Albert Naccache

Albert Naccache
Biographie
Naissance

Né en 1884 au Liban sous le régime de la Moutassarrifiya turque, Albert Naccache (en arabe ألبؠݛ نقاش), est l’un des premiers ingénieurs libanais. Premier Directeur des Travaux publics de l'État du Grand Liban, il a joué un rôle important dans de nombreux travaux d’infrastructure et de développement du Liban de 1914 à 1951. En parallèle à ses activités d’ingénieur, il a publié de nombreux articles sur l’économie politique du Liban dans lesquels il insisté sur la nécessité de développer l'industrie. Alors qu'il plaçait en 1919 d'immenses espoirs dans le Mandat français[1], il en est devenu progressivement de plus en plus critique[2].

Biographie

Contre l'avis de son père, Naccache part étudier en Suisse. Il obtient le titre d'ingénieur mécanique de l’Université de Lausanne en 1911[3].

Après avoir travaillé trois ans en Allemagne et en Russie, il est de retour au Liban en 1914. Il occupe successivement plusieurs postes dont ceux d’ingénieur en chef des travaux publics, inspecteur de l’agriculture, conseiller technique de la Compagnie des Eaux de Beyrouth et conseiller de la Société Anonyme Ottomane du Gaz de Beyrouth.

A le demande du moutassaref Ismail Hakki Bey, il réalise une étude intitulée « Aperçu sur la situation économique du Mont-Liban ». Il s'agit d'une contribution notable au recueil d'études publié Hakki Bey en 1917[4].

Dès l’entrée des Français en novembre 1918, il est nommé Chef du bureau des Travaux publics. La première année de son mandat est axée sur la réhabilitation des routes et services de base pour pouvoir atteindre et aider rapidement les villages très touchés par la famine[5]. Une fois le Mandat français officialisé, il devient Directeur des Travaux publics.

La dégradation de ses relations avec les autorités mandataires ainsi que des difficultés politiques qui entravent ses projets le conduisent à démissionner de son poste en 1923.

Il consacre l'essentiel des années vingt à établir les plans et construire les premières usines hydroélectriques du Liban dont les plus connues sont celles de la Kadicha et de Zahlé.

Dans les années trente, il travaille sur plusieurs dossiers en parallèle. Il conçoit un projet de planification intégrale des eaux libanaises et un un barrage sur la rivière Litani.Il est le promoteur d’un projet portant sur la construction d’une usine hydroélectrique pour la production d’engrais agricoles sur le Litani en 1930 (refusé par les autorités mandataires). Il conçoit, construit et exploite une savonnerie orientale à Sin el Fil (inaugurée en 1934). Il est le promoteur de 1927 à 1940 d’un projet de salines sur le littoral (refusé par les autorités mandataires pour protéger les importateurs de sel). Il rédige plusieurs analyses sur l’économie libanaise publiées dans L’Orient[6],[7],[2].

Par ailleurs, il invente un moteur à huile lourde et faible consommation au milieu des années trente, le raffine progressivement et obtient plusieurs brevets (Europe et USA).

Albert Naccache décède en 1954.

La planification intégrale des eaux

Partisan dès 1914 d'une utilisation complète et optimale des sources d’eau du Liban, il propose publiquement un projet de planification intégrale en 1933.

Le but de cette planification est l’établissement des parts respectives de chaque utilisation possible de l’eau, soit l’irrigation, l’eau potable et l’énergie hydroélectrique et la définition un cadre national cohérent des travaux à mener. Naturellement, la planification vise l'insertion harmonieuse des projets hydrauliques futurs dans le cadre défini par la planification. Un moratoire temporaire sur les projets hydrauliques est donc nécessaire tant que la planification n’est pas établie.

Même si son initiative ne suscite aucun intérêt de la part de quiconque pendant de longues années, il persévère jusqu’au bout et présente publiquement les résultats sa planification en 1946[8]. En 1950, alors qu’il récupère d’un accident cardio-vasculaire, il confie à Maurice Gemayel la promotion de sa planification auprès du Gouvernement libanais et lui confie les résultats de ses travaux. La Planification « Gemayel – Naccache »[9] sera adoptée par le gouvernement libanais le 19 août 1952. Quelques jours plus tard le gouvernement se contredit en octroyant une concession privée…

Politique

Naccache s’est exprimé à plus d’une reprise sur les questions de fond. Il est simultanément libaniste et partisan d’une intégration de l’économie libanaise à celles de la Syrie et l’Irak. Il proposera d’ailleurs plusieurs projets pour la Syrie. Il estime aussi que le gouvernement confessionnel « retarde seulement de cinq siècles » et que « l’estomac a des besoins qui ne sont pas confessionnels ». Il est aussi en faveur de l’impôt progressif sur le revenu, l’instruction primaire obligatoire, la protection des travailleurs par le biais d’assurances obligatoires et l’organisation de syndicats de travailleurs et producteurs. A cette époque, de telles propositions sont associées aux socialistes.

La politique économique

Ayant établi le déficit de la balance publique du Liban en 1917, Naccache n’aura de cesse de se plaindre de l’absence de production industrielle locale sous le prétexte, qu’il estime fallacieux, du manque de ressources naturelles. Fervent partisan d’une industrialisation intelligente, il écrit par exemple en 1932 : « Il nous semble illusoire de demander une indépendance politique quand on ne peut pas produire une aiguille, un fusil, une mitrailleuse […] ».

Le contraste entre les visions politiques économique et sociale du Liban qu'ont Albert Naccache et Michel Chiha est extrêmement fort. Sans surprise, les idées de Chiha ont eu un impact majeur sur la vie politique du Liban tandis que celles de Naccache n'en ont pas eu.

Notes

En supplément à l'exposé de la planification des eaux libanaises, le livre de Maurice Gemayel contient une biographie d'Albert Naccache.

En 1917, il écrit que « le Liban pourrait être à l’Orient ce que la Suisse est à l’Occident »[10]. Alors qu'il s'agit d'une comparaison du rôle que joue la Suisse en Europe à celui que pourrait jouer le Liban dans son environnement moyen-oriental, son idée a été intégrée dans l'imaginaire de certains libanais dans un sens que Naccache n'a jamais envisagé, soit "Le Liban est la Suisse du Moyen-Orient".

Références

  1. Albert Naccache, « Notre avenir économique », Revue Phénicienne, vol. 1,‎
  2. Albert Naccache, « Liban, 1920 – 1936 », L'Orient,‎ 16 au 31 juillet 1936
  3. Philippe Safa, « Souvenirs à propos d’Albert Naccache », La Revue du Liban,‎
  4. (ar) Ismail Hakki Bey, editeur, Liban – Études scientifiques et sociales, Beyrouth, Dar Lahed Khater,
  5. Carla Eddé, Beyrouth : Naissance d’une capitale (1918-1924) , Paris, Sindbad, , p. 143 et suivantes
  6. Albert Naccache, « L’outillage économique du Liban », La Revue du Liban,‎
  7. Albert Naccache, « À la recherche d’une économie nationale », L'Orient,‎ 13 au 18 février 1936
  8. Albert Naccache, « La valorisation du Liban par la planification de ses eaux », L'Orient,‎
  9. Maurice Gemayel, La planification intégrale des eaux libanaises. Volume 1, Beyrouth,
  10. Melhem Chaoul, « Un centenaire : Une esquisse du Liban avant le Liban  », L'orient littéraire,‎
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