Abbaye de la Paix Notre-Dame de Liège

Abbaye de la Paix Notre-Dame de Liège

L'abbatiale.
Existence et aspect du monastère
Existence Abbaye en activité
Site web http://benedictinesliege.com/novo
Identité ecclésiale
Culte Culte catholique
Type Abbaye de moniales
Présentation monastique
Fondateur Florence de Verquigneul
Origine de la communauté Les religieuses sont en provenance de l'abbaye de la Paix Notre-Dame de Namur
Ordre Ordre bénédictin
Historique
Date(s) de la fondation 1627
Architecture
Architecte Aldegonde Desmoulins
Dates de la construction
Styles rencontrés Baroque
Protection  Patrimoine classé (1983, no 62063-CLT-0103-01)
 Patrimoine exceptionnel (2016, L'orgue "Le Picard", buffet et instrument, no 62063-PEX-0019-03)
Localisation
Pays Belgique
Région  Région wallonne
Province  Province de Liège
Ville Liège
Coordonnées 50° 38′ 16″ nord, 5° 34′ 03″ est
Géolocalisation sur la carte : Liège
Géolocalisation sur la carte : Belgique

L'abbaye de la Paix Notre-Dame de Liège est un établissement monastique fondé à Liège en 1627. Elle est située au no 52-54 du boulevard d'Avroy.

L'abbaye bénédictine fut construite entre 1686 et 1690 d'après les plans d'une moniale originaire de Mons, Antoinette Desmoulins. Les religieuses fondatrices de la congrégation bénédictine de Paix Notre-Dame étaient en provenance de Namur.

L'établissement s'est maintenu au-delà d'une interruption de 45 années consécutive à la Révolution française.

Historique

La construction de l'église de l'abbaye débute en 1677 et s'achève en 1690 d'après les plans d'Aldegonde Desmoulins, moniale bénédictine originaire de Mons[1],[2].

Selon Julie Piront :

"Les bâtiments monastiques des bénédictines sont édifiés progressivement au cours du XVIIe siècle. Une muraille de pierre est érigée en 1642, puis un cloître achevé en 1645. Il faut attendre les dernières décennies du siècle pour que la modeste chapelle soit remplacée par une église digne de ce nom, bâtie de 1680 à 1690"[3]

Les bâtiments claustraux, conçus également par Aldegonde Desmoulins, ont été élevés après son décès inopiné survenu en 1692[1].

Considérations artistiques

Extérieur de l'église

Construite en calcaire de Meuse, l'église est décorée d'une façade baroque.

Le premier niveau est composé de plusieurs pilastres ioniques encadrant un portail central et deux fenêtres latérales. Le tout supporte un entablement, suivi d'un second niveau orné d'un oculus et d'une Vierge à l'enfant au centre, encadré de pilastres corinthiens. Enfin, deux ailerons latéraux s'élève jusqu'à un fronton surmonté d'une croix[3]. Il s'agit d'une version modifiée de la célèbre façade du Gésu à Rome.

La façade latérale côté monastère est semblable à la façade principale à l'étage inférieur. Une baie surmontée d'un fronton courbe le surmonte[4].

Plan intérieur

Le plan intérieur est insolite. En effet, l'église est divisée en deux parties : l'une pour la communauté, l'autre accessible au public. Cette dernière s'organise autour d'une nef centrale, encadrée de deux chapelles, terminée par un chœur à chevet plat[3]. L'ensemble est couvert de voûtes en ogives et reçoit la lumière par de hautes baies rectangulaires cintrées surmontées d'oculi.

Tout le génie d'Aldegonde Desmoulin repose dans l'idée d'avoir placé le chœur des religieuses derrière la chapelle est. C'est à dire perpendiculairement au chevet. De cette manière, les religieuses sont capables de voir les célébrations religieuses sans être vu par les fidèles, ce qui est en adéquation avec les recommandations du Concile de Trente[3].

Connaissance du milieu artistique local

Les religieuses ont fait appel à de nombreux artistes pour la décorations de leur abbatiale. Les quatres principaux sont Arnold du Hontoire, Cornelis Van der Veken, Godfried de Maes et Englebert Fisen. Ce mécénat est à souligner.

En effet, cette connaissance du milieu artistique pour un ordre nouveau et considéré comme cloitré peut s'expliquer par la proximité des artistes avec le milieu ecclésiastique. Arnold du Hontoire a, par exemple, travaillé pour le prince-évêque et le chapitre cathédral de la ville. Il a aussi réalisé une sculpture de saint André pour la collégiale Saint-Jacques-Le-Mineur de Liège[5].

Englebert Fisen est un artiste reconnu et réputé à cette époque. Il est aussi proche des cercles religieux. Le prince-évêque de Liège est un de ces mécènes. Sa seconde fille est religieuse de l’ordre de Sainte-Claire, et il est membre administratif de l’Hospice du Petit Saint-Jacques. C’est-à-dire l’hospice du collège bénédictin Saint-Jacques Le-Mineur de Liège[6].

L'abbaye Saint-Jacque-le-Mineur de Liège se situe à seulement quelques mètres du monastère de la Paix Notre-Dame et les sœurs ont été plusieurs fois en contact avec certains de ses membres. Le registre des vêtures stipule que :

« Marie Madeleine de Halet ; a reçu l’habit de l’ordre le 7°. Juillet 1652 par les mains de Monseigneur le Supérieur de St Jacques », qu’« elle a reçu le St habit de l’ordre par les mains de Monseigneur Le Jubilaire Dom Tirÿ Sanÿ Religieux de St Jacques » ou que « Monsieur le Révérend Abbé de St Jacques, assisté de ses religieux a fait la cérémonie de sa vêture »[7].

À travers leurs liens avec cette abbaye, les religieuses ont pu découvrir le travail de Fisen et du Hontoire.

Décor intérieur

Les chapelles latérales sont décorées de deux autels : l'un dédié à sainte Scholastique, l'autre dédié à saint Benoit. Ils accueillent des peintures représentant la mort des deux saints ont été peinte par Englebert Fisen.

L'autel en chêne et les statues de sainte Scholastique et saint Benoit ont aussi été réalisé par Arnold du Hontoire. Il n’a pas hésité à reprendre la même iconographie, aux gestes près, du saint Benoit de son rival, Jean Del Cour, réalisé trois ans plus tôt pour collégiale Saint-Jacques-Le-Mineur de Liège. La figure et les drapés sont identiques. Pourtant, Hontoire ne lui donne pas un aspect contemplatif. Le saint est plutôt actif. Il pointe du doigt la foule comme s’il lui parlait. Ce geste donne une dimension plus théâtrale. Il s’éloigne aussi de l’iconographie de Jean Del Cour en rajoutant l’oiseau. Ce dernier est un attribut rare du saint. Il évoque la scène de l’empoisonnement. Un prêtre, jaloux de la popularité du saint, propose à celui-ci un pain empoisonné. Conscient du piège tendu, il jette le pain à un corbeau qui l’emmène loin de lui[8].

La statue de sainte Scholastique reprend aussi la composition de celle de Jean Del Cour. On retrouve la même façon de tenir la Règle et la crosse abbatiale. La colombe se distingue par son envol plutôt que par sa position assise sur le livre. Nonobstant, le voile de la statue d’Hontoire est semblable à celui porté par les religieuses de la Paix Notre-Dame. Jean Del Cour a réalisé un voile plus léger avec une seule couche de tissu au-dessus de la tête. Le front n’est pas caché par un bandeau et la guimpe ne couvre pas la poitrine. Hontoire s’est véritablement intéressé à l’habit porté par les religieuses et en offre une représentation fidèle.

Cet ensemble accueille, au centre, une Assomption peinte par Godfried Maes.

De plus, deux statues réalisées par Cornelis Van der Veken sont adossés aux piliers de la nef.

L'orgue réalisé par Jean Baptiste le Picard en 1737 et son buffet sont classés au patrimoine exceptionnel de la Région wallonne depuis 1983.

Le chœur des religieuses

Avec la réinstauration de la clôture par le concile, c’est tout un pan de l’architecture religieuse qui se transforme.

Á l’origine, le cloître féminin est un lieu d’apaisement, de prière et de méditation, donc un espace sacré. Cette sacralisation du cloître est soulignée par Sylvie Duval :

« Le monastère apparaît ainsi comme un avant-goût du paradis, où les femmes perdent leur caractère sexué. De fait, si l’image du jardin clos, l’hortus conclusus, a longtemps été utilisée pour évoquer à la fois le paradis et les cloîtres, elle représente aussi le corps de la Vierge, ainsi que le suggère le Cantique des cantiques »[9].

Moultes exemples illustrent cette comparaison entre paradis et cloître. C’est le cas dans le monastère de la Visitation de Blois. En effet, Laurent Lecomte souligne que sur celui-ci :

« une inscription encore visible à l'entrée du chœur rappelle cette dimension mystique : « ce lieu est saint et n'est autre que la maison de Dieu et la porte du Ciel » »[10].

Lorsqu’on parle d’hortus conclusus, c’est-à-dire de jardin clos, on décrit le cloître, mais aussi son aspect divin. Pour s’approcher du Divin, et spécifiquement du Christ à qui elle est mariée, la religieuse se doit de conserver sa virginité. C’est ce que souligne Fawzia Tazdait :

« sa profession de virginité implique l’union spirituelle avec le Christ. Saint Augustin rappelle que si les vierges sont exaltées, c’est parce qu’elles sont consacrées à Dieu. »[11].

De même, saint Ambroise précise que : « Est vierge celle qui épouse le Christ »[12].

Cette vertu virginale est souvent associée à une fleur dans bon nombre d’ouvrages. Ainsi, selon Cherrier : « La Virginité eft un tréfor précieux enfermé dans un vailleau fragile, & une fleur de bonne odeur »[13].

La Vierge est aussi symbolisée par des fleurs diverses et variées. En effet, selon Henryot :

« la Mère de Jésus est logiquement associée à l'image d'une plante somptueuse. Au XII° siècle, le mystique Hugues de Saint-Victor explique qu'elle est une « fleur par sa beauté », une violette « pour son humilité », une rose « par sa charité », un lys « par sa pureté », un cep de vigne « par l'abondance de ses fruits » »[14].

Cette dimension florale est aussi appuyée par les religieuses elles-mêmes comme en témoigne le poème écrit par Sœur Dame Bathilde La Haÿe : « Vous cherchez un chemin d’épines, Les miens sont de roses et de fleurs »[7].

Toutes ces métaphores florales s'incarnent dans le chœur des religieuses . La grille est encadrée de rinceaux végétaux ondulants. Dans une esthétique clairement baroque, les courbes et contre courbes de l’ensemble, réalisées par Arnold du Hontoire, donnent du mouvement et attirent le regard. La grille matérialise la clôture de manière douce et symbolique et évoque une sorte de prison vertueuse pour les religieuses.

De même, les stalles sont garnies de symboles floraux. On découvre sur les sièges rabattables des encorbellements garnis de petites fleurs. Chaque stalle est encadrée par deux volutes de rinceaux végétaux et de nombreuses frises florales et des gerbes de fleurs s’échappant de figures de putti s’étalent sur les murs.

Réfectoire

Interdit au public, le réfectoire conserve tout les tableaux des abbesses précédentes.

Représentation de l'abbaye

Le peintre britannique William Turner, lors d'un séjour dans la ville, a dessiné un croquis de l'abbaye depuis le boulevard d'Avroy[a].

Références

Référence internet

  1. (en-GB) Joseph Mallord William Turner, « View at Liège, Looking towards the Dome of St Andrew’s Church », sur www.tate.org.uk, (consulté le ).

Références papier

  1. Joseph Delmelle 1973, p. 82.
  2. Émile Poumon 1972, p. 68-69.
  3. Piront, Julie ; Henneau, Marie-Elisabeth ; et. al., « Un nouveau profil de bénédictines au Nord de la "dorsale catholique": une réforme pensée par et pour des femmes au 17e siècle. » dans Jean E Gammal et Laurent Jalabert (dir.), Changer, rénover, restaurer : la réforme au fil de l’histoire et de l’actualité, 2017.
  4. Émile Poumon 1972, p. 69.
  5. LEFFTZ (Michel), Sculpture en Belgique, Éditions Racine, Bruxelles, 2001, pp.80-85.
  6. HENDRICK (Jacques), La Peinture au Pays de Liège. XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Perron-Whale, Liège, 1987, p.60-65.
  7. Anonyme, Registre contenant la réception des filles et leur profession, en ce présent monastère de la Paix NotreDame, come aussi les dottes qu’elles ÿ ont apportez en aumonne, et les jours de leur trespas commençant l’an 1627 », [s.e], [s.l], XVIIème -XVIIIème siècles.
  8. Armogathe (Jean-Robert), Dictionnaire des saints et grands témoins du christianisme, CNRS éditions, Paris, 2019, pp.135-137.
  9. DUVAL (Sylvie), « De la réclusion volontaire : L’enfermement des religieuses entre Moyen Âge et époque moderne », HEULLANT-DONAT (Isabelle), CLAUSTRE (Julie), LUSSET (Élisabeth) et al., Enfermement, Paris, Éditions de la Sorbonne, vol.3, 2020, p.56.
  10. LECOMTE (Laurent), « Ni voir, Ni être vue : cloture et cura monalium dans les couvents féminins français aux XVIIe et XVIIIe siècles », CHATENET (Monique), MIGNOT (Claude), L’architecture religieuse européenne au temps des Réformes, Paris, De architectura, 2005, p.265.
  11. TAZDAIT (Fawzia), « L’idéal de virginité d’après les Pères de l’Église latine », Topique, 2016, p.55.
  12. TISSOT (Marie-Gabriel), Saint Ambroise, Écrits sur la virginité, Solesmes, Abbaye Saint Pierre de Solesmes, 1980, p.18.
  13. Cherrier (Sébastien), Histoire et pratique de la clôture des religieuses selon l’esprit de l’Église et la jurisprudence de France, Paris, G. Desprez, 1764.
  14. HENRYOT (Fabienne), Dictionnaire historique de la Vierge Marie : sanctuaires et dévotions, XVe-XXIe siècle, Paris, Perrin, 2017, p.67.

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Émile Poumon, Les églises de Belgique, Province de Liège et province de Luxembourg, Liège, Cebedoc, , 115 p.
  • Joseph Delmelle, Abbayes et béguinages de Belgique, Bruxelles, Rossel Édition,
  • Robert Ruwet et Albert Cariaux, Liège éternelle : Les traces d'antan dans les rues d'aujourd'hui, Tempus, coll. « Mémoire en images », , 128 p.

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du monachisme
  • Portail de l’architecture chrétienne
  • Portail du catholicisme
  • Portail de Liège