Bataille de Soueïda

Bataille de Soueïda
Membres du Département de la sécurité générale dans le gouvernorat de Soueïda, le .
Informations générales
Date -
Lieu Gouvernorat de Soueïda, Syrie
Issue Cessez-le-feu
Belligérants
République arabe syrienne
Tribus bédouines
Commandants
Ahmed al-Charaa
Mourhaf Abou Qasra
Ali Noureddine al-Naasan (en)
Anas Khattab
Moammar Ibrahim
Hikmat al-Hijri
Benyamin Netanyahou
Israel Katz
Forces en présence
Inconnues Inconnues
Pertes

484 morts au moins[1]
Plusieurs chars T-72 détruits[3]

533 morts au moins[1]


Aucune
Civils :
362 morts au moins[1]
128 000 déplacés[2]

Guerre civile syrienne
Insurrection syrienne (2024-présent)

Batailles

Coordonnées 32° 42′ 00″ nord, 36° 34′ 00″ est
Géolocalisation sur la carte : Syrie

La bataille de Soueïda se déroule du au 19 juillet 2025, pendant les troubles communautaires qui suivent la guerre civile syrienne. Les affrontements débutent le dans le gouvernorat de Soueïda avec des affrontements entre Druzes et Bédouins. Le 14, l'armée syrienne intervient pour rétablir l'ordre, mais est durement prise à partie sans parvenir à obtenir une trêve tandis que certains soldats se rallient aux Bédouins. Le 15, l'aviation israélienne intervient à son tour en menant plusieurs frappes en soutien aux milices druzes. Le , l'armée syrienne se retire de Soueïda après la conclusion d'un accord qui laisse le contrôle de la région aux milices druzes. Malgré l'accord, les Bédouins reprennent l'offensive et un deuxième cessez-le-feu est annoncé le .

Déroulement

Combats entre Bédouins et Druzes

Le , des affrontements éclatent dans la ville de Soueïda entre des tribus bédouines et des milices druzes[4], à la suite de l'enlèvement d'un commerçant druze par des Bédouins[5],[6]. Les affrontements débutent dans le quartier bédouin d'al-Maqous, l'est de Soueïda, puis se propagent dans plusieurs villages au nord et à l'ouest de la ville[7].

Le gouvernement syrien réagit alors en annonçant le déploiement de l'armée afin de rétablir l'ordre[5]. Cependant, les militaires sont attaqués par des miliciens druzes qui leur tuent 18 hommes[8]. Une partie des forces gouvernementales se range alors du côté des Bédouins pour affronter les miliciens druzes[9],[5],[10],[6],[11]. Le , l'armée s'empare de la petite ville d'al-Mazraa, au nord-ouest de Soueïda[7].

Intervention de l'armée syrienne

Le matin du , le ministre syrien de la Défense annonce un « cessez-le-feu total » à Soueïda[12],[13]. À la suite d'un accord avec les principaux notables druzes, l'armée syrienne entre dans la ville et impose le couvre-feu[12],[14],[7].

Cependant, les violences se poursuivent et des exactions sont commises par les différentes parties[6],[13]. Des exécutions sommaires, des pillages et des incendies de maisons et de magasins sont commis par les forces du nouveau régime à Soueïda, à al-Mazraa et dans différents villages[15],[14],[13]. À Soueïda, des habitants sunnites sont également la cible d'exactions de la part de miliciens druzes : des réfugiés dénoncent notamment des tirs de snipers et d'artillerie, ainsi que les pillages et les incendies de plusieurs de leurs habitations[13]. Des civils des villages alentour viennent également participer à des pillages[14].

Un des principaux dirigeants druzes, le cheikh Hikmat al-Hijri, chef du conseil militaire de Soueïda, fait alors volte-face en accusant le gouvernement d'avoir violé l'accord par « le bombardement indiscriminé de civils non armés » et appelle dans un communiqué, à « faire face à la campagne barbare » des forces gouvernementales[12],[13],[16]. Cependant d'autres dirigeants druzes, plus proches du gouvernement de Damas, poursuivent les négociations, notamment Laith al-Balous (en), chef de la milice cheikh Al-Karama (en), présent à al-Mazraa, et Suleiman Abdel Baqi, chef de la brigade Ahrar Jabal Al-Arab[6],[13],[7],[8].

Intervention d'Israël

Israël intervient alors en soutien aux Druzes et bombarde plusieurs chars de l'armée syrienne, faisant plusieurs dizaines de morts parmi les soldats syriens[5],[13]. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu déclare : « Notre but est de maintenir le sud-ouest du territoire syrien en tant que zone démilitarisée. Nous ne permettrons pas l'établissement d'un second Liban dans ce secteur »[17]. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, déclare quant à lui dans le même communiqué : « Comme nous l'avons clairement indiqué et averti, Israël n'abandonnera pas les Druzes en Syrie et imposera la politique de démilitarisation »[10],[6],[18]. Certaines factions armées druzes opposées à Damas affichent leur proximité avec Israël, mais d'autres s'opposent à son intervention[13].

L'armée syrienne se retire alors de Soueïda qui repasse en bonne partie aux mains des miliciens druzes le soir du [13]. Les combats reprennent pendant la nuit, tandis que le gouvernement envoie de nouveaux renforts à Soueïda[13].

À Damas, le , l'entrée du quartier général de l'armée syrienne est touchée par une frappe israélienne[17],[18]. D'autres frappes sont ensuite menées près du palais présidentiel, dans les environs de l'aéroport militaire de Mezzeh, l'autoroute Damas-Deraa, ainsi qu'à Soueïda pour la troisième journée consécutive[19].

Aux premières heures du , des frappes aériennes israéliennes sont signalées sur le quartier général de la 107e brigade dans la campagne sud de Jablé, dans le gouvernorat de Lattaquié[20].

Premier accord de cessez-le-feu

Le , au matin, Ahmed al-Charaa annonce la conclusion d'un accord avec les dirigeants druzes en évoquant « la nécessité d'éviter de sombrer dans une nouvelle guerre de grande ampleur »[19],[21]. Il déclare alors : « Nous avons décidé que des factions locales et des cheikhs avisés assumeraient la responsabilité du maintien de la sécurité à Soueïda. […] Nous avions deux options : une guerre ouverte avec l'entité israélienne aux dépens de notre peuple druze, de sa sécurité et de la stabilité de la Syrie et de la région tout entière, ou bien donner aux anciens et aux cheikhs druzes la possibilité de revenir à la raison et de donner la priorité à l'intérêt national »[19],[21]. Il promet de faire « rendre des comptes » aux auteurs d'exactions contre les Druzes, dénonce l'intervention israélienne qui a « poussé les choses à une escalade à grande échelle » et salue « l'intervention efficace de la médiation américaine, arabe et turque, qui a sauvé la région d'un sort inconnu »[19],[21].

Reprises des combats

Le , le redéploiement des milices druzes à Soueïda et dans les villages alentour s'accompagne d'exactions et de représailles contre des membres de la communauté bédouine[15]. En fin d'après-midi, les combattants bédouins repassent à l'offensive, en dépit du cessez-le-feu[15],[22]. Un commandant bédouin local déclare à l'agence Reuters que l'accord ne s'applique qu'aux forces gouvernementales, et non aux tribus bédouines armées[22],[23]. Des combattants de plusieurs tribus arabes sunnites affluent de différentes régions syriennes pour prêter main-forte aux Bédouins[24]. Au cours de la journée du , des affrontements opposent les combattants bédouins aux groupes druzes à l'une des entrées de la ville de Soueïda[24].

Deuxième accord de cessez-le-feu

Le soir du , la Syrie et Israël s'entendent sur un cessez-le-feu sous l'égide des États-Unis[11]. Dans la soirée, la présidence syrienne annonce l'envoi d'une « force spéciale » dans le sud du pays afin de « mettre fin aux affrontements » et exhorte « toutes les parties à faire preuve de retenue et à privilégier la raison »[11],[24].

Le 19, au matin, le ministère de l'Intérieur assure que la ville a été « évacuée de tous les combattants tribaux »[2]. Les forces de sécurité barrent les routes menant à la province afin d'empêcher l'arrivée de combattants tribaux[2],[9].

Un premier convoi d'aide humanitaire du Croissant-Rouge entre dans la ville, alors privée d'eau et d'électricité[2].

Suites

Le 3 août, des factions druzes lancent une attaque sur la colline stratégique de Tell Hadid (ouest de Soueida), planifiée depuis un certain temps. Elles ont également profité de l'absence des troupes du ministère de la Défense et du retrait de la majorité des combattants tribaux à la suite de la bataille de Soueida. Quelques jours auparavant, une vidéo les montrant en train de surveiller les forces de sécurité déployées sur la colline a été diffusée. Plus tard dans la journée, les combattants tribaux reprennent la colline aux druzes.

Bilan humain

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), le bilan est, à la date du , d'au moins 1 386 morts, dont 533 combattants druzes, 469 membres des forces gouvernementales tués au combat, dont 40 Bédouins, 15 membres des forces gouvernementales tués dans des bombardements israéliens, 124 civils, dont 24 femmes et 10 enfants[Quoi ?], 238 personnes, dont 30 femmes et huit enfants, exécutées sommairement par les forces gouvernementales et trois Bédouins, dont une femme et un enfant, exécutés par les Druzes[1].

Le , l'hôpital gouvernemental de Soueïda déclare avoir accueilli plus de 400 corps, dont ceux de femmes, d'enfants et de personnes âgées depuis la matinée du [11].

Selon le ministère de la santé syrien, les frappes israéliennes dans la région de Damas font trois morts et 34 blessés[19]. Pour l'OSDH, ces frappes causent la mort de trois civils, dont une femme[25].

À la date du , les affrontements ont également fait plus de 128 000 déplacés d'après l'Organisation internationale pour les migrations (OIM)[2].

Conséquences

Selon la journaliste Hélène Sallon, envoyée spéciale du Monde : « Le président de transition, Ahmed Al-Charaa, sort affaibli de son bras de fer avec la direction druze et Israël, intervenu en faveur de cette minorité religieuse. Il a non seulement échoué à restaurer la souveraineté de Damas sur ce territoire, mais également à s’ériger en figure protectrice et unificatrice entre des communautés déchirées par quatorze ans de guerre civile »[9].

Vidéographie

Notes et références

  1. (ar) « 238 ضحية إعدام ميداني في 8 أيام.. المرصد السوري يوثق مقتل 1386 شخص في حصيلة جديدة للخسائر البشرية في السويداء », sur OSDH,‎ .
  2. En Syrie, les combats ont cessé à Souweïda, selon les autorités, Le Monde avec AFP, .
  3. (en) « IDF publishes footage of strikes against Syrian tanks », sur The Times of Israel (consulté le ).
  4. « Syrie: des affrontements à Soueïda, ville à majorité druze, font 37 morts », sur RFI, .
  5. Syrie: des combats entre druzes et bédouins font 89 morts, selon l'OSDH, RFI, .
  6. Hala Kodmani, En Syrie, le jeu trouble du nouveau pouvoir face à l’embrasement de la région druze de Sweida, Libération, .
  7. Hélène Sallon, L’armée syrienne entre dans le fief druze de Souweïda, Le Monde, .
  8. [vidéo] Syrie : la situation à Soueïda pose un défi sécuritaire et politique à Damas, France 24, .
  9. Syrie : Ahmed Al-Charaa affaibli par la bataille de Souweïda, Le Monde, .
  10. Syrie : plus de 240 morts dans le sud, Israël menace de nouvelles frappes pour protéger les Druzes, France 24 avec AFP, .
  11. Israël et la Syrie s'accordent sur un cessez-le-feu, Le Figaro avec AFP, .
  12. Syrie: des frappes israéliennes sur Soueïda, malgré un cessez-le-feu annoncé, RFI, .
  13. Hélène Sallon, En Syrie, l’intervention d’Israël dans la bataille de Souweïda, Le Monde, .
  14. Syrie: Soueïda meurtrie par les combats entre communautés et les bombardements israéliens, RFI, .
  15. Hélène Sallon, Syrie : dans la ville druze de Souweïda, un cycle de vengeances, Le Monde, .
  16. En Syrie, Israël bombarde les forces gouvernementales dans une ville druze, Le Monde avec AFP, .
  17. La Syrie de nouveau ciblée par des frappes dans la nuit, Israël multiplie les mises en garde, RFI, .
  18. En bombardant Damas, Israël impose ses lignes rouges au nouveau pouvoir syrien, Le Monde, .
  19. En Syrie, le pouvoir transfère le contrôle de la ville de Souweïda aux « factions » druzes après les bombardements israéliens, Le Monde avec AFP, .
  20. (ar) بوابة الوسط, « قصف إسرائيلي عنيف على مقر «اللواء 107» في ريف جبلة السورية », sur alwasat.ly (ar),‎ (consulté le ).
  21. Syrie: Ahmed al-Charaa annonce transférer aux Druzes le maintien de la sécurité à Soueïda, RFI avec AFP, .
  22. Nouvelle offensive des combattants bédouins à Soueida, L'Orient-Le Jour avec AFP, .
  23. (en) Reuters, « Syria's Sharaa vows to protect Druze rights as ceasefire holds », sur Reuters, (consulté le ).
  24. Syrie : nouveaux affrontements entre combattants tribaux et druzes aux portes de Soueïda, France 24 avec AFP, .
  25. (en) « Escalation in Al-Suwaidaa reaches an end | Military and security forces withdraw after having committed blatant violations and massacres », sur OSDH, .
  • Portail de l’histoire militaire
  • Portail de la Syrie
  • Portail des années 2020
  • Portail de l'insurrection
  • Portail d’Israël
  • Portail du conflit israélo-arabe