Bataille de Bar

Bataille de Bar
Le prince Stefan Vojislav conduisant ses troupes contre les Byzantins
Informations générales
Date 1042 ou 1043[1]
Lieu Bar (Dioclée - aujourd’hui au Montenégro)
Casus belli Tentative de Constantin IX Monomaque de reprendre le contrôle des thèmes près de Dyrrachium
Issue Victoire décisive de Stefan Vojislav qui affirme son indépendance face à Constantinople
Changements territoriaux Dioclée
Belligérants
Principauté de Dioclée Empire byzantin
Commandants
Stefan Vojislav Michael Anastasii, Curcilius, Ljutovid de Zachlumie
Forces en présence
inconnue environ 60 000
Pertes
basses 14 000 tués dont 7 strategoi

Épisode des guerres byzantino-serbes

La bataille de Bar (en cyrillique serbe : Битка код Бара [Bitka kod Bara]) est une bataille ayant lieu en 1042 ou 1043[1],[2] entre l’armée de Stefan Vojislav, souverain de la Dioclée, et les forces byzantines sous le commandement du gouverneur (doux) de Dyrrachium, Michel Anastasii, accompagné de seigneurs locaux.

Elle se déroule dans les cols de montagnes situés entre Bar et Crmnica sur la côte du Monténégro et se termine par la défaite complète des forces byzantines. Après le retrait de ces forces de la région, Vojislav affirme son indépendance face à Byzance[3] et bientôt la Dioclée deviendra la principauté serbe la plus importante de la région[4].

Contexte historique

Après la mort du prince serbe Časlav Klonimirović vers 960, la Rascie (correspondant plus ou moins à l’ensemble Serbie, Bosnie-Herzégovine et Monténégro d’aujourd’hui) s’était scindée en plusieurs principautés dont la Dioclée (forme serbe du mot Diocléia, près de l’actuelle Podgorica aussi appelée Zéta), la Zachlumie (aujourd’hui en Herzégovine, B.-H.) et la Trébinie (à la frontière entre la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et le Monténégro). Pendant qu’il était occupé en Asie mineure, l’empereur byzantin Basile II (r. 960 - 1025) était entré en négociations avec différents župans ou comtes des Balkans dont Jovan Vladimir de Dioclée et Stjepan Držlav de Croatie. Il cherchait des alliés dans cette région pour poursuivre la lutte contre Samuel de Bulgarie (r. 997 - 1014).

Après la mort de Basile II en 1025, l’influence de l’Empire byzantin diminua dans les Balkans, donnant naissance à divers mouvements d’autonomie régionale. L’Empire byzantin tenta tant bien que mal de maintenir son autorité dans la région grâce à ses représentants (strategoi) de Niš (sud de la Serbie actuelle), Skopje (Macédoine du Nord), Raguse (aujourd’hui Dubrovnik en Croatie) et Dyrrachium (aujourd’hui Durrës en Albanie)[5].

Stefan Vojislav prit le pouvoir peu après 1018[6]. Profitant de la mort de Romain III Argyre (r. 1028 - 1034), il monta une révolte qui fut vite réprimée; lui-même fut fait prisonnier et conduit à Constantinople en 1035/1036; son État fut mis en tutelle sous la responsabilité du strategos du thème de Serbie[7]. Vers le fin de 1037 ou au début de 1038, il s’échappa de prison, réussit à regagner la Dioclée où il organisa une nouvelle rébellion attaquant principalement les seigneurs serbes de la région alliés aux Byzantins[6],[2].

Les causes de la guerre

Il existe deux versions des circonstances qui menèrent à cette deuxième révolte de Stefan Vojislav contre Byzance. La première est celle d’un contemporain des évènements, Jean Skylitzès; la deuxième, celle d’un texte du XIVe siècle, intitulé Chronique du prêtre de Dioclée[N 1].

Selon Skylitzès, après qu’il se fut échappé de prison à Constantinople en 1039[8], Vojislav commença à étendre son contrôle sur les districts byzantins de la région, y compris le thème de Serbie dont dépendait la Dioclée et parvint à chasser le strategos (gouverneur), Theophilos Erotikos. La même année, un navire byzantin contenant un chargement de 7 200 nomismata d’or en provenance des provinces byzantines du sud de l’Italie s’échoua sur les côtes de la Dioclée. Vojislav s’empara du trésor et refusa de le renvoyer à son propriétaire, Michel IV le Paphlagonien (r. 1034 - 1041). Furieux, l’empereur byzantin, qui avait déjà reconquis Dyrrachium, envoya le général Georges Probatas récupérer son bien l’année suivante, mais peu familière avec les régions montagneuses de la région, cette armée fut complètement détruite[8],[9]. Pendant les trois années suivantes l’attention de Constantinople fut détournée par la révolte de Pierre Deljan en Bulgarie. Ce n’est qu’en 1343 que le nouvel empereur, Constantin IX Monomaque (r. 1042 -1055), put ordonner au gouverneur de Dyrrachium de se lancer contre Vojislav avec une armée composée de ses propres régiments et de régiments en provenance de thèmes voisins[1].

La Chronique du prêtre de Dioclée propose une version différente mais qui ne vient pas en contradiction avec la première. Selon celle-ci, Vojislav (appelé Dobroslav) lança sa révolte contre Constantinople dont dépendait alors la Dioclée parce que les Byzantins avaient déshonoré les épouses de Diocléiens et avaient violé leurs filles[10]. Rejetant alors l’autorité de Constantinople, Vojislav et ses troupes se mirent à piller les territoires avoisinants qui continuaient à reconnaitre cette autorité[11]. L’empereur byzantin envoya alors un général du nom d’Armenopolos mettre un terme à ce pillage, mais celui-ci fut défait[12]. L’empereur tenta alors d’acheter l’appui du župan de Rascie (i.e. Serbie), du ban de Bosnie et du prince Ljutovid de Zachlumie pour qu’ils appuient le gouverneur de Dyrrachium, Cursilius, contre Vojislav[12],[13].

À ce point, les deux récits se rejoignent et en toute probabilité gouverneur byzantin et seigneurs avoisinants montèrent une impressionnante armée contre Vojislav[9],[11],[14],[15].

La bataille

C’est en effet une armée de quelque 60 000 hommes conduite par le général Michel Anastasii qui se dirigea vers la Dioclée[16], établissant son quartier général près de Bar (aujourd’hui ville portuaire du Monténégro).

La veille de la bataille, Vojislav envoya un de ses espions dans le camp romain répandre la rumeur qu’une énorme armée se dirigeait vers eux. Vers la fin de la nuit suivante, Vojislav et ses cinq fils dont Gojislav et Radoslav descendirent lentement des montagnes vers la plaine faisant retentir cornes et trompettes pour donner l’impression que leur nombre était effectivement bien supérieur à la réalité. Les Byzantins pris au piège dans cette région montagneuse furent pris par surprise et, après un âpre combat, complètement vaincus[16]. Tant le gouverneur de Dyrrachium, Cursilius, que le prince Ljutovid de Zachlumie devaient y perdre la vie, ce dernier au cours d’un combat singulier avec Gojislav, le fils de Vojislav[17],[12]. De là, Vojislav s’empara de la Zachlumie qui avait perdu son prince ainsi que de « tous les territoires de Dyrrachium jusqu’au fleuve Vjosa[N 2] ».

Suites

Vojislav ne devait toutefois pas jouir longtemps de ses victoires : il s’éteignit en 1043. Sa veuve et ses cinq fils lui succédèrent. Après son décès, la Dioclée revint dans la zone d’influence de l’Empire byzantin grâce au mariage de son fils et successeur Michel (prince de Dioclée de 1046 à 1077, puis roi de 1077 à 1081) à une parente de Constantin IX (r. 1042-1055)[18].

Notes et références

Notes

  1. Nom donné à une chronique médiévale écrite entre 1295 et 1301 par un prêtre anonyme de la Dioclée. Les historiens modernes considèrent cette chronique comme très inexacte et contenant des passages fictifs
  2. Fleuve du nord-ouest de la Grèce et du sud-ouest de l'Albanie, qui a son embouchure en mer Adriatique.

Références

  1. Dzino 2023, p. 173.
  2. Ćirković 2004, p. 25.
  3. Georgii Cedreni (Georges Cédrène), II, col. 275
  4. Fine 1991, p. 207.
  5. Magdalino 2003, p. 124.
  6. Fine 1991, p. 203.
  7. Voir V. Laurent, « Le thème byzantin de Serbie au XIe siècle », Revue des Études byzantines, vol. 15, 1957
  8. Stojkovski 2021, p. 148.
  9. Dzino 2023, p. 172-173.
  10. Stephenson 2004, p. 133.
  11. Stephenson 2004, p. 133-134.
  12. Dzino 2023, p. 172.
  13. Stephenson 2008, p. 670.
  14. Stojkovski 2021, p. 148-149.
  15. Curta 2006, p. 269.
  16. Stephenson 2004, p. 134.
  17. Stojkovski 2021, p. 149.
  18. Stephenson 2008, p. 670-671.

Bibliographie

Sources primaires

  • (la) Georgii Cedreni (trad. du grec moderne par Guilielmus Xylander), Compendium historiarum, (lire en ligne).
  • Летопис Попа Дукљанина (Chronique du prêtre de Dioclée), Београд-Загреб, Српска краљевска академија,‎ (lire en ligne).
  • Драгана Кунчер, Gesta Regum Sclavorum, vol. 1, Београд-Никшић, Историјски институт, Манастир Острог,‎ (lire en ligne).
  • Тибор Живковић, Gesta Regum Sclavorum, vol. 2, Београд-Никшић, Историјски институт, Манастир Острог,‎ (lire en ligne).
  • (en) Jean Skylitzes, John Skylitzès : A Synopsis of Byzantine History, 811-1057, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-511-77965-7).

Sources secondaires

  • (en) Sima Ćirković, The Serbs, Malden, Blackwell Publishing, (ISBN 9781405142915, lire en ligne).
  • (en) Florin Curta, Southeastern Europe in the Middle Ages, 500-1250, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-81539-0).
  • (en) Danijel Dzino, Early Medieval Hum and Bosnia, ca. 450-1200: Beyond Myths, Taylor & Francis, (ISBN 9781000893434, lire en ligne).
  • (en) John Van Antwerp Fine, The Early Medieval Balkans : A Critical Survey from the Sixth to the Late Twelfth Century, Ann Arbor, The University of Michigan Press, (ISBN 0-472-08149-7).
  • (en) Paul Magdalino, Byzantium in the year 1000, Brill, (ISBN 90-04-12097-1, lire en ligne).
  • (en) Paul Stephenson, The legend of Basil the Bulgar-slayer, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-81530-7, lire en ligne), p. 42–43.
  • (en) Paul Stephenson, Byzantium's Balkan Frontier: A Political Study of the Northern Balkans, 900–1204, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-521-77017-0, lire en ligne).
  • (en) Paul Stephenson, « Balkan Borderlands (1018-1204) », dans Jonathan Shepard (ed), The Cambridge History of the Byzantine Empire, Cambridge, Cambridge University Press, (ISBN 9781107685871, lire en ligne).
  • (en) Boris Stojkovski, « Byzantine military campaigns against Serbian lands and Hungary in the second half of the eleventh century », dans War in Eleventh-Century Byzantium, Routledge/Taylor & Francis Group, (ISBN 9780367192549, lire en ligne), p. 145-159.

Voir aussi

Articles connexes

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