Babel Street

Babel Street
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Fondateur
Jeffrey Chapman (d)
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Babel Street est une entreprise américaine de surveillance numérique fondée en 2009 par Jeffrey Chapman. Basée à Reston en Virginie, la société développe des outils de surveillance et d'analyse de données destinés principalement aux agences gouvernementales américaines et aux forces de l'ordre.

L'entreprise est notamment connue pour avoir développé Babel X, un service de surveillance en ligne qui collecte et analyse des données publiques, et Locate X, un outil de géolocalisation permettant de traquer les mouvements des téléphones portables sans mandat judiciaire en exploitant les données d'applications mobiles. Ce dernier fait l'objet de critiques concernant le respect de la vie privée et des protections constitutionnelles américaines, ainsi que pour son utilisation dans le cadre de la politique migratoire de l'administration Trump II.

Histoire

Babel Street est fondée en juillet 2009 sous le nom d'Agincourt Solutions par Jeffrey Chapman, ancien officier du renseignement naval, et basée à Reston, en Virginie[1],[2]. Elle est dirigée par Stephen Coakley en tant que président, Brian Daum comme directeur financier (depuis avril 2022), et Scott Murray « Dutch » comme vice-président exécutif chargé des comptes du département de la Défense[2].

En 2017, l'entreprise emploie une centaine de personnes, principalement issues des services de renseignement gouvernementaux, et revendique être rentable avec plusieurs milliers d'utilisateurs, certains payant plus de 20 000 dollars par an pour leurs abonnements[3].

Produits

Babel X

La société propose un service de surveillance en ligne appelé Babel X qui collecte et analyse des données publiques provenant d'environ 40 sources internet, incluant les réseaux sociaux grand public et les plateformes du dark web[3]. Le système permet la surveillance de plus de 25 réseaux sociaux, la traduction instantanée de plus de 200 langues, le géorepérage, et dispose d'outils d'analyse de sentiment dans 19 langues pour évaluer l'attitude et l'émotion des publications sur les réseaux sociaux[4].

Clients

Il est initialement développé pour le Pentagone et les agences d'antiterrorisme[3]. En 2017, Vice[4] révèle que le logiciel compte également parmi ses clients le FBI, des forces de police locales américaines, le United States Secret Service, le United States Special Operations Command, et le ministère du Procureur général australien[3],[4]. Il est également utilisé par des entreprises privées pour la surveillance de marque et la gestion de réputation[3].

En 2023, Vice révèle que le Service des douanes et de la protection des frontières (CBP) utilise Babel X pour surveiller les réseaux sociaux de citoyens américains, réfugiés et demandeurs d'asile. Les informations collectées sont conservées dans les systèmes du CBP pendant 75 ans[5].

Locate X

En 2020, le média Protocol révèle l'existence d'un outil de géolocalisation controversé appelé Locate X, vendu secrètement aux agences fédérales américaines depuis 2017. Ce logiciel permet aux forces de l'ordre de traquer les mouvements des téléphones portables en exploitant les données de géolocalisation collectées par des applications mobiles populaires, sans mandat judiciaire. L'outil peut délimiter un périmètre numérique autour d'une zone géographique pour identifier les appareils présents et retracer leurs déplacements sur plusieurs mois[1],[6],[7].

Selon une enquête menée par Atlas Data Privacy Corp, une entreprise spécialisée dans l'aide aux particuliers pour supprimer leurs informations personnelles des bases de données des courtiers en données, Locate X peut localiser environ 25 % des téléphones iPhone et 80 % des téléphones Android[8].

L'existence même de cette technologie est considérée comme une information confidentielle au sein des contrats gouvernementaux, et son utilisation est interdite comme preuve devant les tribunaux[1].

Clients

Parmi les clients figurent en 2020 le service des douanes américain, le Secret Service, le United States Immigration and Customs Enforcement[1],[9], et le United States Special Operations Command[7], avec des contrats totalisant plusieurs millions de dollars[1]. En 2021, le Département du Trésor américain acquiert également l'utilisation de Locate X[10]. Le ministère de l'Intérieur australien l'utilise également depuis au moins 2021[11].

Cas d'usage notable

En 2019, Babel Street fournit son produit Locate X à des chercheurs de l'université d'État du Mississippi dans le cadre d'un projet expérimental financé par l'armée américaine. Les chercheurs ont ainsi pu surveiller des sites militaires sensibles en Europe de l'Est, notamment le site d'essais de missiles de Nyonoksa en Russie, et identifier 48 appareils mobiles présents un jour suivant un pic de radiation mystérieux. Ils ont suivi les déplacements de ces appareils vers diverses destinations, dont un complexe hôtelier à Cuba et plusieurs villes russes[6].

Controverses

Le sénateur Ron Wyden voit derrière son utilisation une tentative de contournement de l'arrêt Carpenter v. United States (en) exigeant un mandat pour accéder aux données de localisation[1]. Babel Street a ainsi été accusée de permettre aux agences fédérales de contourner les protections constitutionnelles en achetant des données personnelles plutôt qu'en obtenant des mandats judiciaires[10]. Bien que les données soient officiellement anonymisées, un ancien employé de Babel Street a confirmé auprès de Vice qu'il était possible de désanonymiser les utilisateurs[7].

En 2024, une enquête menée par Atlas Data Privacy Corp révèle que, malgré que Locate X soit officiellement restreint aux agences gouvernementales américaines, l'équipe commerciale de Babel Street propose le service à des clients privés sans vérifications approfondies. Atlas Data Privacy Corp engage des poursuites judiciaires contre Babel Street pour violation présumée de la loi sur la confidentialité des données du New Jersey[12].

En 2025, Amnesty International dénonce l'utilisation de cette technologie dans le cadre de la politique d'expulsion systématique des immigrés jugés menaçants mise en place par l'administration Trump, soulignant que ces outils présentent d'importantes marges d'erreur et des biais discriminatoires, notamment en catégorisant à tort certains contenus pro-palestiniens comme antisémites, ce qui facilite les détentions et expulsions arbitraires[13],[14],[15],[16].

Autres outils

Babel Street développe également Synthesis, un outil de cartographie automatisée de réseaux sociaux par intelligence artificielle, et Oasis, un outil de recherche avancée[11].

Références

  1. (en) Charles Levinson, « Through apps, not warrants, ‘Locate X’ allows federal law enforcement to track phones » , sur Protocol (archivé), (consulté le )
  2. (en) « Babel Street Inc » , sur Bloomberg
  3. (en) Aaron Gregg, « For this company, online surveillance leads to profit in Washington’s suburbs » , sur The Washington Post, (consulté le )
  4. (en) Curtis Waltman, « Meet Babel Street, the Powerful Social Media Surveillance Used by Police, Secret Service, and Sports Stadiums » , sur Vice, (consulté le )
  5. (en) Joseph Cox, « Homeland Security Uses AI Tool to Analyze Social Media of U.S. Citizens and Refugees » , sur Vice, (consulté le )
  6. (en) Byron Tau, « Academic Project Used Marketing Data to Monitor Russian Military Sites » , sur The Wall Street Journal, (consulté le )
  7. (en) Joseph Cox, « How the U.S. Military Buys Location Data from Ordinary Apps » , sur Vice, (consulté le )
  8. (en) Adam Engst, « Protect Yourself Against Location Tracking Abuses » , sur TidBITS, (consulté le )
  9. (en) Adi Robertson, « Secret Service bought access to cellphone location data » , sur The Verge, (consulté le )
  10. (en) Sam Biddle, « The U.S. Treasury Is Buying Private App Data to Target and Investigate People » , sur The Intercept, (consulté le )
  11. (en) Ariel Bogle, « Revealed: Home Affairs paying to access controversial tool tracking mobile phone movements » , sur The Guardian, (consulté le )
  12. (en) Emma Roth, « An investigation exposes data brokers using ads to help track almost any phone » , sur The Verge, (consulté le )
  13. Antoine Goullin, « «Immigration OS» : aux Etats-Unis, l’IA aide l’administration Trump à expulser des étrangers » , sur Libération, (consulté le )
  14. Martin Clavey, « États-Unis : Amnesty dénonce l'utilisation de logiciels de surveillance des étrangers » , sur Next, (consulté le )
  15. Jérôme Hourdeaux, « Aux États-Unis, des algorithmes pour repérer les étrangers soutenant la Palestine » , sur Mediapart, (consulté le )
  16. « L’IA utilisée pour cibler les migrants et les étudiants étrangers aux États-Unis » , sur Amnesty International France, (consulté le )
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