Abouré (peuple)
| Côte d'Ivoire | 78 000 |
|---|
| Langues | abouré |
|---|---|
| Religions | Tradition africaine |
| Ethnies liées | Akans |
Les Abouré sont un peuple du sud-est de la Côte d’Ivoire, appartenant au groupe des Akan lagunaires.
Les Abouré vivent essentiellement entre le fleuve Comoé et la lagune Aby[1], à Grand-Bassam, à Moossou, à Yaou et à Bonoua.
Ethnonymie
Selon les sources et le contexte, on rencontre d'autres formes : Abonwa, Abourés, Abule, Abure, Agoua, Akaplass, Akaples, Akapless, Asoko, Compa, Essouma, Esuma[2].
Histoire
Les Abouré vivaient à l'emplacement actuel des Agni-Sanwi sous l'appellation de Kompa[1]. À l'arrivée des Agni , ils ont migré vers l'Ouest ont créé un royaume dont la capitale est Bonoua.
Les Abouré ont connu aussi des périodes de conflits, notamment avec leurs voisins, les Agni à l'époque d'Aka Esouin, roi du Krinjabo aux environs de 1770[1].
Ils se sont également rebellés à la fin du XIXe siècle contre le colonisateur français sous l'autorité du chef d'état major des troupes Abouré Kadjo Amangoa, alors qu'il y avait un traité signé avec la métropole en 1842 par l'explorateur Bouët-Willaumez[3].
Organisation sociale et politique
La société abouré est organisée selon un système matrilinéaire, où l’héritage et la transmission des pouvoirs passent par la lignée maternelle. Les Abouré sont traditionnellement dirigés par un roi appelé Mlingbi , assisté par des notables(Mlitin) et chefs de clans[4],[5].
Chaque village abouré possède une structure politique propre, mais liée à un ensemble plus vaste regroupé en confédération ou alliance coutumière. La chefferie joue un rôle central dans la résolution des conflits, la gestion des terres et la préservation des traditions[6].
Langue
La langue abouré appartient au sous-groupe des langues akan, qui fait partie de la branche kwa des langues nigéro-congolaises. Elle est parlée par plusieurs dizaines de milliers de personnes, principalement dans la région de Bonoua et ses environs[7],[8],[9].
Composition des villages
Les villages abouré sont traditionnellement établis à proximité d’un cours d’eau, en bordure de lagune ou le long d’un marigot. Leur structure est généralement linéaire, traversée par une voie principale orientée d’est en ouest, et complétée par des ruelles secondaires. Les habitations, en banco ou en matériaux durables pour les plus aisés, s’organisent autour d’une cour intérieure. Deux types de résidences coexistent : l’opukoblê, résidence du patriarche , ou résidence clanique et le opukô, domicile conjugal. Cette dernière, souvent dotée d’un ajisyeblê, maison rituelle, constitue le centre des activités religieuses et des délibérations familiales. Des dépendances — poulaillers, étables ou espaces de retrait menstruel autrefois appelés namû dukô — complètent l’organisation domestique[10].
Quartier
Chaque village abouré est divisé en deux quartiers principaux : Benini à l’est et Kumasi à l’ouest, en souvenir des régions d’origine ashanti et apollonienne des Abouré. Ces quartiers peuvent être séparés par un ruisseau ou un marigot, et sont eux-mêmes subdivisés en zones distinctes, souvent délimitées par des cours d’eau saisonniers. À Moossou, par exemple, le marigot Atwê sépare les sous-quartiers Abreti et Beli dans Benini, tandis qu’Abofi marque la limite entre Taba et Brina dans Kumasi. Les zones abritant les trônes des clans ancestraux, appelées ebientê -pukô, échappent à toute démolition rituelle et constituent les pôles de continuité symbolique du village[10],[11],[12].
Population
La population villageoise est structurée selon une hiérarchie sociale composée de quatre groupes : les Ediyê, membres des clans autochtones fondateurs ; les Ohopwê, étrangers établis avec l’accord d’un clan hôte ; les Kaha, anciens esclaves intégrés à une lignée à travers un rituel spécifique ; et les Apolien, descendants d’esclaves jouissant de certains droits civiques. Les Ediyê occupent une position privilégiée dans la vie politique et rituelle. Les Ohopwê, bien qu’intégrés au tissu social, ne peuvent participer aux décisions coutumières sans autorisation, et leurs descendants ne deviennent membres à part entière que sous certaines conditions. L’ensemble de la population est également regroupé en classes d’âge (efwa), qui remplissent des fonctions sociales, économiques et militaires, consolidant les liens intergénérationnels au sein de la communauté[10],[13].
Culture et tradition
Les Abouré possèdent un riche patrimoine culturel marqué par des rituels, des fêtes, des danses et des musiques traditionnelles. Parmi les pratiques les plus significatives figure le Popo Carnaval, une fête populaire issue de la fête des ignames, aujourd'hui modernisée par l’introduction d’un volet carnavalesque qui en fait un moment de grande réjouissance communautaire[14],[15]. Le culte des ancêtres occupe également une place centrale dans la vie spirituelle, s'exprimant à travers des cérémonies, des sacrifices et la consultation des Kômians, figures traditionnelles de sagesse et de médiation avec le monde invisible.
Religion
Comme beaucoup de peuples akan, les Abouré ont longtemps pratiqué des religions traditionnelles basées sur le culte des ancêtres et des divinités naturelles (forêts, rivières, etc.). Aujourd’hui, ces pratiques coexistent avec le christianisme (catholicisme et protestantisme) et, dans une moindre mesure, l'islam[11].
Répartition géographique
Les principales localités peuplées par les Abouré comprennent Bonoua, reconnue comme la capitale historique et culturelle de ce peuple, ainsi que Grand-Bassam, où les Abouré cohabitent avec d'autres groupes ethniques. Moossou, village royal situé à proximité immédiate de Grand-Bassam, occupe une place symbolique importante. D'autres localités notables incluent Ebrah, Yaou et Vitré, qui participent également à la préservation des traditions et de l'organisation sociale abouré.
Notes et références
- Raymond Borremans, Le grand dictionnaire encyclopédique de la Côte d'Ivoire, Tome 1 : A-B, Abidjan, NEA, 1986, 287 p. (ISBN 2-7236-0733-X), p. 27
- ↑ SUDOC
- ↑ « Pour rendre hommage au grand résistant Kadjo Amangoua » (sur Abidjan Talk, 21 octobre 2005) abidjantalk.com
- ↑ « Rezo-Ivoire .net | lorganisation sociale et politique des aboures », sur rezoivoire.net (consulté le )
- ↑ Stéphan Dugast, « Classes d'âge, chefferie et organisation dualiste : les Abouré de la Basse Côte-d'Ivoire », Cahiers d'Études africaines, vol. 138-139, , p. 403-454 (lire en ligne [PDF])
- ↑ « Bonoua: Dans la pure tradition Abouré », sur FratMat, (consulté le )
- ↑ « Memoire Online - Etude des idéophones d'une langue kwa: l'abouré éhè - Ben Martial BEGROMISSA », sur Memoire Online (consulté le )
- ↑ Aboi François YANGRA, « LES EMPRUNTS DE L’ABOURE AUX LANGUES ROMANES : ASPECTS MORPHOPHONOLOGIQUES ET CATEGORISATION SEMANTIQUE », SLC, no 12, (chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.revue-slc.org/wp-content/uploads/2023/11/3_YANGRA-Aboi-Francois_RISLC-n%C2%B012-decembre-2018.pdf [PDF])
- ↑ Koukoua Etienne N’GATTA, « EMPRUNTS LEXICAUX DE LA LANGUE ABOURÉ AUX LANGUES INDO-EUROPÉENNES : APPARITION ET ADAPTATION MORPHOPHONOLOGIQUE », Generis publishing, (chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://generis-publishing.com/upload/books/2024/05/strong-EMPRUNTS-LEXICAUX-DE-LA-LANGUE-ABOUR-AUX-LANGUES-INDO-EUROPENNES-APPARITION-ET-ADAPTATION-MORPHOPHONOLOGIQUE-strong_preview_1716275902.pdf [PDF])
- Georges niangoran bouah, « Le village Abouré », Cahiers d'Études africaines, , p. 113-127 (lire en ligne [PDF])
- COULIBALY Gninlnan Hervé, « TERRE, TERRITOIRE ET INTERCULTURALITÉ EN PAYS ABOURÉ DE CÔTE D’IVOIRE LAND, TERRITORY AND INTERCULTURALITY IN ABOURE’S AREA OF CÔTE D’IVOIRE », Revue Internationale du Chercheur, vol. 4, no 3, (lire en ligne [PDF])
- ↑ Bosson Dominique-Claver KADJO, « Kadjo Amangoua et la conquête coloniale française », REVUE ELECTRONIQUE AKIRI, , p. 121 (chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://revue.akiri-uao.org/wp-content/uploads/2024/04/8_TAP_Bosson-D.C.-Kadjo_Akiri049_Hist.pdf [PDF])
- ↑ AIP, « OFWA ou le creuset de la créativité, de l’identité propre et du renforcement du sentiment d'appartenance à la communauté Abouré », Abidjan.net, (lire en ligne)
- ↑ Auteur Yelee, « Culture et traditions n° 1 : Le peuple Abouré de Côte d’Ivoire », sur Yelee News, (consulté le )
- ↑ (en) Alphonse Camara, « La tradition abouré dans toute sa splendeur », sur www.linfodrome.com, (consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Monica Blackmun Visonà, « The Lagoons peoples », in Art of Côte d'Ivoire: from the collection of the Barbier-Müller Museum, Genève, vol. 1, 1993, p. 368-383, 416
- (en) Peter Mark, « Two carved columns from Grand Bassam », in African arts (Los Angeles), n° 20 (2), , p. 56-59, 84
- (en) James Stuart Olson, « Aburé », in The Peoples of Africa: An Ethnohistorical Dictionary, Greenwood Publishing Group, 1996, p. 6 (ISBN 978-0-313-27918-8)
- (en) Robert T. Soppelsa, « Western art-historical methodology and African art : Panofsky's paradigm and ivoirian mma », Object and intellect: interpretations of meaning in African art, in The Art journal (New York), vol. 47, 1988, n° 2, p. 147-153
- Monica Blackmun Visonà, « Artistes et guérisseurs chez les populations lagunaires », in Godo-Godo (Abidjan), n° 9, 1986, p. 57-72
- Remi Clignet, Tradition et évolution de la vie familiale en Côte d'Ivoire : étude comparative sur les transformations de la famille restreinte au sein d'une société matrilinéaire, les Abourés et d'une société patrilinéaire, les Bétés, EPHE, Paris, 1963, 256 p. (thèse de 3e cycle)
- Stéphan Dugast, « Classes d'âge, chefferie et organisation dualiste : les Abouré de la Basse Côte-d'Ivoire », in Cahiers d'études africaines (Paris), No. 35 (2-3), n° 138-139, 1995, p. 403-454
- E. S. Ehouman, « Dieu dans trois contes abourés », in Annales de l'Université d'Abidjan, série J, Traditions orales Abidjan, 1978, vol. 2, p. 7-45.
- G. Niangoran-Bouah, « L'organisation sociale des Abouré», École pratique des Hautes études, VIe section, mémoire n°120, Paris, 1959.
- G. Niangoran-Bouah, « Le village Abouré», cahiers d'ettudes africaines, 1,2, n°2, 1960.
- G. Niangoran-Bouah, « Les Abouré, une société lagunaire de Côte d'Ivoire», Annales de l'Université d'Abidjan, Série D, Lettres et Sciences Humaines, 1965.
- Simone Ehivet-Ehouman, Vision de la femme dans le conte Abouré, Mémoire de maîtrise, Université de Paris XIII, Paris, 1976, 194 p.
Articles connexes
- Liste des groupes ethniques d'Afrique
- Autres peuples Akan lagunaires : Nzema, Atchan
Liens externes
- « Les Abouré, une société lagunaire de la Côte d'Ivoire » (extrait d'article, Annales de l'Université d'Abidjan, Série D, Lettres et Sciences Humaines, 1965, I, p. 37-172, mis en ligne sur Rezoivoire, )
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