidence champêtre à proximité avec la route Royale[1].

Antoine Rossignol des Roches, président de la Chambre des comptes et conseiller de Louis XIII puis de Louis XIV, rachète le domaine, en 1659. Il entreprend alors de grands travaux d'agrandissement et de restauration. Il fait notamment construire, à l'extrémité de l'aile Sud, le "Pavillon Louis XIV" pour accueillir le roi dans les meilleures conditions, tandis que l'aile Nord donne désormais sur l'église Saint-Nicolas qui a remplacé la chapelle en 1624[2]. Le château se trouve dans un parc qui descend jusqu'à la Seine et comporte une terrasse en fer à cheval.

Les jardins sont réalisés par André Le Nôtre. Même s'il n'y a pas de preuves historiques de son intervention (néanmoins Dulaure donne bien le jardin à Le Nôtre), le vocabulaire employé ainsi que l'ingéniosité mise en oeuvre pour créer les cascades signent du célèbre jardinier l'un des ses plus grands chef-d'oeuvres. Il a pu copier le dispositif du château de Tilly Maison-Rouge (Saint-Fargeau-Ponthierry), situé non loin, où des grottes plus petites avaient été aménagées peu auparavant, pour permettre de servir de belvédère à une superbe vue sur le paysage. A Juvisy, l'effet était encore plus éblouissant, puisque l'échelle du paysage était beaucoup plus grande.

Au XVIIIe siècle

En 1706, Bonaventure, le fils d'Antoine Rossignol des Roches, cède la propriété qui passera de mains en mains, pendant un siècle[3].

Dulaure décrit le château et les jardins au XVIIIe siècle :

"Le château de Juvisy est d'une forme ancienne ; les peintures du sallon représentent les nôces de l'Amour et de Psyché, par un bon maître italien. La galerie est ornée de plusieurs tableaux, parmi lesquels on remarque des conquêtes de Louis XIV, copiées par Martia, d'après Van der Meulen.

Le parc de Juvisy a été planté par Le Nostre. C'est en faire l'éloge. Sur la hauteur coule un canal de cent trente toises de long sur douze de large, soutenu par un grand fer à cheval en amphithéâtre, orné d'une balustrade de pierre. Il est nourri par trois sources ; l'une y arrive par quinze petites nappes que fournit un mascaron. On voit sous un berceau de verdure les deux autres sortir de terre en bouillonnant, et se jetter ensuite dans le canal. Plus bas est une belle allée ornée de plusieurs groupes de pierre. On en remarque un, dont l'allégorie est une énigme qui est encore à deviner. Il représente deux hommes ; l'un porte un squelette sur les épaules, et l'autre a près de lui une enclume et un soufflet, et tient à la main un marteau.

Dans le bas du parc, aux extrémités d'une longue allée à quatre rangs d'arbres, qui aboutit au château, sont placés deux bassins, au milieu desquels s'élèvent de très beaux jets ; la rivière d'Orge qui fait canal dans toute sa longueur ferme le parc."[4]

De nouvelles grottes sont aménagées tout en haut du jardin, au niveau du grand canal réservoir haut. Ces grottes fin XVIIIe siècle sont conservées de nos jours.

XIXe siècle : un parc paysager

Elle est rachetée, en 1807, par le comte Auguste de Monttessuy, maire de Juvisy de 1823 à 1835. Il acquiert les terres environnantes afin d'agrandir considérablement le domaine. Le jardin est ainsi complètement remodelé, de 1822 à 1836, et devient un véritable parc paysager où se trouve un rendez-vous de chasse[5]. Au décès du comte, en 1840, son fils Gustave de Montessuy devient le propriétaire du château. Le jardin et ses statues de marbre subissent d'importantes destructions lors de la guerre de 1870[3]. En 1885, la comtesse de Monttessuy, veuve, morcèle le terrain et le commercialise par l'intermédiaire de la Société Immobilière du Château de Juvisy, créée en 1896[5]. C'est la partie inférieure du parc (entre l'avenue de la Terrasse actuelle et la voie ferrée) qui est lotie la première. Les lots de la partie supérieure (entre l'avenue de la Terrasse et la nationale 7 actuelles), quant à eux, ne seront mis en vente qu'à partir de 1911, puis avec plus de succès, dans les années 1920. Afin d'attirer les acheteurs, le cabinet Bernheim aménage le quartier avec de larges avenues cossues et fait construire deux magnifiques escaliers d'accès (toujours visibles de nos jours) : le premier derrière l'église, le second face au miroir[5].

XXe siècle : la mairie dans le château, puis sa destruction par le bombardement de 1944

Après un référendum en 1898, la municipalité de Charles Legendre acquiert le château, en 1900, pour y installer la mairie et les services municipaux, ainsi que le presbytère. Le pavillon "Louis XIV" est remplacé, en 1908, par l'école des filles[1],[2]. Le château est malheureusement détruit pendant le bombardement de Juvisy, en avril 1944. Seuls, ont subsisté quelques ornements du parc, comme le Fer-à-cheval, aujourd'hui inscrit aux monuments historiques, et le miroir[5]. L'ancienne emprise du jardin où se trouvait les cascades et les allées a été loti, pour des maisons et pavillons à usage d'habitation.

Architecture et jardins

Le château

L'aspect extérieur du château nous est fort bien documenté grâce aux photographies prises au début du XXe siècle, prises par Atget, qui permettent de se rendre compte que le tableau de Pierre-Denis Martin représente avec justesse les bâtiments.

Le tableau par Pierre-Denis Martin, représentant Juvisy au début du XVIIIe siècle

Le tableau peint par Pierre-Denis Martin, conservé par le VA Museum à Londres, permet de découvrir le domaine à son apogée : le château situé dans un coin n'est pas le centre de l'attention : c'est le jardin et les cascades qui forment un aménagement spectaculaire, digne des plus belles maisons royales.

Le jardin et parc : vue panoramique, canal haut, Grottes, Cascades et canal bas

Les jardins de Juvisy étaient réputés pour leurs cascades, sans conteste parmi les plus spectaculaires de France. André Le Nostre s'y est surpassé, et le domaine devait sans doute être pour lui l'une de ses plus grandes réussites et fierté au titre de l'ingéniosité déployée, tout en respectant la Nature. De nos jours, il reste toujours parfaitement conservé l'ensemble des constructions des Grottes, qui servent de murs de soutènement à la coline. Deux rampes semi-circulaires permettent d'accéder à la terrasse haute centrale, d'où la vue était époustouflante. On peut connaître cette vue au XVIIe grâce aux photographies conservées par les cartes postales du XIXe siècle : il suffit d'enlever l'urbanisation pour retrouver la vue champêtre depuis les hauteurs de Juvisy. Dans les sept niches se trouvaient de grandes sculptures. L'ensemble du décor est à bossage de pierre et meulière, ce qui offre une bel couleur rosé à la construction.

Le parcours théâtral des jardins de Juvisy : clefs de compréhension et schémas

Le château était encaissé dans le village, il fallait donc créer un jardin de manière latérale, en parallèle de la pente du coteau. La grande perspective, dont le grand parterre et la grande allée basse, étaient axés sur le petit pavillon orné de coquillages et meulières du château. On trouvait d'abord le grand parterre, situé au bord de l'Orge. Puis la grande allée basse se découvrait : c'était une allée majestueuse, composée de quatre rangées d'arbres, qui servait de promenade basse à l'ombre. Du côté ouest on apercevait la pente de la coline et les cascades, et de l'autre côté à l'est le paysage avec la rivière de l'Orge qui serpentait. Au milieu de la grande allée se découvrait les cascades sur la gauche. On était en bas du grand axe de symétrie qui composait tout le jardin. On continuait au bout de l'allée avec un autre bassin, d'où l'on découvrait la vue sur toute la vallée, avec Athis visible sur le côteau vers le nord.

De là, on montait la grande allée nord en biais pour accéder à la surprise d'André Le Nôtre : les monumentales Grottes de Juvisy. Elles étaient enrichies de sculptures et de nombreux jets d'eau, ce qui créait une composition totalement virevoltante, théâtrale, où l'homme n'était plus que le jouet des éléments (eau, rochers). On était là au coeur du dispositif scénique : d'un côté les Grottes et les jets d'eau, et de l'autre d'autres jets d'eau de la cascade qui descendait en contrebas. Le visiteur quittait les Grottes en empruntant les rampes semi-circulaires. Il arrivait au-dessus des Grottes, et depuis la balustrade haute, le spectacle était tout différent : c'est le paysage et la campagne dans le lointain. Mais une autre surprise se découvrait : si on découvrait les cascades en face et la Seine et la campagne dans le fond, on pouvait également découvrir depuis le centre de la balustrade haute les deux allées tracées en biais, qui avaient justement été axées spécialement depuis le haut des Grottes, pour créer une ouverture visuelle en patte d'oie depuis ce belvédère. C'est donc une vision majestueuse puissante et ordonnée qui s'offrait au spectateur. D'ailleurs une telle composition est sans doute l'une des plus impressionnantes que l'on ait créée dans les jardins français.

Enfin, tout en hauteur se découvrait le grand canal réservoir, placé tout en hauteur, alimenté par les sources. Un grand berceau de treillages fut réalisé du côté nord, où se trouvait la source. D'ailleurs ce canal était parallèle à la Seine l'on découvrait dans le fond : comme si le fleuve avait offert un bras de son eau pour l'amener poétiquement sur le haut du côteau de Juvisy. Il y a un jeu entre ces deux espaces : celui du canal et celui de la Seine, le lien est indéniable, on trouvait la même chose au château du Bas-Coudray. On faisait le tour du canal haut, et l'ambiance de cet espace du jardin était absolument opposé aux Grottes que l'on venait de parcourir : le contraste entre les espaces étaient saisissants. Au-dessus du canal haut, une pente de gazon régularisait l'espace, et au sud du canal, un grand belvédère fut aménagé. Il servait pour admirer la dernière surprise, la plus subtile sans doute : Le Nôtre avait laissé la trouée végétale au niveau des Grottes pour que, depuis ce dernier belvédère haut, le visiteur puisse apercevoir la boucle de la Seine située dans le lointain, à plusieurs kilomètres. Il avait préservé la Nature, et avait choisi de la magnifier, en conservant les points de vues initialement étudiés lors de la première étape avant la création du jardin : une visite du site avant son aménagement. Aussi faut-il voir dans les jardins de Juvisy un aménagement plutôt naturel : certes les Grottes étaient majestueuses et pouvaient tendre vers l'Art, mais elles servaient avant tout au terrassement du coteau. C'est la Nature qui triomphait à Juvisy, contrairement à Versailles où l'Art écrasait la Nature. On ne pouvait rêver plus beau jardin : un fleuve, une vue grandiose sur le paysage, une autre rivière l'Orge qui vient se nicher aux pieds du château, une pente pour prendre de la hauteur et aménager des cascades et jets. Tout à Juvisy avait été magnifié pour créer sans doute le plus grand chef-d'oeuvre d'André Le Nôtre.

Les arcades et le pont dit "des belles fontaines" de Juvisy (XVIIIe)

Un bel ouvrage de maçonnerie a été réalisé pour permettre de faire passer la rivière de l'Orge sous la route de Paris à Fontainebleau. Deux fontaines du XVIIIe siècle encadrent l'ouvrage sur sa hauteur. L'ensemble est encore parfaitement conservé de nos jours, et peut se visiter.

Notes et références

  1. LE BAS Antoine, Juvisy-sur-Orge, Un territoire, des réseaux, Lyon, Lieux Dits Editions, coll. « Cahiers du patrimoine » (no 88), , 264 p. (ISBN 978-2-914-528-40-5, lire en ligne), p. 26-31
  2. Union départementale des offices de tourisme et syndicats d’initiatives, Vivre l'Essonne en Île-de-France, 2e édition, éd Édigéo, , 400 p., p. 236-241
  3. « Mairie de Juvisy-sur-Orge - Le Patrimione de la ville de Juvisy - Juvisy-sur-Orge », sur juvisy.fr (consulté le )
  4. Description des environs de Paris, par Dulaure, Juvisy.
  5. Association "Les Juvisiens de Juvisy", Juvisy-sur-Orge, Images du XXe siècle, Juvisy, (ISBN 2-9507643-0-4), p. 20-29

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Association "Les Juvisiens de Juvisy", Juvisy-sur-Orge, Images du XXe siècle, , 220 p. (ISBN 2-9507643-0-4)
  • Antoine Le Bas, Juvisy-sur-Orge, Un territoire, des réseaux, Lieux Dits Editions, , 264 p. (ISBN 978-2-914-528-40-5)
  • Jean-Marie Pérouse de Montclos, Le Guide du patrimoine, Ile-de-France, Hachette, , 750 p.
  • A La Recherche D'un Paysage Perdu: La Visite de Louis XIV au Chateau de Juvisy; Un tableau de Pierre-Denis Martin, Rubin, Alan; Dennis Harrington; Frederique Judet, trans.

Liens externes

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