Château de Chantemerle (Corbeil-Essonnes)

Château de Chantemerle

La maison de Chantemesle, vers 1650
Type Château d'habitation
Propriétaire initial Louis Hesselin
Destination initiale Habitation
Destination actuelle Détruit
Pays France
Région historique Hurepoix
Région Île-de-France
Département Essonne
Commune Corbeil-Essonnes

Le château de Chantemerle, dit aussi anciennement château de Chantemesle, ou encore Essonnes, et même parfois Essaune, est un château disparu, qui se situait sur la commune de Corbeil-Essonnes. Il a appartenu à Louis Hesselin, qui y a reçu la reine Christine de Suède. On en connaît une vue gravée signée "Israël" pour Israël Henriet ou Israël Silvestre.

Histoire

Le château était voisin de la commanderie de "Saint-Jean en Isle". Son entrée était située sur la grande route de Paris à Fontainebleau.

Louis Hesselin, l' "inventif" "Intendant des Plaisirs du Roy" (vers 1636-1638/ et jusqu'à 1662)

Seigneur de Condé, maître d'hôtel du Roi et de sa Chambre aux deniers, souvent considéré comme le surintendant des plaisirs du roi, chorégraphe de nombreux ballets où il fit danser le jeune Louis XIV, Louis Hesselin fut l'organisateur de brillantes réceptions, tant dans sa campagne de Chantemesle à Essonnes, où Louis Le Vau édifiera la première "salle à l'Italienne" construite en France, que dans l'hôtel qu'il fit construire par Louis Le Vau, sur l'emplacement de l'actuel no 24 du quai de Béthune à Paris (hôtel d'Hesselin), entre 1640 et 1644.

La maison était très ornée. Guillet de Saint-George parle d'un plafond peint par Charles Le Brun et de plusieurs ouvrages de sculpture dus à Gilles Guérin sur les dessins de Sarrazin. Hesselin avait fait graver sur la porte de son vestibule cette inscription d'une orgueilleuse modestie : Parva quidem sed [apta].

Le château de Chantemesle (puis Chantemerle[1] à l'époque d'Oberkampf), fut décoré par Jacques Sarrazin, qui y réalise des statues dont une Cérès mais aussi quelques tableaux, Gilles Guérin et Jean Blanchard, frère de Jacques Blanchard. Charles Le Brun y avait peint le plafond de la "salle à l'Italienne".

Hesselin avait acquis la propriété d'un M. de Chantemesle. Il la possédait avant 1638, d'après la date d'une convention qu'il passa à cette époque avec l'ordre de Malte, qui, comme possesseur de la commanderie de Saint-Jean-en-l'Ile, de Corbeil, avait Chantemesle dans sa censive[2]. Israël Sylvestre nous a laissé une vue de cette maison, mais elle ne doit pas en donner une idée très exacte. Le dessin est un peu confus et laisse mal deviner la disposition de l'édifice et de ses entourages. Il ne semble pas qu'Hesselin ait été le constructeur de Chantemesle, mais il y avait fait de grands travaux.

Un jardin d'eaux avec des "machines", unanimement célébré

La gravure du domaine au début du XVIIe siècle donne la légende suivante :

"Veuë et Perspective de la Maison de Chantemesle, lieu tres curieux pour les Jardinages et Cascades d'Eaux, et du Village d'Essonne, a sept lieües de Paris sur le chemin de Fontainebleau."[3]

Dans ses Antiquités de la ville de Paris ...., Sauval écrit :

"Je laisse là Essonne ou Chantemesle, si célèbre par tant de machines dont l'inventif Hesselin s'était servi, et tout de même Courances, qu'arrosent et embellissent quantité de canaux et de jets d'eau".

Cette phrase éclaire sur l'esprit des jardins de Chantemesle, qui sont alors comparés à ceux du château de Courances, c'est à dire des jardins à canaux. Quant aux jets d'eau, ils pouvaient être assez proches de ceux que l'on trouvait dans les jardins du château de Liancourt.

John Evelyn donne un peu plus de détails dans son journal de visite :

« Nous passâmes, dit-il, à Essonne, maison appartenante M. Hesselin, un grand curieux; nous y vîmes de bons tableaux, mais rien de si remarquable que ses jardins, ses fontaines, ses bassins, surtout celui de forme triangulaire, où l'eau arrive par une quantité de mascarons disposés tout autour. Il y a aussi une belle cascade avec de jolis bains... Sous une table de marbre, il y a une fontaine dont le jet figure des serpents qui s'entrelacent autour d'un globe»[2].

Chantemesle était entouré de plusieurs rivières, et Hesselin avait établi des machines élévatoires, fournissant en abondance des eaux jaillissantes, qui jouaient un grand rôle dans ses fêtes. D'ailleurs, dans un ouvrage intitulé Les antiquitez de la ville, comte et chatelenie de Corbeil de 1647[4], il est indiqué ce qui suit sur Chantemesle :

"Chante-mesle, belle maison, située entre Essonne et S. Jean en L'Isle : elle appartient au sieur Hesselin Conseiller du Roy en ses Conseils, Maîstre d'Hostel ordinaire de Sa Maison, & de sa Chambre aux deniers, lequel se servant de la commodité de l'eau de la rivière d'Estampes qui passe au travers de ses jardins, en eslève des Fontaines & Cascades, faites par artifice non commune, lesquelles attirent les personnes les plus curieuses aux doux murmure de ses eaux & beauté des jardinages de cette Maison"[5].

L’inventaire après décès d’Hesselin (Arch. nat., MC, XX, 310), comme beaucoup d’autres, ne mentionne aucune sculpture à Chantemesle faisant partie du bâtiment ou du jardin[6].

Fêtes et réceptions : une maison "divertissante" sur la route entre Paris et Fontainebleau

Louis Hesselin y recevra notamment Christine de Suède, la Grande Mademoiselle, le Roi et la Cour, comme Carlo Vigarani, qui purent en admirer les jardins et les jeux d'eau. Hesselin était très proche de Simon Vouet.

La première fois que nous voyons Hesselin cité dans la Gazette, c'est en 1646 ; mais il n'en est certainement pas à son coup d'essai. Le 18 août, la reine d'Angleterre, accompagnée du prince de Galles, son fils, du prince Robert, son neveu, et d'une suite de près de 3oo personnes, va coucher chez Hesselin à Chantemesle. Un somptueux repas, pendant lequel des musiciens se firent entendre, fut suivi d'un bal, puis d'un ballet improvisé, qui obtint un grand succès. Enfin fut offert "Un feu d'artifice sur la rivière, que l'eau, la nuit & l'espesseur des arbres qui l'environnoyent, firent trouver bien agréable" (G, p. 766). La reine s'arrêta encore à Essonnes le 23 août, à son retour de Fontainebleau.

Deux mois après, le 4 octobre 1646 , l'ambassadeur extraordinaire de Suède, revenant de Fontainebleau, alla coucher chez Hesselin, qui le traita splendidement. Le diplomate s'était, paraît-il, bien trouvé de la réception, car, le 14 du même mois, il va de nouveau dîner chez Hesselin « dans sa belle maison de l'Isle". Ce jour là, Hesselin lui donna "le divertissement de plusieurs sortes de musique, d'un fort beau ballet, & du bal, qui fut terminé par un feu d'artifice sur la rivière" (G. p. 956).

L'année suivante, le 23 septembre 1647, c'est le landgrave de Hesse qui va à Fontainebleau dans les carrosses de la cour et qui est traité à Essonnes (chez Hesselin certainement) par les officiers du roi[7].

Au moment de la Fronde, en janvier 1649, le jeune roi quittait Paris, Hesselin en fit autant. Il paraît avoir séjourné à Essonnes, où Dubuisson prétend, d'après un faux bruit (2 février 1649) "qu'il doit héberger le duc Charles de Lorraine, en route pour se rendre à la cour. Le 18 mai 1650, il paraît avoir reçu réellement à Chantemesle la princesse douairière de Condé.

Pendant deux ans, nous sommes sans nouvelles. Pourtant quand, en mai 1653, la Cour, revenant de Fontainebleau à Paris, s'arrête pour dîner à Essonnes, il est plus que probable qu'elle y est traitée par Hesselin. En tout cas, l'année suivante, où la Gazette donne la même indication pour le 5 mai, la Muse historique de Loret nous apprend que c'est bien Hesselin qui reçoit le roi. Le chroniqueur consacre d'abord toutes les fleurs de son style au maître de la maison :

Cette ingénieuse personne / Le fameux Monsieur Hesselin.

puis à Chantemesle, qui est un :

... logis des plus plaisans / Pour le dedans et pour l'entrée / Qui soit en toute la contrée ; / Car, comme il est industrieux. / Riche, inventif et curieux, / Il ne plaint aucune dépense / Pour orner cette résidence, / Où l'on voit maintes raretez, / Tant les hyvers que les étez.

Le 28 novembre 1653, Loret consacre une quinzaine de vers à la réception somptueuse qui fut faite à Chantemesle au duc d'Épernon ; c'est une occasion nouvelle de flatter le maître de la maison :

Il traite admirablement bien, / Il exerce dame opulence, / Et je le sais d'expérience.

C'est-à-dire qu'Hesselin aimait les louanges et qu'il savait, par des procédés généreux, entretenir la verve louangeuse du chroniqueur.

A partir de mai 1655, on trouve Hesselin désigné comme "Intendant des plaisirs du roi".

Le 10 juin 1655, Laure Martinozzi, la nouvelle princesse, part pour l'Italie. A la première étape du voyage, Hesselin reçoit magnifiquement les jeunes époux « en sa belle maison de Chantemesle. »

Chantemesle joue un grand rôle cette année. Le 7 août 1655, le duc de Mantoue est traité à souper avec beaucoup de magnificence par la princesse Palatine, sa tante, « dans la belle maison du sieur Hesselin. »

En septembre, la cour s'y arrête deux fois ; la seconde, c'est un gala complet : deux tables aux frais du roi pour les plus grands personnages et une troisième à laquelle Hesselin régale tous les « seigneurs, avec une chère qui répondait entièrement à la magnificence du maître de cette divertissante maison ».

Le 25 octobre 1655, la cour dîne à Essonnes. « Son Éminence dîna aussi dans un cabinet joignant la chambre de Leurs Majestés, lesquelles, après s'être promenées en cet agréable lieu, en partirent sur les trois heures"[2]

En novembre 1655, c'est une grande Saint-Hubert. Cinquante dames et cent cavaliers prennent part à la chasse, qui est suivie d'un repas somptueux et d'un grand bal. Huit jours après, on fête encore la Saint-Martin presque aussi magnifiquement. Loret consacre 80 vers à ces deux fêtes et donne carrière à sa verve louangeuse. Hesselin, à ses yeux :

Paraît dans son palais d'Essonne Comme un petit roy sur son trône.

Le 26 décembre 1655, le duc de Modène, revenant à la cour, se repose à Essonnes, et une autre fois encore, semble-t-il, lors de son départ.

Puis les réceptions reprennent à Essonnes : le 12 mars 1656, on y voit le prince de Gonti; le 24 Juillet, c'est Mademoiselle. Celle-ci raconte à ce propos dans ses Mémoires une anecdote plaisante qui montre qu'à Chantemesle on poussait parfois un peu loin les divertissements hydrauliques. Mademoiselle venait de traverser une grotte, conduite par M. de Guise; beaucoup de courtisans suivaient à distance. Tout à coup on entend des cris, une bousculade se produit, on tombe les uns sur les autres : c'est que « l'ingénieux Hesselin » venait de faire ouvrir des Jets d'eau qui sortaient de terre dans le pavé de la grotte. Une fort grande dame, la princesse de Lixin, fut couverte de boue, eut ses habits déchirés, et on fut presque obligé de l'emporter à Corbeil, où elle alla se coucher dans un couvent. Mademoiselle rit encore en le racontant.

Le 6 septembre 1656, Hesselin reçoit la reine de Suède (voir ci-dessous).

Le 26 avril 1657, il reçoit à leur passage à Essonnes le prince et la princesse de Conti, qui prennent deux repas chez lui. Son ami Loret en profite pour conclure que le maître de la Chambre aux deniers est au mieux avec le grand maître de France, quoiqu'on ait insinué le contraire.

Le 19 août 1658, Hesselin reçoit à souper à Essonnes le couple royal, qui y dîne encore le 21 septembre 1658.

En 1661, les ballets reprennent, et c'est Hesselin qui conduit le 22 février le ballet de l'Impatience ; le 17 août, lors de la grande fête de Vaux, il prête au surintendant Fouquet le secours de sa vieille expérience.

Le 8 août 1662, Hesselin meurt dans son hôtel parisien.

6 septembre 1656 : La visite de Christine de Suède chez Hesselin à Essonnes

La visite la plus mémorable est sans doute celle du 6 septembre 1656. Louis Hesselin y reçoit la reine Christine de Suède à Essonnes[8],[9] La relation de cette fête indique que plus de deux cents personnes s'activaient en coulisse pour que tout réussisse.

La reine Christine de Suède, qui avait, on le sait, abdiqué deux ans auparavant, promenait par l'Europe son excentrique personne. Elle arrivait à Paris à petites journées et partout on la recevait avec de grands honneurs. Le 4 septembre 1656, elle couchait à Fontainebleau et le jour suivant à Chantemesle. La Gazette l'avait annoncé plusieurs jours d'avance :

"Comme Sa Majesté désire qu'on lui donne (à la reine de la Suède) tous les plus beaux et agréables divertissements, Elle a aussi ordonné au sieur Hesselin, maistre de la Chambre aux deniers et surintendant de ses plaisirs, de la traiter en sa maison d'Essonne avec toute la splendeur et magnificence possible sans oublier aucune des choses capables de contribuer à sa satisfaction. En quoy l'on ne doute point qu'il ne réussisse admirablement, dans un lieu si charmant et si délicieux, et qu'il n'enchérisse encore par-dessus tout ce que son industrie et sa politesse lui ont fait faire en des occasions semblables.»

La Gazette fit un court récit de la réception ; Loret est plus prolixe, et son récit compte plus de cent vers, mais il existe une relation[10] moins fantaisiste et quasi officielle, imprimée chez Ballard, l'éditeur privilégié des ballets. La reine arrive chez Hesselin sur les sept heures du soir.

"Elle admira surtout la beauté et la diversité des Grottes et des Fontaines si ingénieusement conduites, mesme jusque dans les appartements"[1].

Elle visite les jardins et la maison, ou elle trouve que "la splendeur et la commodité se rencontroient partout admirablement. » Mais la nuit vient ; soudain une colonne de feu paraît « au travers de mille cristaux, à l'entrée d'une chambre à l'italienne et terminée seulement par une voûte extrêmement exhaussée. Une partie de cette pièce s'ouvre, et l'on voit une grande salle pleine de monde. Hesselin paroît étonné et se jette au-devant de cette foule, mais voilà que tout disparoît, acteurs et décors. C'est maintenant une salle magnifiquement ornée mais vide, et tout à coup paroît en l'air une nuée flamboyante a pleine d'éclairs et de tonnerre » planant au-dessus des ruines d'une ville en feu.

« Ensuite parut une grotte d'une profondeur extraordinaire, au-dessus de laquelle s'élevoit une montagne de cyprès, et du haut tomboient deux rivières effectives, faisans des cascades et jets d'eau, qui se perdit et s'esloigna de la veue par une nuée qui portoit un concert... Cette nuée venant s'abaisser, on apperceut au-dessus s'approcher ]a montagne et les cascades... »

On conduisit ensuite la reine « dans une autre grotte, où elle vit tout ce que l'art peut faire de plus merveilleux par l'élévation de l'eau et par son bruit, qui fut agréablement interrompu par quantité de hautbois et de musettes. »

Une magnifique collation suivit ces divertissements, puis vint une comédie, enfin plutôt un "Ballet" puisqu'il en existe une relation, et enfin un très beau feu d'artifice tiré sur un grand canal rempli de jets d'eau aux sons d'un nombreux orchestre. La reine coucha à Chantemesle.

Le lendemain matin, ce furent de nouveaux divertissements, de la musique et des vers, et "Molière", Louis de Mollier était présent, et chanta devant la reine, ainsi que sa fille. Au dîner, un concert où figuraient les vingt-quatre violons du roi, des chants, des instruments divers. A deux heures, Christine quittait Chantemesle, « si satisfaite que l'expression qu'elle en donna au maître de la maison luy fit perdre le souvenir des peines et des fatigues qu'il avoit souffertes pour rendre toutes choses en leur perfection".

Tous ces extraits donnent une idée, non seulement du faste d'Hesselin, mais aussi de son goût ingénieux et original. Il est tel des décors imaginés par lui qu'on n'aurait certainement pu installer dans aucune des résidences royales, tandis que Chantemesle était de longue date préparé et machiné tout spécialement pour ce genre de spectacles.

La salle de la Comédie : un théâtre avec des machineries

Lors de la visite de la reine de Suède, la relation de la fête parle de "la salle de la Comédie"[11]. Hesselin avait en effet pu faire aménager une salle, où prenaient place des spectacles. Sans doute même que cette salle pouvait servir de lieu de répétitions pour les ballets représentés ensuite à la Cour à Paris ?

En 1677, le Mercure Galant relate que les enfants de Louis XIV "allerent voir la Court des Machines, d’où ils furent enlevez dans un Apartement surprenant" (voir ci-dessous la description détaillée). Cette Court des Machines semble décrire la salle de spectacle qui disposait d'une machinerie surprenante.

Après Hesselin : seconde moitié XVIIe et XVIIIe siècles

En 1668, des papiers du prieuré de Saint-Jean-en-l'Ile, de Corbeil, que la maison avait été adjugée par décret mais on ne dit pas le nom de l'acquéreur. Elle appartint successivement à Jean Dupin[12], saisi en 1684 (c'était peut-être le successeur direct d'Hesselin).

A l'automne 1677, Dupin reçoit deux des enfants du roi, dans une visite relatée par le Mercure Galant[13] :

"Enfin le Mois de Septembre s’écoula, & apres avoir gousté tant de diférens Plaisirs, & joüy de la Promenade dans quelques Maisons de plaisance des environs de Fontainebleau, la Cour en partit aussi grosse que si le Roy n’eust pas eu quatre Armées sur terre, & une cinquiéme sur mer. Monsieur le Duc de Vermandois, & Mademoiselle de Blois, qui retournoient à Versailles, s’arresterent à Essone, & disnerent dans la Maison de Mr du Pin. C’est cette belle Maison qui estoit à feu Mr Hesselin, & dont on ne peut trop admirer les Avenuës, les Cascades, & les Jets d’eau qui y sont presque infinis. Les Dames que les Vendanges y avoient attirées, se rendirent dans le Jardin, où elles salüerent ces deux jeunes & Illustres Personnes, qui furent reçeuës par Mr du Pin à la descente du Carrosse. Il avoit eu l’ordre de Monsieur Colbert, & il l’executa avec tout l’empressement & toute la joye que luy devoit causer un honneur aussi grand que celuy qu’il recevoit. On disna dans la Salle Italienne. Le Prince & la Princesse se mirent à table avec Madame Colbert ; & pendant le Repas, les Violons & les Hautbois de Paris joüerent les plus beaux Airs de l’Opéra. Apres qu’on eut disné, les Divertissemens ne manquerent pas. Le jeune Prince voulut prendre celuy d’aller à l’Escarpolete sur l’eau, & il en obtint la permission de Mr Gédoüin son Gouverneur, qui connoissant son adresse, fut assuré qu’il n’avoit aucun péril à courir. Tout le monde fut charmé de sa hardiesse, & de la grace avec laquelle il soûtint l’ébranlement de l’Escarpolete. D’autres qui crûrent la chose aisée, s’y hazarderent apres luy, & divertirent la Compagnie en tombant dans l’eau. L’heure du depart approchoit, & pour dernier Divertissement, Monsieur le Duc de Vermandois, & Mademoiselle de Blois, allerent voir la Court des Machines, d’où ils furent enlevez dans un Apartement surprenant. Ils n’en sortirent que pour se remettre en Carrosse, apres que Mr du Pin leur eut presenté de tres-beaux Fruits pour la Colation pendant le chemin."

Puis le château passa à Antoine Valban ou Dalban, sieur du Plessis, qui la vendit, en 1702, à Pierre Orceau, intéressé dans les affaires du roi ; en 1721, nouvelle vente à Louis-Alexandre Girardin, en 1723 à Pierre-Gédéon de Nolivos et Renée Gril, sa femme; en 1740, Nicolas-Louis Debeau et Jean-François Durand achetaient à leur tour des créanciers de M. de Nolivos.

Un plan vers 1700 (BNF) décrit le jardin de Chantemesle de manière différente du plan suivant de 1760 : pourrait-on penser que l'aménagement du jardin est celui qui date du temps d'Hesselin ? On trouvait face au château qui était plus grand que celui connu en photographie, un grand parterre à 4 compartiments. Un petit bois sur le côté, et des allées et pelouse là où seront plus tard visible des bois. En effet, ce plan, bien que certes schématique, est néanmoins fort juste sur l'emplacement des zones boisées et des parterres, puisque par exemple, pour la représentation du château de Petit-Bourg ou bien de Soisy, le même dessinateur a justement représenté les choses. Pour le moment il est difficile d'en savoir plus.

Le 5 juillet 1745, un immense incendie a lieu à Essonne, dans les bâtiments du moulin à poudre, situés juste en face des jardins du château. L'incendie entraîne une immense explosion dans toute la plaine de Corbeil[14]. Le château a-t-il été touché par cette explosion ? En tout cas, dans les maisons de Corbeil et d'Essonnes, "les vitres ont été cassées, les thuiles ont été emportées". Nul doute que d'importants dégâts eurent lieu.

En 1760, un plan précis de la propriété est établi, il est aquarellé (AN). Il permet de comprendre l'aménagement général du domaine au XVIIIe siècle, mais ne permet pas de bien comprendre l'aspect de Chantemesle au temps de Hesselin, vers 1650, plus de cent ans auparavant. En effet, les machineries liées aux jets d'eau devaient être trop fragiles pour être conservées plus d'un siècle.

Fin du XVIIIe et XIX siècles : Oberkampf, la filature de coton et ateliers de tissage

D'après le Dictionnaire topographique d'Oudiette, il y avait, en 1816, à Chantemesle (alors Chantemerle) une filature de coton et un atelier de tissage, fondés par Oberkampf. Il s'agissait d'une succursale de la grande manufacture de Jouy-en-Josas.

Naturalisé français en 1770, Christophe-Philippe Oberkampf est issu d'une famille de teinturiers. En 1760, il s'est installé à Jouy-en-Josas pour créer la première manufacture française de tissus imprimés et c'est le premier mai de cette même année que la première toile dite de Jouy a vu le jour. Neuf ans plus tard, en 1769, le manufacturier achète, pour le compte de son frère Frédéric, un terrain et des locaux situés avenue de Chantemerle, à Essonnes. C'est là que sera créée l'usine dénommée l'Indienne[15].

En 1810, la direction de la filature d'Essonnes et l'atelier de tissage de Chantemerle avait été confiés à Louis Féray, le propre gendre de Christophe-Philippe Oberkampf. Ce dernier s'est éteint le 4 octobre 1815, dans sa maison de Jouy-en-Josas qui est devenue, par la suite, l'actuelle mairie de la charmante commune des Yvelines. Le manufacturier avait alors soixante-dix-sept ans et avait consacré cinquante-cinq années de sa vie à sa passion pour les toiles peintes[15].

XXe siècle : un domaine totalement disparu et urbanisé

Il ne reste que peu de vestiges de la propriété[16]. On trouve encore une partie de l'ancienne entrée du domaine, sur la route de Paris à Fontainebleau (un pilier et une petite porte en pierre). De même il reste encore une pièce d'eau réaménagée dans le parc Dalimier (ancien bout du grand canal). Et puis les canaux autour de l'ancien jardin sont conservés. Mais tout le reste a été loti et urbanisé. L'actuel parc de Chantermerle était voisin du château disparu. La superposition du plan du jardin vers 1760 et l'état actuel permet de mieux se repérer sur les anciens emplacements du château, du grand canal, du potager, de l'entrée et du jardin côté Corbeil.

Annexes

Notes

  1. Aujourd’hui, ce lieu s’appelle le parc Chantemerle à Corbeil-Essonnes (91100). Le château ainsi que les jardins n’existent plus.
  2. https://archive.org/stream/mmoires22sociuoft/mmoires22sociuoft_djvu.txt
  3. « Veuë et Perspective de la Maison de Chantemesle. par Israël Silvestre », sur silvestre.fr (consulté le ).
  4. https://www.europeana.eu/fr/item/9200332/ABO__2BZ17546630X
  5. https://viewer.onb.ac.at/107DB52F
  6. « jean bologne et les jardins d'henri iv. », Bulletin monumental, vol. 174, no 3,‎ 2016. (lire en ligne, consulté le ).
  7. Gazette du 12 octobre 1647.
  8. Christout, Marie-Françoise, « Réception offerte le 6 septembre 1636 à Essonnes à la reine Christine de Suède », Cahiers de l'AIEF, Persée, vol. 9, no 1,‎ , p. 22–43 (DOI 10.3406/caief.1957.2097, lire en ligne, consulté le ).
  9. « Relation de ce qui s'est passé à l'arrivée de la reine Christine de Suède, à Essaune en la maison de Monsieur Hesselin . Ensemble la description… », sur Gallica, (consulté le ).
  10. I . Relation de ce qui s'est passé à l'arrivée de la reine Christine de Suède à Essaune...; ensemble la description particulière du ballet... et un panégyrique latin sur l'entrée de cette princesse à Paris... Paris, Robert Ballard, 1656, in-4°. Il n'existe, je crois, que deux exemplaires connus de cette curieuse plaquette, l'un à la Bibliothèque nationale et l'autre à l'Arsenal. La relation a 12 pages, le ballet 8 et le panégyrique 16. M. Victor Fournel en a donné des extraits {Contemporains de Molière, t. II, p. 211).
  11. « Relation de ce qui s'est passé à l'arrivée de la reine Christine de Suède, à Essaune en la maison de Monsieur Hesselin . Ensemble la description… », sur Gallica, (consulté le ).
  12. Un sieur Dupin avait acquis une des trois charges de maître de la Chambre aux deniers possédées par Hesselin, mais on ne sait son prénom.
  13. Reception faite à Essone à Monsieur le Duc de Vermandois, & à Mademoiselle de Blois, par M. du Pin, Le Nouveau Mercure galant, octobre 1677 (tome VIII), p. 250-254.
  14. https://www.europeana.eu/fr/item/794/ark__12148_btv1b8601189z?page=1
  15. http://corbeil.essonnes.free.fr/Oberkampf.htm
  16. « CHANTEMERLE d'hier à aujourd'hui », sur Association Mémoire et Patrimoine Vivant (consulté le ).
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