Promethearchaeati

Asgardarchaeota · Archées d'Asgard, Asgards

Promethearchaeati
Prometheoarchaeum syntrophicum.
Classification LPSN
Domaine Archaea

Règne

Promethearchaeati
Imachi (d) et al. 2024

Les Promethearchaeati sont un règne de procaryotes, du domaine des archées.

Aussi appelées archées d'Asgard ou simplement asgards (et de façon non officiellement validée Asgardarchaeota), ce groupe d'archées découvert en 2015 (à l'époque c'était un phylum ou un super-phylum[1]) dans des sédiments profonds à proximité du château de Loki, un mont hydrothermal au large de la Norvège. Ils ont été nommés d'après le domaine des dieux dans la mythologie nordique[a]. Le nom Promethearchaeati a été validement publié en 2024 selon la nomenclature procaryote, basé sur le genre type Promethearchaeum, seuls représentants isolés et enrichis, et donc seul genre validement publié[2]. Ce nom provient de Prométhée, le Titan qui a donné le feu aux hommes[3].

Les asgards partagent des traits que l'on croyait propres aux eucaryotes. De ce fait, on considère généralement que le clade qui les inclut comprend aussi les eucaryotes, à ceci près que ces derniers sont issus de l'endosymbiose d'au moins une α-protéobactérie (devenue leur mitochondrie) et ne sont plus des « procaryotes » et donc plus des archées. Ce clade élargi est dénommé Eukaryomorpha. Cette approche signe la fin du modèle à trois domaines, les archées devenant un groupe paraphylétique à la base des eucaryotes.

Écologie

Les archées d'Asgard sont généralement thermophiles avec les variations suivantes[4] :

Métabolisme

Les asgards codent certaines protéines semblables à celles des eucaryotes[5], les profilines[6] qui régulent la polymérisation de l'actine, un constituant du cytosquelette des cellules. Elle intervient aussi dans les déplacements de vésicules ou d'organites et dans l'endocytose ou la phagocytose. Ainsi l'ancêtre commun à la bifurcation archées - eucaryotes était doté de mécanismes qui ont permis l'endocytose fondatrice des eucaryotes[7].

Une étude[8] montre que ces archées sont hétérotrophes : elles se nourriraient de matière organique et rejetteraient à des degrés divers de l'hydrogène ou d’autres produits de réduction. De leur côté, certaines α-protéobactéries produisent des enzymes spécialisées dans le métabolisme de l'hydrogène. L'étude suggère donc que ces archées et l’ancêtre des mitochondries vivaient en symbiose avant qu'une endosymbiose intervienne et soit pérennisée chez les eucaryotes[9].

Les asgards n'étaient connus que par des fragments de génomes récoltés dans des sédiments. En 2019, au bout de douze ans d'efforts, une équipe japonaise parvient à en cultiver une espèce, Prometheoarchaeum synthrophicum, accompagnée d'une archée méthanogène du genre Methanogenium (abritée dans ses longs tentacules) et d'une bactérie du genre Halodesulfovibrio (puis les deux espèces d'archées sans la bactérie). De croissance extrêmement lente, Prometheoarchaeum syntrophicum (souche MK-D1) est un organisme de petite taille (∼550 nm), anaérobie, qui dégrade des acides aminés et des peptides par syntrophie avec l'archée Methanogenium et/ou avec la bactérie Halodesulfovibrio[10],[11],[12].

En 2022, une nouvelle espèce d'asgards récoltée dans la boue d'un estuaire en Slovénie, Lokiarchaeum ossiferum, est cultivée (après sept ans d'efforts) et étudiée en détail par microscopie électronique, qui dévoile plusieurs dizaines de fins tentacules comportant des épaississements et des excroissances ainsi qu'un cytosquelette s'étendant jusque dans les tentacules. Le génome de cette espèce et celui d'une autre espèce découverte au même endroit ont pu être séquencés entièrement. Ils comportent notamment quatre gènes codant des complexes protéiques qui chez les eucaryotes servent à plier, découper et assembler les membranes afin de relier les compartiments internes. Le cytosquelette et la machinerie de manipulation des membranes ne sont donc pas une innovation des eucaryotes[13],[14].

Phylogénie

Les asgards pourraient constituer un sous-règne d'archées formé de cinq phylums : les Lokiarchaeota, Odinarchaeota, Thorarchaeota, Heimdallarchaeota et Helarchaeota[15], plus (via l'endosymbiose d'une α─protéobactérie) les Eukaryota.

En 2019, une thèse identifie de nouveaux phylums : Idunnarchaeota[16], Freyarchaeota[17], Baldrarchaeota[18], Friggarchaeota et Gefionarchaeota, à partir de 69 génomes issus d'assemblages métagénomiques[4],. Selon les résultats — encore préliminaires — de cette étude, les Idunnarchaeota seraient les archées les plus proches des Eucaryotes. Le dernier ancêtre archéal commun des Eucaryotes (DAACE) trouverait son origine dans ou à la base du clade Idunnarchaeota + Heimdallarchaeota qui serait, dans cette deuxième hypothèse, le groupe frère des Eukaryota. L'étude suggère que ce DAACE ne possédait pas de voie de Wood-Ljungdahl et codait des protéines d'origine bactérienne, ce qui témoignerait de transferts horizontaux de gènes entre bactéries et archées.

En 2021, l'analyse comparative de 162 génomes d'asgards élargit considérablement la diversité phylogénétique de ce super-phylum et conduit à proposer six phylums supplémentaires dont un clade ancestral provisoirement dénommé Wukongarchaeota. De nouvelles protéines proches de protéines considérées comme caractéristiques des eucaryotes sont aussi découvertes dans plusieurs phylums, ce qui suggère une évolution dynamique par transfert horizontal, perte et duplication de gènes, voire un brassage entre domaines. En revanche cette étude ne permet pas de trancher entre les deux positionnements possibles du dernier ancêtre commun des eucaryotes, un clade frère du clade Heimdallarchaeota–Wukongarchaeota au sein des asgards, ou bien un clade frère des asgards au sein des archées[19].

En 2025, une étude métagénomique reconstitue le génome presque complet de 223 espèces d'asgards et identifie 16 lignées au rang du genre. Elle montre que les Eucaryotes sont apparus en amont du clade des Heimdallarchaeia, avant leur diversification[20].

Proteoarchaeati 
Thermoproteota

Korarchaeia




Crenarchaeia





Aigarchaeia



Geoarchaeia





Thaumarchaeia



Bathyarchaeia






Promethearchaeati 


 Borrarchaeia 





 Helarchaeia 



 Lokiarchaeia 






 Baldrarchaeia 



 Odinarchaeia 





 Hermodarchaeia 



 Thorarchaeia 








 Wukongarchaeia 




 Hodarchaeia 




 Gerdarchaeia 




 Kariarchaeia 




 Heimdallarchaeia  



 Idunnarchaeia 


(+α─Proteobacteria)

 Eukaryota









Asgard

Notes et références

Notes

  1. Asgård est son nom en suédois.

Références

  1. https://lpsn.dsmz.de/search?word=Asgardarchaeota
  2. (en) Hiroyuki Imachi, Masaru K. Nobu, Shingo Kato et Yoshihiro Takaki, « Promethearchaeum syntrophicum gen. nov., sp. nov., an anaerobic, obligately syntrophic archaeon, the first isolate of the lineage ‘Asgard’ archaea, and proposal of the new archaeal phylum Promethearchaeota phyl. nov. and kingdom Promethearchaeati regn. nov. », International Journal of Systematic and Evolutionary Microbiology, vol. 74, no 7,‎ , p. 006435 (ISSN 1466-5034, PMID 38967634, PMCID PMC11316595, DOI 10.1099/ijsem.0.006435, lire en ligne, consulté le )
  3. https://lpsn.dsmz.de/genus/promethearchaeum
  4. (en) Eva F. Caceres, « Genomic and evolutionary exploration of Asgard archaea », Doctoral thesis, Uppsala University, Disciplinary Domain of Science and Technology, Biology, Department of Cell and Molecular Biology, ORCID iD:0000-0003-2890-2631,‎ (ISBN 978-91-513-0761-9, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Laura Eme, Anja Spang, Jonathan Lombard, Courtney W. Stairs et Thijs J. G. Ettema, « Archaea and the origin of eukaryotes », Nature Reviews Microbiology, vol. 15, no 12,‎ , p. 711-723 (ISSN 1740-1534, DOI 10.1038/nrmicro.2017.133, lire en ligne).
  6. (en) C. Akıl et R. C. Robinson, « Genomes of Asgard archaea encode profilins that regulate actin », Nature, vol. 562,‎ , p. 439-443 (DOI 10.1038/s41586-018-0548-6).
  7. Pour la Science no 494 décembre 2018 p. 16.
  8. Anja Spang et al., Proposal of the reverse flow model for the origin of the eukaryotic cell based on comparative analyses of Asgard archaeal metabolism.,2019 DOI 10.1038/s41564-019-0406-9.
  9. Pour la Science no 500 juin 2019 p. 8.
  10. M.-N. C., « Des archées Asgård enfin en culture », Pour la science, no 505,‎ , p. 8.
  11. La Recherche, octobre 2019, p. 24.
  12. (en) Hiroyuki Imachi, Masaru K. Nobu, Nozomi Nakahara, Yuki Morono, Miyuki Ogawara et al., « Isolation of an archaeon at the prokaryote-eukaryote interface », Nature, vol. 577, no 7790,‎ (DOI 10.1038/s41586-019-1916-6, lire en ligne).
  13. (en) Elizabeth Pennisi, « Strange, tentacled microbe may resemble ancestor of complex life », Science,‎ (DOI 10.1126/science.adg4079 ).
  14. (en) Thiago Rodrigues-Oliveira, Florian Wollweber, Rafael I. Ponce-Toledo, Jingwei Xu, Simon K.-M. R. Rittmann et al., « Actin cytoskeleton and complex cell architecture in an Asgard archaeon », Nature, vol. 613,‎ , p. 332-339 (DOI 10.1038/s41586-022-05550-y ).
  15. (en) Kiley W. Seitz, Nina Dombrowski, Laura Eme, Anja Spang, Jonathan Lombard et al., « Asgard archaea capable of anaerobic hydrocarbon cycling », Nature Communications, vol. 10,‎ , article no 1822 (DOI 10.1038/s41467-019-09364-x).
  16. NCBI: "Candidatus Idunnarchaeota" Caceres 2019 (phylum)
  17. "Candidatus Freyarchaeota" Caceres 2019 (phylum)
  18. "Candidatus Baldrarchaeota" Liu et al. 2020 non Caceres 2019 (phylum)
  19. (en) Yang Liu, Kira S. Makarova, Wen-Cong Huang, Yuri I. Wolf, Anastasia N. Nikolskaya et al., « Expanded diversity of Asgard archaea and their relationships with eukaryotes », Nature,‎ (DOI 10.1038/s41586-021-03494-3).
  20. (en) Jiawei Zhang, Xiaoyuan Feng, Meng Li, Yang Liu, Min Liu et al., « Deep origin of eukaryotes outside Heimdallarchaeia within Asgardarchaeota », Nature,‎ (DOI 10.1038/s41586-025-08955-7 ).

Liens externes

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