Aquis Segeste
| Aquis Segeste Aquae Segetae | ||||
| Partie visible du sanctuaire des eaux. | ||||
| Localisation | ||||
|---|---|---|---|---|
| Pays | Empire romain | |||
| Province romaine | Gaule lyonnaise | |||
| Région | Centre-Val de Loire | |||
| Département | Loiret | |||
| Commune | Sceaux-du-Gâtinais | |||
| Type | agglomération secondaire | |||
| Protection | Classé MH (1986) | |||
| Coordonnées | 48° 06′ 56″ nord, 2° 37′ 22″ est | |||
| Altitude | 77-101 m | |||
| Superficie | 25 ha | |||
| Histoire | ||||
| Époque | Antiquité (Empire romain) | |||
| Géolocalisation sur la carte : Rome antique
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Loiret
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Aquis Segeste, selon la mention de la table de Peutinger, est une agglomération secondaire antique située à Sceaux-du-Gâtinais dans le département du Loiret et la région Centre-Val de Loire.
Le seul élément du site dont des vestiges soient au XXIe siècle visibles en élévation est un sanctuaire de source du Haut-Empire romain développé à partir d'un lieu de culte gaulois préexistant ; il est constitué d'un nymphée enclos dans un péribole dont la galerie à péristyle abrite sans doute des entrepôts ou des locaux commerciaux. Outre ce sanctuaire, la parure monumentale de la cité comprend également un théâtre, des thermes et au moins un fanum. Ces monuments voisinent avec des îlots résidentiels, l'ensemble couvrant sans doute au moins 25 hectares.
L'agglomération, fondée au Ier siècle apr. J.-C. sur un site déjà occupé pendant la Protohistoire, est active jusqu'à la fin du IVe siècle, après quoi elle est abandonnée au profit du site mérovingien implanté au niveau du bourg moderne. La ville antique n'est redécouverte qu'au début du XIXe siècle.
L'ensemble du site archéologique est classé au titre des monuments historiques en 1986.
Géographie contemporaine et géologie
Le site archéologique se trouve à 2 300 m à l'est du bourg de Sceaux-du-Gâtinais[1], au lieu-dit « le Préau (ou Pré-Haut) du hameau de la Rivière », à l'extrême nord-est dans le département du Loiret. Il est organisé au fond et sur les flancs d'un vallon sec orienté nord-sud, perpendiculaire à la vallée du Fusain[2].
L'ensemble cultuel et thermal occupe le fond du vallon à une altitude allant de 84 m au niveau du temple à un peu moins de 80 m pour le nymphée et la source supposée l'alimenter. Le théâtre est adossé au flanc oriental, abrupt, du vallon alors que les quartiers résidentiels occupent le plateau prolongeant, par une pente plus douce, le versant occidental. L'altitude des plateaux, de part et d'autre du vallon, s'établit aux alentours de 90 à 95 m.
Le substrat géologique consiste en sables et grès de Fontainebleau rupéliens recouverts, sur une épaisseur de 12 à 15 m, de calcaire du Gâtinais du Chattien[3],[4]. Le fond de la vallée sèche qui accueille le sanctuaire est composé d'alluvions récentes[5].
Contextes géographique et historique antiques
Aquis Segeste se trouve dans la zone du recouvrement imprécis des territoires des Sénons à l'est et des Carnutes à l'ouest[6], où elle fait partie d'une constellation de complexes similaires comme Montbouy, Triguères, Bonnée ou Bouzy-la-Forêt[7]. Cette agglomération secondaire était une des cinquante-deux villes d'eau de l'Empire romain mentionnées sur la table de Peutinger[8].
À quelque 500 m au sud du site passe l'ancienne voie romaine d'Agedincum (Sens) à Cenabum (Orléans)[9], localement appelée « chemin de César », empruntant l'itinéraire suivant : Sens, Les Masures (Villeroy), Saint-Valérien, Montacher-Villegardin, Villegardin, Mardeleuse, Jouy, Les Bordes, Bouttecourt puis le Petit-Bouttecourt (Égreville), Bransles, Dordives, Le Pont-de-Dordives (Château-Landon), Sceaux-du-Gâtinais, Batilly-en-Gâtinais, Nancray-sur-Rimarde, traversée de la forêt d'Orléans via Ingrannes (peut-être Fines sur la table de Peutinger), Orléans. Cette voie d'orientation générale est-ouest reste un élément structurant du paysage contemporain car son tracé subsiste sur de longues sections sous forme de routes, chemins, limites parcellaires ou communales[10]. Une autre voie, venant de Montargis, rejoint sans doute l'itinéraire Orléans - Sens au Gué de la Ville, au sud du site d'Aquis Segeste[11]. Plusieurs stations thermales antiques sont, comme Aquis Segeste, installées en bordure ou à proximité de voies importantes, ce qui favorise à coup sûr leur développement[12].
Toponymie
Le toponyme moderne, « le Préau », est une déformation du mot du patois local « perriau » (lieu où l'on trouve des pierres, terrain pierreux)[5],[13].
Le site apparaît sous le nom d'Aquis Segeste sur la table de Peutinger[14] — les erreurs de copistes sont courantes sur ce document[15]. Elle est également connue sous le nom reconstitué d'Aquae Segetae, forme non attestée. En 1973, l'ancien nom de la cité est assuré par la découverte in situ de l'ex-voto dédié par un citoyen romain à Segeta, divinité incontestablement gauloise[16]. La source thermale est bien vouée à la déesse Segeta, déesse de la Loire et déesse du peuple ségusiave, probablement également déesse guérisseuse du fait de son association avec les eaux thermales, à ne pas confondre avec la divinité romaine mineure agricole Segetia (ou Segeste)[17]. Le nom de Segeta est à rapprocher du celtique sego- sigifiant « victoire » ou « force »[18].
La plaque circulaire en marbre rose d'un diamètre de 0,60 m, dont les fragments sont retrouvés sur le site en 1972 et 1973 dans les décombres remplissant le nymphée désaffecté, était sans doute destinée, à l'origine, à un autre usage que celui d'ex-voto[19]. Elle a pu être reconstituée presque intégralement et porte l'inscription suivante :
- AVG•DEAE
- SEGETAE
- T MARIVS PRISCINVS
- V•S•L•M
- EFFICIENDVM CVRAVT
- MARIA SACRA FIL
L'inscription est ainsi complétée : Aug(ustae) deae Segetae T(itus) Marius Priscinus v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito) efficiendum curav(i)t Maria Sacra fil(ia)[20], ce qui peut être traduit par : « À la déesse Segeta, auguste : Titus Marius Priscinus s’est acquitté de son vœu bien volontiers ; sa fille Maria Sacra a pris soin de le faire achever »[D 1]. Le donateur porte les trois noms (tria nomina) des citoyens romains, et sa fille porte des noms latins[21].
D'autres inscriptions dédiées à Segeta ont été trouvées à Bussy-Albieux[22], Feurs[23] et à Moingt[24](commune de Montbrison-Moingt dans la Loire), où un ancien site thermal porte le même nom[25] d'Aquae Segetae (noté Aquis Segete sur la table de Peutinger) depuis au moins le IVe siècle[26].
Histoire
De la fondation à l'oubli
Le mobilier retrouvé à la faveur de fouilles (tessons de céramique) montre que, sur une partie du site au moins, l'occupation humaine remonte à la Protohistoire[27], mais sa remarquable croissance se fait sous le règne des Flaviens[28] (69 à 96), pour atteindre son apogée au IIe siècle[D 2], même si son histoire est complexe et semble différente d'un endroit à l'autre du site. Ainsi, les fouilles de 2023 montrent que des habitations, au nord, sont victimes d'un incendie dans la première moitié du IIe siècle avant d'être reconstruites dans un secteur profondément remanié[29]. Les thermes sont très affectés par les dégâts de la fin du IIe siècle, mais le site reprend son élan au début du IIIe siècle avec des remaniements importants. L'invasion de 275 lui marque un nouveau coup d'arrêt, surmonté lors de l'époque constantinienne qui suit. Au IVe siècle la ville est détruite[28] ou noyée par la montée des eaux[30] mais ne semble cependant pas totalement abandonnée[29]. Deux cimetières mérovingiens importants découverts dans Sceaux-du-Gâtinais et un troisième repéré à environ 2 000 m au nord-ouest du bourg, indiquent que celui-ci a pris la relève pour ce qui est de l'occupation humaine. Cette tendance se perpétue au Moyen Âge et à l'époque moderne.
Aquae Segetae est oubliée[28], bien qu'elle soit encore mentionnée sous le nom d'Aquis Segeste sur la carte romaine appelée table de Peutinger où elle est symbolisée, comme d'autres villes d'eau d'importance majeure, par un bâtiment carré fermé sur un espace central, sans doute un bassin[31],[14]. Ses ruines semblent exploitées pendant longtemps comme carrière de pierre : Jean-Baptiste Jollois signale que la récupération des pierres se poursuit lorsqu'il rédige son mémoire en 1836[32] et, en 1854, Étienne-Théodore Cosson, souligne qu'« il n'est pas de maison à Sceaux ou dans les environs qui ne possède quelque curiosité venant de cette origine »[33].
Redécouverte et fouilles
Le site est redécouvert au début du XIXe siècle par Jean-Baptiste Jollois, qui l'identifie de façon abusive comme étant Vellaunodunum, un oppidum sénonais mentionné par César dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules[34]. Ce lieu n'est en fait pas localisé : sur la base de la table de Peutinger et du nombre d'artéfacts trouvés par ailleurs, certains auteurs ont situé la ville sur le territoire de la commune de Montbouy, la confondant ainsi avec le complexe de sanctuaire de source, temple, fanum et thermes de Craon jouxtant l'amphithéâtre de Chenevières[35] ; d'autres hypothèses sont évoquées dans le Loiret : Triguères[36],[37], Beaune-la-Rolande, Girolles (hameau de Villon) ou Montargis[38] ; Château-Landon, en Seine-et-Marne, est une autre possibilité[39]. En 1873, l'abbé Étienne-Théodore Cosson retrouve le tracé des quelque 25 km d'aqueduc qui conduisaient, en direction du nord-est, les eaux de sources situées entre Quiers-sur-Bezonde et Nesploy jusqu'à Aquae Segetae[40],[41].
En 1917, Jacques Soyer, archiviste du Loiret, identifie les vestiges du site à l'Aquis Segeste de la table de Peutinger[42]. Des sondages sont réalisés entre 1952 et 1955 par Roland Moufflet sur le plateau à l'ouest du sanctuaire mais ces travaux, très mal documentés par un journal de fouilles imprécis, sont difficilement exploitables[43],[44]. Le seuil de la porte ouest du sanctuaire est fortuitement découvert en 1963. Les premières fouilles rigoureuses commencent cette année-là et sont l'occasion d'une seconde redécouverte du site[D 3] : Michel Roncin dégage le sanctuaire de source. De 1966 à 1976, les fouilles sont réalisées par une équipe de la Société d'émulation de Montargis complétée par des bénévoles. Les premières prospections aériennes ont lieu en 1971. En 1972-1973, la découverte dans le nymphée de l'ex-voto citant la déesse Segeta permet de clore définitivement le débat quant à l'attribution de ce nom au site[16],[D 1],[45].
De 1976 à 1985, le site est inondé et les fouilles en conséquence arrêtées, la sécheresse ayant entraîné la résurgence de la nappe phréatique[D 3]. La commune de Sceaux-du-Gâtinais, le Ministère de la Culture, l'association Segeta et l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), s'allient de 1985 à 1988 pour installer une station permanente de pompage qui permet le rabattement de la nappe[D 3] et en profitent pour faire protéger le site, qui est classé monument historique par arrêté du [46]. Pendant les six années suivantes, l'université d'Orléans devient partenaire du ministère de la Culture, de l'association Segeta et de l'AFAN, pour fouiller le site et plus précisément le sanctuaire de source, aboutissant entre autres à la découverte de thermes de cure accolés au sanctuaire[D 4]. Jusqu'au début des années 1990 les photographies aériennes réalisées par Daniel Jalmain, et notamment celles réalisées au milieu des années 1970, permettent de compléter la connaissance du site en révélant de nouvelles structures[47]. De 2000 à 2005, le Ministère de la Culture, l'AFAN et l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) travaillent à la mise en valeur du site et à des travaux de restauration. Des sondages et études géophysiques sont également effectués sur les thermes du sud. Les fouilles à proprement parler sont reprises en 2005[45].
En 2023, en préalable à la construction d'un bâtiment devant abriter un musée, le nord du site fait l'objet d'une prospection par radar à pénétration de sol. Les résultats obtenus conduisent à la réalisation de fouilles préventives sur une partie du site prospecté[8].
Description
Organisation générale et voirie
Aquis Segeste comprend l'ensemble classique des lieux cultuels et culturels gallo-romains centrés sur une source : un sanctuaire abritant une source sacrée, des thermes et un théâtre[46]. Ce site particulièrement développé inclut aussi des îlots urbains, des ateliers d'artisans, peut-être une nécropole et une aire cultuelle et funéraire. Le tout se déploie sur environ 25 hectares, dont 15 hectares d'espace urbanisé[48].
Commençant à la voie romaine, le cardo s'en éloigne à la perpendiculaire vers le nord sur un peu plus de 700 mètres. Sur sa droite se développent les neuf hectares de l'enceinte sacrée de 200 m de longueur sur 75 m de largeur, également orientée approximativement nord-sud. Dans son prolongement se trouve le sanctuaire de source, de même largeur pour un peu moins de 100 m de long. À son extrémité nord s'élève le fanum et, immédiatement dans l'angle nord-est du sanctuaire, le théâtre. Au nord de cet ensemble s'étend une large aire cultuelle et funéraire.
Au XIXe siècle, l'existence d'une nécropole sur le flanc est du vallon, en regard des thermes, est envisagée dans les premières publications du XIXe siècle mais rien de permet de donner corps à cette hypothèse[11].
Les chemins modernes recouvrent probablement certaines des voies de la ville antique[11]. C'est ainsi que celui qui, au XXIe siècle, longe le sanctuaire à l'ouest et permet l'accès au site, se superpose au tracé du cardo antique dans la zone fouillée.
Les investigations les plus récentes (géoradar et fouilles archéologiques) confirment l'existence, dans la partie nord-ouest de l'agglomération à vocation résidentielle, d'un réseau orthogonal de voies délimtant des îlots mesurant 80 40m. Un cardo, bordé d'un portique ou d'un trottoir sur au moins une partie de son tracé, dessert l'agglomération du nord au sud ; un decumanus le croise pour se diriger peut-être vers la partie nord du sanctuaire. Ces deux voies, objet de réfections multiples, perdurent pendant plusieurs siècles[8],[29].
Secteurs résidentiels
Sur le côté gauche du cardo, vers l'ouest, on trouve d'abord une zone de bâti non identifié. Une voie de passage perpendiculaire au cardo (équivalent à une partie ouest de decumanus) la sépare d'une zone de 12 hectares aménagée à la manière romaine et densément occupée : des îlots résidentiels, coupés de rues à angle droit, s'organisent autour d'un place rectangulaire de 50 m de large sur 100 m de long environ[48].
Dans le secteur nord-occidental de l'agglomération, les structures bâties s'organisent presque toutes selon le plan orthogonal général de la ville, nord-sud et est-ouest. Elles correspondent très certainement à des habitations avec des caves en sous-sol[49] ; elles comportent souvent un bâtiment avec façade sur rue et un terrain nu à l'arrière[29]. Certaines d'entre elles, en maçonnerie de pierre, voient leurs murs décorés et peints ; elles font l'objet de plusieurs réaménagements jusqu'au IIIe siècle[8]. Leur abandon est suivi de la récupération très large de leurs matériaux, et ce jusqu'à une époque récente, les indices archéologiques confirmant ainsi le témoignage de Jollois en 1836[50].
Sanctuaire de source
Enceinte et aménagements
Le sanctuaire de source est clos par un péribole qui déimite une grande cour ouverte de 75 m de large sur 100 m de long, entourée d'un portique à colonnade et chapiteaux formant galerie[D 2]. La façade méridionale est pourvue d'avancées vers l'extérieur à chacune de ses extrémités. Elle comporte deux portes d'accès dont les seuils, larges de 5 m chacune, sont toujours en place. L'entrée occidentale est encore pourvue d'un arc de décharge alternant pierre et briques[41].
Une partie des murs est et ouest en retour ont été mis au jour. Larges de 0,75 m, ils sont bordés extérieurement d'un caniveau couvert de dalles et destiné à drainer les eaux de pluie[41]. Ces deux ailes, organisées en galeries, sont aménagées en pièces dont l'usage est encore mal déterminé, si ce n'est qu'elles abritaient des activités liées aux besoins des pèlerins : échoppes d'artisans, salles de soins[51] ; sur le côté ouest, l'une d'elles semble avoir été occupée par un tabletier fabriquant des ex-votos, une autre par un artisan travaillant l'os[51] (présence d'aiguilles à coudre[52]), une troisième par une activité de soins possible[51] (guérisseur ophtalmologiste travaillant sur la cataracte ?). Dans l'une d'elles, on a retrouvé un grand nombre de coquilles d'huîtres (restauration[51] ou travail de la nacre ?). Pour l'une des deux boutiques attenantes à celle de l'oculiste, d'autres sources suggèrent des activités de bronzier[53] bien que cette interprétation soit discutée[54].
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Galerie sud et fragment de colonne.
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Boutiques ou réserves latérales ouest.
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Boutiques ou réserves latérales est.
Nymphée
La source sacrée jaillit au milieu du sanctuaire de source[55]. Son eau est canalisée jusqu'au nymphée situé à une trentaine de mètres plus au sud, au contact de la galerie méridionale, puis, traversant l'enceinte sud du sanctuaire, elle alimente les thermes curatifs situés de l'autre côté du péribole[56] avant de rejoindre sans doute le Fusain. L'eau de la source captée est ferrugineuse comme en témoignent les dépôts d'oxyde de fer sur les pierres voisines de la source au XIXe siècle[28],[57], mais des analyses modernes n'ont révélé aucune propriété particulière[58].
Le nymphée, mesurant 7,80 × 8,90 m[41], est fouillé en 1973[45] ; c'est alors le premier nymphée polylobé antique connu en France, affectant la forme d'une construction à abside[58].
Dans le bassin et ses alentours, des offrandes votives et des ex-voto sont déposés par les pèlerins[58]. Parmi ceux retrouvés, la nature de beaucoup d'entre eux suggère des demandes à la divinité concernant la fertilité, des problèmes de stérilité, ou postnataux[59] (risus ou petit buste d'enfant rieur, divinité féminine sortant de l'eau). Toutefois, une offrande peut aussi bien être une prière à la déesse que l'expression de la gratitude pour ses bienfaits ou un objet en métal évoquant la partie du corps à faire soigner (ex-voto oculaire ou génital)[D 6].
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Canalisation souterraine de la source vers le nymphée, extrémité nord.
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Nymphée vu du sud.
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Nymphée vu du nord-est.
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Offrandes votives dans le nymphée au-dessus de l'arrivée d'eau.
Monuments publics
Thermes
L'enceinte sacrée, accolée au sud du sanctuaire de source, inclue deux complexes thermaux.
L'un de ces établissements, à caractère thérapeutique, est situé tout contre la façade méridionale du sanctuaire. Il est alimenté par un canal en provenance directe du nymphée. Dans le troisième quart du Ier siècle, il connaît un premier état caractérisé par un ensemble de salles et une premier bassin alimenté par des canalisations en bois. À la faveur de la réorganisation architecturale qui intéresse ce secteur dans la première moitié du IIe siècle, les thermes sont réaménagés avec la construction du caldarium et de son hypocauste, du couloir le desservant et du frigidarium attenant. À la fin du même siècle ou au début du suivant, l'incendie de la partie sud du portique du sanctuaire entraîne l'abandon des thermes[60]. Les fouilles y ont mis au jour des ex-voto déposés par les pèlerins comme dans le nymphée, puisque l'eau n'y était pas moins sacrée[56].
L'autre établissement de bains, plus grand, est situé à 300 m au sud du premier mais toujours dans l'enceinte sacrée ; il est destiné au public[D 5]. Quelques sondages y sont réalisés en 2005[61].
Un aqueduc de près de 25 km de long amenait jusqu'aux thermes publics l'eau de sources situées sur les bords de la Bezonde, entre Nesploy et Quiers-sur-Bezonde, en abordant peut-être le site par le nord après l'avoir contourné par l'est[40],[41] mais la dernière partie de son parcours n'a pas été reconnue[11].
Édifices de spectacles
Le théâtre (48° 07′ 00,4″ N, 2° 37′ 23,61″ E) adossé au coteau et tourné vers l'ouest, mesure de 104 à 115 m de diamètre ; il peut accueillir de 13 000 à 15 000 spectateurs[62],[63],[64]. Même si aucun vestige n'est visible en élévation, l'arc de cercle de sa cavea est discernable sur les photos aériennes. À terre, il est signalé par des débris de matériaux de construction[65].
Le mur périmétral est scandé extérieurement de contreforts. Intérieurement, il est doublé par un autre mur, l'ensemble supportant peut-être un portique au niveau supérieur, ce que semble attester la découverte de fragments de tuiles et de morceaux de bois carbonisés. Quatre vomitoires desservent la cavea, par ailleurs séparée en deux séries de gradins, hauts et bas, par un mur semi-circulaire. Un autre mur sépare la cavea de l'orchestra ; il est percé, en son milieu, d'une petite ouverture permettent d'accéder à une petite pièce carrée située sous les gradins et qu'Albert Grenier interprète comme un tombeau[62]. Le mur de scène est localisé[53].
Au sud-ouest du sanctuaire, en limite ou en-dehors de la zone urbanisée, une anomalie de terrain suggère la présence d'un amphithéâtre mais, en l'absence de fouilles ou de prospections dans ce secteur, l'hypothèse ne peut pas être vérifiée[11].
Fanum
Les prospections réalisées par radar à pénétration de sol dans la partie septentrionale du site en 2023 mettent en évidence l'existence d'au moins deux temples successifs dont les vestiges sont enfouis à très faible profondeur. Les prospections aériennes de Daniel Jalmain avaient déjà identifié l'un de ces monuments[66].
L'un d'entre eux, mieux caractérisé, est de type fanum. Il est situé au milieu du mur nord de l'enceinte sacrée, sensiblement à la rencontre de l'axe nord-sud du sanctuaire et de l'axe est-ouest du théâtre. Il est bâti sur un plan carré et entouré d'une galerie. Des ex-voto étaient placés sur ses murs. La partie centrale d'un fanum, la cella, abrite habituellement la statue de la divinité honorée. Ici, en l'absence du fouilles, cette divinité n'est pas connue et les caractéristiques précises du temple restent à déterminer. Un demi-buste d'Apollon (dont la médecine est une des nombreuses attributions) ou de Mercure a cependant été trouvé près du nymphée[67]. La médecine est l'une des nombreuses attributions d'Apollon qui, par ailleurs, est souvent associé à des sanctuaires des eaux ou, plus généralement, des fontaines[68]. Cette découverte n'apporte toutefois pas de réponse décisive, les bâtiments d'un sanctuaire n'étant pas obligatoirement en lien direct avec les temples et les divinités tutélaires pouvant être différentes[69].
Deux autres fanums sont pressentis dans les secteurs résidentiels de l'agglomération, mais leur présence n'est pas confirmée.
Mobilier archéologique
Une partie du mobilier retrouvé lors de prospections pédestres, sondages ou fouilles, est difficile à exploiter, surtout pour les plus anciennes trouvailles. Le contexte archéologique de leur découverte n'est parfois pas renseigné, pas plus que la localisation précise : des médailles et des poteries sont ainsi régulièrement récupérées au XIXe siècle par des enfants dans les champs labourés[33].
Mise en valeur
Le site est ouvert au public lors des week-end de l'été, et des événements tels que les Journées européennes de l'archéologie ou les Journées européennes du patrimoine[70].
Le , la première pierre d'un musée dédié au site, situé en bordure nord-ouest de ce dernier et qui doit ouvrir en 2027, est posée[71]. Ce musée doit, entre autres, réunir les principales collections du mobilier archéologique retrouvé à Sceaux, et jusqu'alors disséminées dans plusieurs sites d'exposition ou de conservation du département[D 7].
Notes et références
Notes
Références
- « Dans les coulisses du site archéologique et du futur musée de Segeta », Archéologia, mai 2023 :
- Delécolle 2023, p. 58.
- Delécolle 2023, p. 55.
- Delécolle 2023, p. 56.
- ↑ Delécolle 2023, p. 56-57.
- Delécolle 2023, p. 57.
- ↑ Delécolle 2023, p. 60.
- ↑ Delécolle 2023, p. 59.
- Autres références :
- ↑ Dumasy 1974, p. 201.
- ↑ Provost 1995, p. 167.
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- Vilpoux 1999, p. 214.
- ↑ Cribellier 2012, p. 10-11.
- ↑ Dumasy 1974, p. 208.
- « Fouille de l'agglomération antique de Segeta (Sceaux-du-Gâtinais, Loiret) », sur inrap.fr, (consulté le ).
- ↑ Dumasy 1974, p. 217.
- ↑ Jacques Soyer, Les voies antiques de l'Orléanais : civitas Aurelianorum, Société archéologique et historique de l'Orléanais, , 2e éd. (lire en ligne), p. 15-19.
- Vilpoux 1999, p. 215.
- ↑ Stéphane Gendron, La toponymie des voies romaines et médiévales, Paris, éditions Errance, coll. « les Hespérides », , 224 p. (ISBN 978-2-8777-2332-9), p. 109-110.
- ↑ André Pégorier (édition revue et complétée par Sylvie Lejeune et Élisabeth Calvarin), Les noms de lieux en France : glossaire de termes dialectaux, IGN, , 3e éd., 518 p. (lire en ligne [PDF]), p. 356.
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- ↑ Gilbert Charles-Picard, « Une dédicace de la déesse Segeta », Bulletin de la société nationale des antiquaires de France, vol. 32, , p. 192-193 (DOI 10.3406/bsnaf.1974.8175).
- ↑ Provost 1995, p. 172.
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- ↑ CIL XIII, 1646
- ↑ CIL XIII, 01641
- ↑ CIL XIII, 01630
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- Dumasy 1974, p. 202.
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- ↑ « Visites guidées estivales du site archéologique de Segeta, SCEAUX-DU-GATINAIS », sur Tourisme Loiret (consulté le ).
- ↑ Thomas Bogeard, « "Rendre hommage à ceux qui ont participé à ce site" : le musée autour de la ville antique de Segeta verra le jour dès 2027 à Sceaux-du-Gâtinais », La République du Centre, (lire en ligne ).
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Publications spécifiquement consacrées au site d'Aquis Segeste
- Étienne-Théodore Cosson, « Ruines de Vellanodunum », Mémoire de la Société archéologique de l'Orléanais, t. II, , p. 478-486 (lire en ligne).
- Étienne-Théodore Cosson, « Recherches et fouilles archéologiques sur le territoire de la commune de Sceaux en un lieu nommé le Pré-haut », Mémoire de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, t. XII, , p. 229-244 (lire en ligne).
- Anastasia Delécolle, « Dans les coulisses du site archéologique et du futur musée de Segeta », Archéologia, no 620, , p. 54-61.
- Roger Dupré (dir.), Sceaux-du-Gâtinais - un passé de prestige, association Segeta, , 128 p. (ISBN 978-2-9511-8070-3).
- Paul Gache, Sceaux-du-Gâtinais, FeniXX, s.d., 24 p. (ISBN 978-2-3073-2446-1, lire en ligne).
- Jean-Michel Morin, « Sceaux-du-Gâtinais – Le Préau : opération préventive de diagnostic (2016) », ADLFI, (ISSN 2114-0502, lire en ligne).
- Jocelyne Vilpoux, « Sceaux-du-Gâtinais », dans Agglomérations secondaires antiques en Région Centre (supplément à Revue archéologique du Centre de la France, no 17), vol. 1, Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, , p. 211-216.
Autres publications
- Christian Cribellier, « Trois siècles de découvertes et trois décennies de recherches sur les agglomérations antiques de la région Centre », Supplément à la Revue archéologique du Centre de la France, no 42, , p. 9-25 (lire en ligne).
- Françoise Dumasy, « Les théâtres ruraux des Carnutes et des Sénons : leur implantation et leurs rapports avec la Civitas », Revue archéologique du Centre de la France, t. 13, nos 3-4, , p. 195-218 (lire en ligne).
- Isabelle Fauduet, Les temples de tradition celtique en Gaule romaine, Paris, Éditions Errance, , 159 p. (ISBN 2-8777-2074-8).
- Jean-Baptiste Prosper Jollois, Mémoire sur les antiquités du département du Loiret, Paris et Orléans, [l'auteur] et Gatineau, , VIII et 180 p. (lire en ligne).
- Michel Provost, Carte archéologique de la Gaule : le Loiret (45), Académie des inscriptions et belles-lettres, , 249 p. (ISBN 978-2-8775-4004-9, lire en ligne).
Articles connexes
- Liste des monuments historiques du Loiret
- Liste des noms latins des villes françaises
- Architecture romaine
Liens externes
- Ressource relative à la géographie :
- Ressource relative à l'architecture :
- [vidéo] Alain Foucaut, « Site archéologique Aquae Segetae », sur YouTube,
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