Agora d'Athènes

L’Agora d'Athènes, ou agora classique, est une ancienne place publique d'Athènes située au pied de la butte de Colonos Agoraios. Créée au VIe siècle av. J.-C., elle accueille notamment les principaux bâtiments politiques, des édifices à vocation religieuse ou juridique, et forme le carrefour des axes de communication dans la cité d'Athènes. Elle est peu à peu abandonnée pendant la période romano-byzantine. À partir du milieu du XIXe siècle, elle fait l'objet de nombreuses fouilles archéologiques, et est au XXIe siècle un important site touristique de la ville d'Athènes.

Étymologie

Le terme grec antique ἀγορά (agora) est lié au verbe ἀγείρω (ageirô),[1] qui signifie lui même « assembler, rassembler ». Il prend racine dans l'indo-européen *h₂ger-, « rassembler ». [2] Le terme « agora » n'a pas signifié immédiatement « place publique » : dans la langue grecque plus ancienne d'Homère, il signifiait « assemblée du peuple ou de l'armée ». Il conserve ultérieurement son sens d'assemblée, peut aussi désigner un discours devant une assemblée, et enfin son usage le plus courant en grec classique de « place publique » (notamment celle d'Athènes) ou, bien souvent, de « marché ».

Histoire

L'agora d'Athènes est créée sous l'archontat de Solon (594-593 av. J.-C), lorsque ce dernier décide de déplacer l'agora archaïque[Note 1], située au nord-est de l'Acropole. Le déplacement nécessite alors de vider l'emplacement des tombes et des maisons qui s'y trouvent.[réf. nécessaire] À partir de cette période, l'agora d'Athènes accueille les principaux bâtiments politiques de la cité, jusque là situés sur l'Acropole, et les pouvoirs se séparent en plusieurs bâtiments distincts.

Durant l'Antiquité grecque, c'est à cet endroit que se déroulent les échanges, les rencontres et où s'exprime la vie sociale de la cité. Elle est une place centrale de la ville antique, comme le montre élégamment une expression courantes des écrivains grecs de cette époque pour désigner le milieu de la matinée : « l’heure où l’Agora est bondée ».[3] On y perçoit ainsi l'aspect central de la place, non seulement dans l'imaginaire, puisqu'elle est un repère immédiat pour le contemporain, mais aussi dans sa pratique puisqu'elle nous évoque une place pleine de monde. C'était un « vaste emplacement, formant comme une petite ville dans la grande, planté d’allées de platanes et de peupliers, avec des constructions (palais du sénat, tribunaux, temples, etc.), divisé en quartiers assignés à chaque corporation de marchands, et où ceux-ci s’établissaient soit en plein vent, soit dans des baraques ».[4] Elle réunit ainsi de multiples fonctions, politique évidemment, mais aussi judiciaire, religieux et économique.

Elle est complémentaire de l'Acropole, lieu central et surélevé qui rassemble ce qu'il y a de plus sacré, et de l'Agros, espace périphérique de la cité et zone nourricière de culture.

L'agora reste un espace ouvert pendant toute l'époque classique et ne deviendra un espace fermé qu'à l'époque hellénistique, avec l'ajout de la Stoa d'Attale, don du roi de Pergame.

Peu à peu, durant la longue période romano-byzantine, l'Agora d'Athènes est abandonnée et devient un simple quartier (dont les constructions ré-employèrent souvent les pierres antiques) et, lorsque la ville rétrécit à la suite des invasions des Goths (IVe siècle) et des Slaves (VIe siècle), elle représente la partie occidentale de la petite bourgade qu'est devenue Athènes (aujourd'hui[Quand ?] Pláka).

Les habitations qui occupent ensuite le site sont rachetées et rasées au XXe siècle, tandis que le site antique est dégagé. L'Agora d'Athènes est aujourd'hui un très important site archéologique et touristique, situé en plein cœur de la ville moderne, au pied de l'Acropole.

Fouilles

Les premières fouilles sur le site de l’Agora antique sont exécutées par la Société archéologique grecque au cours des années 1859-1912 et mettent surtout au jour le Portique des Géants et une partie du côté ouest de l’Agora, où l’Institut Archéologique allemand fouille en 1896-1897.

En 1890-1891, dans la partie nord de l’Agora une tranchée profonde est ouverte pour le passage de la voie ferrée Athènes-Le Pirée. On y trouve beaucoup de vestiges et de bâtiments anciens qui sont détruits[Par qui ?], ainsi que des fragments de sculptures, transférées au Musée National[Lequel ?].

Les fouilles systématiques de l’École américaine d’études classiques commencent en 1931 et continuent jusqu’en 1940. Elles recommencent après la Seconde Guerre mondiale de 1946 à 1960. Pour fouiller le site entier, il faut démolir plus de 360 maisons modernes. De 1953 à 1956, grâce au financement accordé par JD. Rockefeller, le portique ou stoa d'Attale est reconstruit en vue d'une utilisation comme musée, réserves, laboratoires et bureau de fouilles du site de l’Agora. Le site réaménagé est confié à la Société Archéologique grecque.

En 2012, les travaux du métro d'Athènes mettent au jour le plus long tronçon actuellement connu de la Voie sacrée, la route venant d'Éleusis. Les fouilles permettent de dégager les murs de soutènement dont elle est encadrée ainsi que les ruines du cimetière antique qui la longe. Ces ruines s'échelonnent de l'époque géométrique jusqu'à la période post-romaine[5].

Description et fonctions

Localisation

L'agora d'Athènes est située au pied de la butte de Colonos Agoraios. Elle se trouve au point le plus bas de l’astu et forme le carrefour des axes de communication dans la cité d'Athènes. Ainsi, l’autel des Douze Dieux est le point à partir duquel on calcule toutes les distances. Elle est entourée des grands axes de communications, vers Le Pirée, le port d’Athènes, la Porte sacrée et la porte du Dipylon et la voie des Panathénées vers l’Acropole.

Édifices

La frontière entre les différentes catégories de bâtiments n'est pas toujours évidente. Le résultat des différentes fouilles est parfois vague. On ne sait à quoi correspond le bâtiment nommé arsenal, et la découverte du stratégeion est sujette à caution.

Toutefois, les fouilles ont révélé un important témoignage de la démocratie athénienne, les ostraca, tessons de poterie faisant office de bulletins dans la procédure d'ostracisme.

Liste d'édifices

  1. Bâtiment à péristyle
  2. Monnaie
  3. Fontaine sud-est ou Ennéacrounos
  4. Stoa sud
  5. Héliée
  6. Stratègeion
  7. Colonos Agoraios
  8. Tholos
  9. Borne de l'Agora
  10. Monument des héros éponymes
  11. Métrôon (ancien Bouleutérion)
  12. Bouleutérion
  13. Héphaïstéion (Théséion)
  14. Temple d'Apollon Patroos
  15. Stoa de Zeus
  16. Autel des Douze Dieux
  17. Stoa royale
  18. Temple d'Aphrodite Ourania
  19. Stoa d'Hermès
  20. Stoa Poikilè
  21. Stoa d'Attale (aujourd'hui reconstruit, ce portique de style éclectique est conforme aux caractéristiques de l'art de l'époque hellénistique)

Édifices à vocation religieuse

La fonction religieuse prééminente de l'agora se perçoit tout d'abord par la très grande densité de bâtiments à fonction religieuses : les temples, les Stoa dédiés, ainsi que l'autel des douze dieux au croisement Nord de la place, duquel on mesurait d'ailleurs toutes les distances. De plus, l'agora accueillait tous les quatre ans la procession des Grandes Panathénées. La voie processionnelle partait d'Éleusis pour ensuite emprunter la voie sacrée et entrer dans la ville, passer par le quartier du Céramique, l'agora par la voie panathénaïque, un des grands axes qui traverse la place, avant de se rendre sur l'Acropole pour que s'y déroule la cérémonie.

Édifices à fonction politique

Lorsque l'agora devient place publique au VIIe siècle av. J.-C., elle prend rapidement la fonction de lieu de pouvoir. Des magistratures s'y déplacent en -683 / -682. Neuf archontes résident dans le Tholos, et la Stoa Basileios (litt. « portique royal ») est le siège de l'archonte roi. Cette fonction politique, ou du moins de résidence des puissants se confirme sous la tyrannie des Pisistratides, entre -561 et -510, puisque des traces d'un bâtiment à l'angle Sud-Ouest de la place indique sans doute la résidence des tyrans.

Mais l'exercice du pouvoir à l'agora prend toute son importance sous la démocratie athénienne. Quand la tyrannie est renversée à la fin du VIe siècle av. J.-C. et que la démocratie se construit, le peuple gagne en importance, et les fonctions de l'agora aussi, qui se voit donc associée au pouvoir politique du peuple. Quand Clisthène en -508 / -509 réforme les institutions, il crée notamment la Boulè, conseil qui se réunit dans le Bouleutérion à l'Ouest de la place et qui gagne considérablement en importance avec les réformes d'Éphialtès. Celles-ci privent l'Aréopage, conseil se réunissant sur la colline du même nom, de la plupart de ses fonctions pour les donner au peuple, situé sur l'agora. En effet, les deux bâtiments politiques principaux de l'agora, le Bouleutérion et le tribunal juridique de l'Héliée, ont en commun d'être l'essence de l'isonomie, principe fondateur de la démocratie athénienne qui veut l'égalité entre les citoyens, par la pratique du tirage au sort. Ce tirage au sort se manifeste physiquement par la présence sur la place du klèroteurion, qui fonctionne à la vue de tous pour garantir la transparence et le bon fonctionnement de la démocratie. Un autre acte politique majeur a lieu sur l'agora est celui de l'ostracisme. Ce vote sans débat préalable permet aux citoyens d'écrire sur un tesson le nom d'un autre citoyen qu'ils souhaitaient voir banni. Moyen par le peuple de faire pression sur les élites, l'ostracisme est encore un symbole du pouvoir politique du peuple qui se trouve lié à l'agora.

Constructions à destination juridique

Bâtiments à fonction économique

Le terme antique d'agora pouvant aussi signifier « marché », il ne faut pas oublier que cette place athénienne avait au quotidien cette fonction économique. De nombreux commerces étaient présentes à travers toutes la place, et différentes zones pouvaient être attribuées à différentes corporations de marchants. On y trouvait des ateliers permanents comme des installations temporaires, établis à découverts ou dans des bâtiments, le long des rues sous les Portiques (Stoa) mais aussi aux alentours immédiats de la place.

Les Portiques exerçaient un rôle majeur pour les marchants : il s'agissait de longs bâtiments couverts, fermés d'un mur d'un côté mais ouverts à l'avant par une ou plusieurs rangées de colonnades. Ils accueillent entre autres des boutiques, et délimitent le pourtour de l'agora, à commencer par le Portique Sud, le plus grand, mais aussi le Poikilè au Nord ou ceux construits en l'honneur d'une divinité, Hermès ou Zeus, au Nord Ouest.

Par ailleurs, la vie économique faisait l'objet d'un contrôle sur l'agora même, puisque les étalons de mesure étaient conservés dans le Tholos ou dans celui de la Monnaie, où les pièces étaient probablement frappées. De plus, deux esclaves publics étaient chargés par la cité de contrôler la qualité et l'authenticité des pièces en circulation, l'un au port du Pirée et l'autre à l'agora.

Commodités

  • Fontaine sud-est ;
  • Boutiques : L'agora est un lieu de marché intense, à tel point que les réunions de l’ecclésia ne seront plus possibles au Ve siècle av. J.-C. Les boutiques sont en bois, tissus, adossées aux stoas, le long des voies de circulation. L'agora est un lieu hautement social, où se réalisent de nombreuses rencontres de toutes sortes ;
  • Théâtre en bois amovible, utilisé pendant les réunions de l'assemblée du peuple (ecclésia), les Grandes Dionysies et d'autres occasions ; cette assemblée du peuple se réunira plus tard sur la Pnyx. Un théâtre en pierre sera construit près de l'acropole au Ve siècle av. J.-C., après un effondrement accidentel de la structure.

Notes et références

Notes

  1. On a très peu d'informations sur les édifices de l'agora archaïque, encore moins sur leur fonction. Elle est citée dans l'Iliade et l'Odyssée.

Références

  1. « ἀγορά (agora) — Bailly.app », sur bailly.app (consulté le )
  2. « ἀγείρω (ageirō) — Bailly.app », sur bailly.app (consulté le )
  3. Sophie Gotteland, « Le corps mis en scène sur l’Agora chez les orateurs attiques », dans Corps en jeu : De l'Antiquité à nos jours, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 17–30 p. (ISBN 978-2-7535-6722-1, lire en ligne)
  4. « ἀγορά (agora) — Bailly.app », sur bailly.app (consulté le )
  5. (el) María Thermoú, « Το μετρό έφερε στο φως την αρχαία Ιερά Οδό » [« Le métro met en lumière l'ancienne voie sacrée »], sur tovima.gr, To Víma,‎ (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

  • Yannis Tsiomis et Frédéric Pousin, « Aménagement du site archéologique de l'Agora d'Athènes », Les Carnets du paysage, no 6,‎ automne/hiver 2000, p. 6–19 (ISBN 2-7427-3115-6).
  • Robert Flacelière, La vie quotidienne en Grèce au siècle de Périclès, Paris, Hachette,
  • (en) John M. Camp, The Athenian Agora, Thames and Hudson, (ISBN 978-0-500-27683-9)
  • M. C. Howatson, Dictionnaire de l'Antiquité : Mythologie, littérature, civilisation, Bouquins

Articles connexes

Liens externes

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