Boycott universitaire d'Israël

Les boycotts académiques d'Israël sont des actions mises en œuvre par certains universitaires pour le boycott d'Israël.

Angleterre

L'idée d'une campagne européenne de boycott universitaire et culturel a émergé en Angleterre suite à une lettre ouverte à l'initiative de Hilary et Steven P. Rose le 6 avril 2002[1] signée par 125 universitaires et 23 artistes et écrivains et publiée par The Guardian[2].

Ils appellent à la suspension de la collaboration des universités et des organismes de recherche européens avec Israël[1],[3]. Cet appel à un moratoire (Israel academic moratorium call) est suivi d'autres initiatives similaires : l'appel signé par Colin Blakemore (en) et Richard Dawkins et ceux de l'AUT (en) ou du Natfhe (en) (à tel point que l'expression academic boycott of Israel s'impose).

Le 6 juin 2002, Mona Baker, professeur en traductologie à l'université de Manchester, révoque du comité éditorial de deux revues, à faible tirage, dont elle est l'éditrice (resp. : Translation Studies Abstracts et The Translator) deux universitaires israéliens, le Dr Miriam Shlesinger de l'Université Bar-Ilan et le Prof. Gideon Toury de l'Université de Tel Aviv. En réponse à la critique de Tony Blair, Mona Baker s'exprime au Daily Telegraph et la lettre s'allonge de 700 signatures dont dix d'universitaires israéliens[4], des universitaires britanniques[Qui ?][5], canadiens[6], américain[7] ou libanais[Qui ?][8],[9].

Le , lors d'une réunion abordant différentes questions relatives tant à la politique intérieure qu'extérieure, le Conseil de l'AUT adopte cinq motions concernant la Palestine. S'appuyant explicitement sur l'appel des universitaires palestiniens de 2004, tout en faisant référence à des faits précis, l'AUT vote pour le boycott de deux universités israéliennes, les universités de Haïfa et Bar-Ilan (l'AUT conditionnant par ailleurs une décision de boycott de l'université de Jérusalem aux résultats d'une enquête)[10],[11],[12]. Le Conseil de l'AUT fait valoir que l'université de Bar-Ilan organise des cours dans les universités de la Cisjordanie (à l'université d'Ariel) et qu'elle « est ainsi directement impliquée dans l'occupation des territoires palestiniens contraire aux résolutions des Nations unies » ; La prise de position de l'AUT concernant Haïfa est motivée par des pressions exercées sur le Pr Ilan Pappé et un de ses étudiants, Teddy Katz[13].

À la suite d'une campagne vigoureuse, l'AUT revient sur sa décision le 26 mai suivant. En 2007, toutefois, la question ressurgira ; l'UCU, qui a entre-temps absorbé l'AUT, adoptera le une motion appelant à débattre de la question du boycott au sein des différentes fédérations du syndicat ; cette motion, qui prévoit d'organiser un débat contradictoire et équilibré[14], suscitera un vive polémique et un retentissement international[15],[16].

Irlande

En Irlande, l'appel au boycott est visible d'Israël depuis au moins [17]. À la suite des manifestations de janvier 2009 appelant au boycott[18], l’Irish Times a publié une lettre ouverte le [19] puis le samedi a publié, en page 5, un "appel irlandais pour une justice en Palestine" recueillant environ 300 signataires, dont des députés, des sénateurs, des leaders politiques (dont Gerry Adams et Tony Benn), des dirigeants de syndicats, des professeurs et des artistes[20].

Israël

Si quelques universitaires israéliens apportent leur signature à ces initiatives, celles-ci ne recueillent quasiment pas de soutien en Israël.

États-Unis

Aux États-Unis, le , plusieurs centaines d'étudiants issus de mouvements de solidarités avec la Palestine se réunissent à l'Université du Michigan tandis que des pétitions appelant les universités à se désinvestir circulent à Harvard, au MIT, à Princeton, à l'Université de Michigan, à l'Université du Texas (Austin) et à Berkeley. Samuel G. Freedman, qui rapporte ces faits dans USA Today, met sérieusement en doute les déclarations pacifiques des acteurs à l'origine de cet évènement pourtant formé sous le slogan For Peace, For Justice : il pointe notamment le refus des acteurs à condamner explicitement la violence terroriste et rappelle que ce mouvement coïncide avec une recrudescence d'actions et de propos antisémites incitant 300 présidents d'universités à publier une lettre ouverte demandant que soient interdits sur les campus ces débats confinant à « l'intimidation et à la haine »[21].

Aux États-Unis, l'appel au boycott d’Israël conduit par l'American Studies Association (en), à laquelle, selon le Jerusalem Post « sont vaguement affiliés des départements universitaires et des professeurs indépendants se consacrant dans l’étude des États-Unis » a rencontré l'opposition de trois douzaines d’universités dont l'Université Yale, l'Université Wesleyenne, l'Université de Princeton, l'Université Johns-Hopkins, l'Université Cornell, l'Université Duke, l'Université Stanford, l'Université Harvard, l'Université Brown, l'Université de Chicago, l'Université de New York, l'Université Washington de Saint-Louis entre autres. Le comité exécutif de l'Association des universités américaines qui représente 60 universités américaines et 2 canadiennes a lui aussi rejeté l'appel au boycott d’Israël[22].

France

En avril 2002, au même moment de la publication de la lettre ouverte dans The Guardian, la Coordination des Scientifiques pour une Paix Juste au Proche-Orient, un groupe d'universitaires français, a publié un « Appel au boycott des institutions scientifiques israéliennes »[23] sur l'internet. L'appel, en français et en anglais, a insisté sur le fait que seules les « institutions officielles israéliennes » étaient visées, et que le « boycott ne remet pas en cause [les] relations personnelles avec des collègues israéliens » ; il a été signé par plusieurs centaines d'universitaires de 30 pays. Dans les mois qui ont suivi sa publication il a fait l'objet d'un débat dans la presse française[24],[25] et dans les revues scientifiques[26],[27],[28].

En , une motion proposée au conseil d'administration de l'Université Paris 6 (Pierre et Marie Curie) vise à « ne pas renouveler l'accord d'association avec Israël ». La motion s'appuie sur les discriminations faites aux collègues palestiniens et au respect de l'article 2 de ce même accord : « les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de l'Homme et des principes démocratiques qui inspire leurs politiques internes et internationales et qui constitue un élément essentiel du présent accord ». Au contraire d'un boycott, la motion demande même que le président de l'université noue des contacts avec les autorités universitaires israéliennes et palestiniennes afin d'œuvrer dans le sens de la paix... La motion est donc adoptée le par 22 voix pour, 4 voix contre et 6 abstentions[29],[30].

Quelques centaines de manifestants rassemblés par l'Union des étudiants juifs de France sur le campus protestent contre la motion le 6 janvier 2003. Parmi eux se trouvent le philosophe Alain Finkielkraut, les journalistes Alexandre Adler et Anne Sinclair, les députés Dominique Strauss-Kahn et Pierre Lellouche. Des intervenants, dont Bernard-Henri Lévy, s'y expriment, appelant à la neutralité politique de l'institution universitaire. D'autres personnalités vont exprimer leur opposition à la motion, dont le maire de Paris Bertrand Delanoë qui dans un message juge le texte « choquant », l'ex-ministre Jack Lang et l'écrivain Claude Lanzmann, qui rappelle le boycott des commerces juifs dans les années 1930[31].

Une contre-motion sera proposée et votée dès le par des conseillers : elle déclare « mesurer la vague d'émotion par sa motion du et par la lecture qui en a été faite » et affirme « son opposition à tout moratoire ou boycott dans les relations entre universités et universitaires ; demande que dans le cadre de la préparation de son sixième programme-cadre de recherche et de développement, le contrat d'association entre l'Union européenne et l'État d'Israël soit renégocié pour être étendu à la partie palestinienne (…), demande à l'Union européenne de veiller au respect par toutes les parties de l'ensemble des clauses du contrat (…) »[32],[33].

En , un appel au boycott académique en France est publié sur le net[34] et possède une cinquantaine de signatures dont celles de Daniel Bensaïd, Gérard Toulouse de l'Académie des sciences, coauteur en 2003 de Les scientifiques et les droits de l'homme avec Lydie Koch-Miramond également signataire et défenseur dès 2002 du boycott d'Israël, Mireille Fanon-Mendès-France une collaboratrice parlementaire, et Roland Lombard président du Collectif Interuniversitaire pour la Coopération avec les Universités Palestiniennes[35]. Ils appellent « en premier lieu [à] appliquer un programme de boycott, de cessation des investissements et de sanctions. » (campagne BDS) à la suite de la mise en place de la Campagne BDS France[36].

Au printemps 2009, l'Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine (AURDIP[37]) a été créée par le groupe d'universitaires qui a initié l'appel de 2002, en liaison avec la Campagne Palestinienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël PACBI et avec l’organisation britannique BRICUP. L’AURDIP s’est donnée deux missions principales : (1) Promouvoir l’application du droit international en Israël et Palestine, et notamment s’opposer à l’occupation des territoires palestiniens par Israël et à la colonisation, qui bafouent impunément les conventions internationales sur les droits de l’homme, les résolutions des Nations unies et les décisions de la Cour Internationale de Justice. (2) Défendre le droit à l’éducation des Palestiniens, et soutenir le personnel et les étudiants des universités palestiniennes dans la défense de ce droit[38].

Suisse

Le 2 mai 2024, des activistes pro-palestiniens ont lancé une occupation dans un des bâtiments de l’université de Lausanne afin d’exiger un boycott académique des universités israéliennes [39]. 5 jours après, un mouvement similaire à surgit au sein de l’université de Genève [40].

Notes et références

  1. (en) Open Letter: More pressure for Mid East peace, proposée par Steven and Hilary Rose, professeurs de biologie à l'Open University et à l'Université de Bradford, publiée par The Guardian, .
  2. British academic boycott of Israel gathers pace, The Guardian, December 12 2002, accessed September 16 2006
  3. (en) British academic boycott of Israel gathers pace, The Guardian, December 12 2002, accessed September 16 2006.
  4. Suzanne Goldenberg, Will Woodward, Israeli boycott divides academics, Guardian, July 8 2002
  5. Growing outrage at the killings in Gaza Lettre publiée par The Guardian, 16 janvier 2009
  6. (en) 7 janvier 2009, Ontario - Academic boycott of Israel? par Uzma Khan dans The Concordian, 2 mai 2008, québec
  7. A British boycott in America, Haaretz, 2007]
  8. Academic Statement from Lebanon, Rania Masri, 18 janvier 2009
  9. Apartheid and boycotts in the Middle East, lettre ouverte signée de Jews for Boycotting Israel Goods, Guardian, April 2007
  10. (en) « Report to members from the AUT national council », sur kcl.ac.uk (consulté le ).
  11. Polly Curtis, Matthew Taylor and Conal Urquhart, Lecturers vote to boycott Israeli universities, The Guardian, Saturday 23 April 2005 https://www.theguardian.com/uk/2005/apr/23/internationaleducationnews.highereducation
  12. (en) Polly Curtis, Lecturers vote for Israeli boycott, The Guardian, Saturday 23 April 2005 https://www.theguardian.com/uk/2005/apr/23/internationaleducationnews.highereducation
  13. (en) Ilan Pappe, Back the boycott, The Guardian, Tuesday 24 May 2005 https://www.theguardian.com/education/2005/may/24/highereducation.internationaleducationnews
  14. « UCU31 », sur ucu.org.uk (consulté le ).
  15. (en) Ghada Karmi, Weapon of the weak, Haaretz, Jul. 13, 2007 http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/weapon-of-the-weak-1.225465
  16. Matthew Taylor, Suzanne Goldenberg and Rory McCarthy, « 'We will isolate them' British academics' desire to boycott Israeli universities this week provoked the threat of legal action and counter-boycotts. Will it produce a fully-fledged international crisis? », The Guardian, Saturday 9 June 2007.
  17. Irish lecturers call on EU to boycott Israeli universities, Haaretz, 24 septembre 2006
  18. Calls for boycott of Israel at Dublin protest 17 janvier 2009. Voir les articles du 8, 9, 10, 14, 17 et 21 janvier
  19. Israeli offensive in Gaza, 23 janvier 2009
  20. Appel irlandais, .
    Source: PACBI & ei
  21. (en) Samuel G. Freedman, « Divestment movement undercuts Israel », USA Today, October 28 2002.
  22. (en)http://www.jpost.com/International/Top-US-schools-reject-boycott-of-Israel-336022
  23. « Appel au boycott des institutions scientifiques israéliennes », sur Coordination des Scientifiques pour une Paix Juste au Proche-Orient, (consulté le )
  24. « Verbatim : "Les échanges scientifiques ne sont pas exempts de politique" », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. « Le boycottage des cerveaux et produits israéliens », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (en) « Don't boycott Israel's scientists », Nature, vol. 417, no 6884,‎ , p. 1–1 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/417001a, lire en ligne, consulté le )
  27. (en) Ahmed Abbes, Mikhael Balabane, Emmanuel Farjoun et Michael Harris, « Palestinian scientists are already restricted », Nature, vol. 417, no 6886,‎ , p. 221–222 (ISSN 1476-4687, DOI 10.1038/417221c, lire en ligne, consulté le )
  28. (en) Vivian Baladi, Ivar Ekeland, Michael Harris, « Universities under Curfew », sur Notices of the AMS, (consulté le )
  29. « Magazine Digital », sur L'Obs (consulté le )
  30. « Le boycott des universites israeliennes est un boycott de la paix ! », sur La Paix Maintenant - Les Amis de Shalom Arshav, (consulté le )
  31. Bernard Delattre, « Israël enflamme les campus parisiens », sur La Libre.be, (consulté le )
  32. Article du Monde
  33. "Quand l'université se réveille: Tout devient possible", Livre de Gilbert Béréziat, p 86
  34. « Il faut mettre fin à l'impunité d'Israël », sur L'Humanité, (consulté le )
  35. Cicup
  36. La Campagne BDS France
  37. AURDIP
  38. « Objectifs de l'AURDIP - AURDIP », sur www.aurdip.org (consulté le )
  39. « Les activistes pro-palestiniens autorisés à occuper un bâtiment de l'Unil »
  40. « l’UNIGE occupé »

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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