Élection présidentielle croate de 2024-2025

Élection présidentielle croate de 2024-2025
(1er tour)
(2e tour)
Corps électoral et résultats
Inscrits 3 531 065
Votants au 1er tour 1 625 458
46,03 %  5,2
Blancs et nuls au 1er tour 19 245
Votants au 2d tour 1 560 820
44,17 %  10,8
Blancs et nuls au 2d tour 57 209
Zoran Milanović – SDP
Voix au 1er tour 797 938
49,68 %
 20,1
Voix au 2e tour 1 122 859
74,68 %
Dragan Primorac – Indépendant
Voix au 1er tour 314 663
19,59 %
 7,1
Voix au 2e tour 380 752
25,32 %
Marija Selak Raspudić – Indépendante
Voix au 1er tour 150 435
9,37 %
Ivana Kekin – Možemo!
Voix au 1er tour 144 533
9,00 %
Tomislav Jonjić – HSP
Voix au 1er tour 82 787
5,15 %
Président de la République
Sortant Élu
Zoran Milanović
Indépendant
Zoran Milanović
Indépendant

L'élection présidentielle croate de 2024-2025 se tient les et afin d'élire le président de la république de Croatie pour un mandat de cinq ans.

Le premier tour — marqué par une baisse de la participation — voit l'arrivée en tête du président social-démocrate sortant Zoran Milanović avec 49,7 % des voix, manquant de peu sa réélection dès le premier tour. Il se qualifie pour le second tour, organisé deux semaines plus tard, face au candidat de l'Union démocratique croate Dragan Primorac. Il l'emporte très largement au second tour avec près de 75 % des voix.

Contexte

La campagne pour les élections législatives d'avril 2024 est marquée par la tentative du président Zoran Milanović — ancien dirigeant du Parti social-démocrate (SDP) élu en 2020 — de se mettre à la tête de la coalition Rivières de justice, menée par le SDP[1]. Quelques heures après avoir convoqué le scrutin le 15 mars — soit quatre mois avant la date prévue —, Milanović déclare lors d'une conférence de presse être candidat aux élections, dans le but de devenir Premier ministre. Il promet ainsi de démissionner au soir de la « victoire du SDP », une décision qui provoquerait la tenue anticipée de l'élection présidentielle prévue pour décembre 2024[2],[3].

Trois jours plus tard, cependant, la Cour constitutionnelle juge inconstitutionnelle la candidature de Milanović, ainsi que toute implication de sa part dans la campagne électorale en faveur du SDP, en raison du devoir de neutralité de sa fonction. La Cour juge ainsi que Milanović doit démissionner s'il veut poursuivre ses projets, une décision qualifié par le concerné de « coup d'État constitutionnel ». Milanović va ainsi jusqu'à traiter les juges de la Cour de « gangster illettrés » et de « paysans primitifs », et les accuser de « prendre en otage » les électeurs et alliés du SDP[4],[5].

Connu pour ses positions pro-russes, Milanović s'était notamment fait remarquer en s'opposant en 2022 à l'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'OTAN dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Il qualifie ainsi les projets d'adhésion — qui aboutissent tous deux l'année suivante — de « charlatanisme dangereux » et les compare à l'action de « taquiner un ours enragé en enfonçant un stylo dans son œil »[6],[7]. Au cours de la campagne, il accuse le gouvernement de corruption et de chercher à faire entrer en guerre la Croatie aux côtés de l'Ukraine, et appelle la population à « chasser les voleurs et les abuseurs du pouvoir »[8].

Le scrutin législatif est finalement une victoire en demi-teinte pour l'Union démocratique croate (HDZ) du Premier ministre Andrej Plenković. La coalition menée par l'HDZ arrive en effet largement en tête, mais essuie un recul qui l'éloigne de la majorité absolue des sièges[9],[10],[11]. Le dirigeant du Parti social-démocrate de Croatie (SDP), Pedja Grbin, reconnait dans la soirée que les résultats de la Coalition Rivières de justice menée par son parti « ne sont pas les résultats qu’on espérait ». La campagne agressive du président Zoran Milanović à l'encontre du HDZ n'aurait ainsi pas fourni l'effet escompté. Les accusations de corruption et de clientélisme auraient au contraire braqué et mobilisé l'électorat de droite, tout en choquant une partie de celui de gauche, qui se serait tourné vers d'autres formations[12].

Si une coalition est finalement formée début mai 2024 entre la HDZ, le SDP et le Mouvement patriotique (DP), permettant à Andrej Plenković de se maintenir au poste de Premier ministre[13],[14], les négociations post-électorales sont marquées tout comme la campagne par une décision de la Cour constitutionnelle à l'encontre du président Zoran Milanović. Deux jours après le scrutin, cette dernière juge qu'ayant continué de faire campagne pour le SDP tout en se maintenant au poste de président malgré les avertissements de la Cour le 18 mars, Zoran Milanović est désormais inéligible au poste de Premier ministre, dans le cas où le SDP parviendrait à former un gouvernement de coalition. Le président de la Cour constitutionnelle, Miroslav Separovic, déclare ainsi que « Le président a été prévenu à temps qu’il pouvait participer à la campagne, mais qu’il devait démissionner. Maintenant, c’est fini. Il ne peut plus être Premier ministre. », et que « Tout le monde doit respecter la Constitution et la loi »[12],[15]. La décision de la Cour provoque une vive polémique, trois de ses treize juges rédigeant une opinion dissidente dans laquelle ils affirment que rien dans la constitution ne permet de la justifier. Rejetant ce qu'ils qualifient de « menaces inconstitutionnelles », les trois juges s'inquiètent publiquement des risques d'une telle sape de la volonté populaire[16],[17]. Zoran Milanović réagit quant à lui en convoquant une conférence de presse devant une photo de Miroslav Separovic en compagnie des ministres Oleg Butković et Branko Bačić titrée « L'homme de la HDZ », au cours de laquelle il accuse la Cour de préparer un coup d’État[18],[19].

Système électoral

Le président de la république de Croatie est élu directement par la population pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois selon une forme modifiée du scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour être élu dès le premier tour, un candidat doit réunir la majorité absolue de la totalité des votants, y compris les votes blancs et nuls. À défaut, un second tour est organisé entre les deux candidats arrivés en tête, et celui recueillant le plus de suffrages est déclaré élu[20]. Tout président élu doit immédiatement résilier son appartenance à un parti politique, s'il en avait une, et en notifier le parlement. Officiellement, les présidents sortants sont ainsi nécessairement indépendants[20].

Le scrutin se tient entre trente et soixante jours avant l'expiration du mandat précédent. Si un second tour est nécessaire, il est organisé quatorze jours après le premier. En cas de désistement d'un candidat qualifié pour le second tour, le candidat arrivé après lui au premier prend sa place. Aucun président ne peut effectuer plus de deux mandats, consécutifs ou non[20]. Pour participer au scrutin, un candidat à la présidence doit réunir les signatures de soutien d'au moins 10 000 électeurs inscrits sur les listes électorales, et ce dans les douze jours suivant l'officialisation de sa candidature. Les électeurs ne peuvent signer leurs soutien qu'à un seul candidat par élection présidentielle. Les soutiens sont vérifiés par la commission électorale à l'expiration du délai pour chaque candidat déclaré[21].

Campagne

Dragan Primorac fait campagne sur un programme pro-occidental, tandis que Zoran Milanović réitère son opposition au soutien de l'Union européenne à l'effort de guerre ukrainien contre la Russie. Marija Selak Raspudić choisi d'axer sa campagne sur un programme incluant les problèmes économiques, le déclin démographique et la lutte contre la corruption. Ivana Kekin fait quant à elle campagne contre Primorac et le HDZ, les accusant de corruption dans le secteur de la santé[22].

Sondages

Premier tour

Second tour

Résultats

Résultats de la présidentielle croate de 2024[23],[24]
Candidats Partis Premier tour Second tour
Voix % Voix %
Zoran Milanović Indépendant[a] 797 938 49,68 1 122 859 74,68
Dragan Primorac Indépendant[b] 314 663 19,59 380 752 25,32
Marija Selak Raspudić Indépendante 150 435 9,37
Ivana Kekin Možemo! 144 533 9,00
Tomislav Jonjić Indépendant[c] 82 787 5,15
Miro Bulj Most 62 127 3,87
Branka Lozo DOMiNO 39 321 2,45
Niko Tokić Kartelo Indépendant 14 409 0,90
Votes valides 1 606 213 98,82 1 503 611 96,33
Votes blancs et nuls 19 245 1,18 57 209 3,67
Total 1 625 458 100 1 560 820 100
Abstention 1 905 607 53,97 1 972 621 55,83
Inscrits / participation 3 531 065 46,03 3 533 441 44,17

Analyse et conséquences

Avec 49,68 % des voix, Zoran Milanović, le président sortant, arrive largement en tête du premier tour, manquant de peu de remporter l'élection sans ballotage. Le candidat de l'Union démocratique croate au pouvoir, Dragan Primorac, arrive deuxième avec 19,59 % des voix, et se qualifie également pour le second tour[25].

Zoran Milanović est réélu au second tour avec un score écrasant de 74 % des voix, ce qui fait de lui le troisième chef de l'État à être réélu après Franjo Tuđman et Stjepan Mesić[26].

Notes et références

Notes

  1. Officiellement indépendant, soutenu par le Parti social-démocrate de Croatie, dont il était auparavant membre.
  2. Officiellement indépendant, soutenu par l'Union démocratique croate.
  3. Officiellement indépendant, soutenu par le Parti croate du droit.

Références

  1. (en) « The President of Croatia, known for his pro-Russian views, has been banned from participating in early parliamentary elections. What is happening? :: Svidomi », sur svidomi.in.ua (consulté le ).
  2. (hr) « Milanović ide na izbore sa SDP-om: Bit će kandidat za premijera », sur Dnevnik.hr (consulté le ).
  3. (hr) « Tko će ukrstiti rukavice? Milanović bi na Plenkovića u prvoj, a evo koji su okršaji u ostalim izbornim jedinica », sur tportal.hr (consulté le ).
  4. « En Croatie, pourquoi la candidature du Président Milanovic est jugée inconstitutionnelle ».
  5. (sr) « Milanović: The decision of the Constitutional Court is a constitutional coup, I will be prime minister », sur vijesti.me, vijesti.me (consulté le ).
  6. « Le président croate pourrait ne pas se présenter aux élections législatives », sur RTL Info, RTL Info, (consulté le ).
  7. Jutarnji List, « Balkans. Le président croate opposé à l’élargissement de l’Otan à la Finlande et à la Suède », sur Courrier international, (consulté le ).
  8. « Législatives croates : duel entre le parti du Premier ministre et celui du président », sur euronews (consulté le ).
  9. (hr) « Rezultati izbora: Obrađeno više od 99 posto biračkih mjesta, HDZ - 61 mandat, Rijeke pravde 42 », Dnevnik,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  10. « Croatie : les conservateurs en tête des législatives, mais loin de la majorité », sur Le Monde.fr, Le Monde, (ISSN 1950-6244, consulté le ).
  11. « Législatives en Croatie : les conservateurs en tête, mais avec moins de sièges que prévu », sur Franceinfo, (consulté le ).
  12. « Politique. Législatives en Croatie : vers un “grand marchandage” pour former un gouvernement », sur www.courrierinternational.com, (consulté le ).
  13. (hr) « Plenković: "Dogovorili smo da tri resora pripadnu DP-u. Prvi u EU uvodimo to ministarstvo". Otkrio i neke ministre koji ostaju u Vladi », sur Dnevnik.hr (consulté le ).
  14. « Croatie: le parti du Premier ministre sortant forme une coalition avec la droite nationaliste », sur www.laprovence.com, (consulté le ).
  15. « Croatie : le président ne pourra pas devenir Premier ministre », sur www.letelegramme.fr (consulté le ).
  16. « Croatia's top court rules President Milanović cannot be prime minister because of campaign » [archive du ], sur Associated Press, (consulté le )
  17. (hr) « Troje sudaca protiv odluke o Milanoviću: "Ovo je prijetnja novom Saboru da paze što rade" » [archive du ], sur dnevnik.hr, Nova TV, (consulté le )
  18. (hr) « Milanović šefu Ustavnog suda odgovorio fotografijom: "Pogledajte kako HDZ donosi odluke tzv. Ustavnog suda" » [archive du ], sur dnevnik.hr, Nova TV, (consulté le )
  19. (hr) « Milanović: 'Ovo je priprema za državni udar. Mandatar može biti bilo tko' » [archive du ], sur tportal.hr/, Tportal, (consulté le )
  20. Constitution, article 96 et 97
  21. izbori! Ovo su datumi koje morate znati
  22. (en) Saša Kavić, « Croatia's outspoken president is seeking reelection. He faces several contenders in Sunday's vote », sur apnews.com, Associated Press, (consulté le ).
  23. (hr) Commission électorale d'État de la république de Croatie, « Décision sur les résultats définitifs sur l'élection du Président de la République de Croatie tenue le 29 décembre 2024 » [PDF], sur izbori.hr, (consulté le ).
  24. (hr) Commission électorale d'État de la république de Croatie, « Décision sur les résultats définitifs sur l'élection du Président de la République de Croatie tenue le 12 janvier 2025 » [PDF], sur izbori.hr, (consulté le ).
  25. AFP, « Présidentielle en Croatie : le chef de l'Etat sortant, Zoran Milanovic, largement en tête au premier tour, rate l'élection directe d'un cheveu », sur francetvinfo.fr, France Info, (consulté le ).
  26. Dušan Ilić, « Élections en Croatie : victoire écrasante du président sortant Zoran Milanović », Euronews,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Portail de la politique
  • Portail de la Croatie
  • Portail des années 2020